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  • AVENTURES DU BOUT DU MONDE (3)

    Bouddha otage aux Maldives



    Malé. (Août 2005). Après deux semaines de folie au Sri Lanka ancestral et des retrouvailles bouddhistes tant attendues, nous avons droit à six jours de repos et de calme, dans un vrai « plat pays » qui n’a rien de Brel, ni des Pays Bas. Anis, mon fils et fidèle compagnon de voyage en a décidé ainsi.

    A la nuit tombante, l’arrivée à Malé est surprenante. Des îlots à perte de vue se suivent et se ressemblent par leur petite taille et leur absence de montagne ou monticule. N’était-ce l’éloignement, le tsunami de l’an dernier aurait emporté tout le pays.
    Les passagers de notre avion allemand sortent rapidement leurs appareils photos et matraquent chaque paysage de leurs petits hublots. Les formalités de police sont rapides mais les douaniers sont regardants. Petit, moustachu, dépourvu de tout sourire et armé d’indifférence, le sieur douanier insiste pour ouvrir notre bagage à main noir, pour en sortir victorieusement un produit illégal et dangereux. Le 11 septembre a-t- il donc à ce point contaminé les Maldives?

    Le douanier appelle son supérieur lequel fait appel à un lieutenant qui, armé d’un simple stylo bleu qui refuse d’écrire, improvise un procès verbal en bonne et due forme. Le lèse majesté est évident. Profanation de l’Islam. Dans un pays fortement religieux. L’entrée d’un bouddha blanc en pierre semi précieuse est une offense à la nation. Je n’en revenais pas. Mon beau bouddha souriant du haut de ses 15 centimètres subira « une saisie conservatoire » par les douanes du pays.

    Un petit reçu sera caché à la dernière page de mon passeport sans penser une seule minute ce qui nous attendra à la sortie du pays.

    Rapidement le premier bus pour aller au port. Mhamed notre nouvel ami s’improvise guide et chamboule tout notre programme. Heureux de parler espagnol avec les étrangers, il nous prend en sympathie et nous affrète le « Speedy one » pour rejoindre la ville. La navette marine est un voyage dans le temps. Les Maldives s’offrent à nous en luxueux et rapide bateau.

    A peine installés dans notre hôtel de fortune, pour une nuit dans cette capitale, que nous voilà déambulant dans les rues de Malé, riche de 64000 habitants.
    Les jeunes musulmanes portent un pudique mais coquin foulard bariolé et ne se privent pas de plaisanter en nous conduisant jusqu’à la porte d’un célèbre et populaire restaurant où une certaine noix exotique serait le dessert défendu… A la libanaise, les petits plats se suivent mais ne se ressemblent pas jusqu’à l’arrivée de cette noix ovale aphrodisiaque dite arecnaut découpée en lamelles et mâchée avec des clous de girofles, comme le quat au Yémen. Ici, l’apport du citron vert en fera un digestif euphorisant !

    Les Maldives dont le nom dérive de Mala (série) et « dvipa » (îles) se veut un archipel de 26 atolls de près de 1200 îles coralliennes dont 220 sont habitées. C’est ainsi que commence le speech de Rilwan Shaweuf, notre nouveau Cigéviste, dans son bureau d’agent de voyage. Avec son ordinateur il vend les Maldives à tout venant et n’hésite pas à happer les voyageurs au long cours.
    Il continue sur sa lancée : « notre pays à une température moyenne de 27° et l’altitude maximum de nos îles est seulement de 2 mètres. L’année 2020 risque d’être l’année fatale qui engloutira la moitié de notre archipel par ce chambardement climatique et ce réchauffement planétaire…

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    Bandos Island Resort
    Le lendemain, nous retrouvons le Speedy one pour aller vivre quelques jours de rêves sur l’île Bandos au « Bandos Island Resort ». Imaginez-vous un pays divisé en îlots. Imaginez-vous chaque îlot métamorphosé en un seul et unique Resort ou hôtel huppé.
    Quelques heureux mortels viennent vivre dans ces hôtels-îles des journées exceptionnelles où seuls le farniente, la plage, la musique, le poisson, la bière, le vin et le champagne (en pays strictement musulman mais pas dans un Resort) et bien sûr Internet avec branchement ADSL…

    Je ne peux oublier cet équipage japonais qui jouxte notre bungalow et qui, le soir venu, s’armait de guitare et de joie de vivre et chantait avec nous les balades de la vie… A l’autre bout de l’île, derrière les cuisines, la forme d’un toit m’intrigue. Des tuiles vertes recouvrent un petit minaret de 4 mètres de haut. Le champagne sera pour les touristes mais les employés du Resort, tout aussi nombreux que les touristes (un par client), se rendent fidèlement à leur petite mosquée pour leurs cinq ablutions et prières du jour…

    Le dernier soir, une surprise dans la salle Internet de l’hôtel: le client précédent (du Japon, de Suède ou de Navarre ?) a téléchargé un texte du Web en le laissant sur le bureau ou écran du Pc. Non, ce n’est ni ma fatigue, ni ma myopie qui me jouent une farce nocturne. C’est bien un texte téléchargé d’un site web tunisien webmanagercenter qui parle d’une tentative informatique tunisienne en Mauritanie… Plus tard à mon retour à Tunis, je me ferai un nouvel ami qui ne croyait pas que son travail sur le web atteindrait un jour les lointaines Maldives…

    DEPART CATASTROPHIQUE
    C’est le dernier jour du voyage. Si « partir c’est vivre un peu » arriver à la fin d’un voyage c’est déjà mourir un peu. L’aéroport est taciturne et l’ambiance est morose. Les touristes et les voyageurs se bousculent sans se heurter et attendent leur vol de nuit pour rejoindre Munich en Allemagne. Anis mon « bodyguard » s’empresse d’accomplir rapidement le check in et passe à la police avec nos deux passeports en main. Tout allait bien et on devait même passer au salon d’honneur pour nos 40 dernières minutes aux Maldives… quand soudain Anis s’exclame et demande brusquement au policier qui s’apprêtait à tamponner nos passeports ce qu’il devait faire pour récupérer son Bouddha confisquer à l’arrivée.

    C’est le drame. C’est la honte. C’est la catastrophe. Le policier arrête tout mouvement, se lève et se précipite hors de son guichet vers son collègue avec le reçu de notre Bouddha confisqué. Un interminable palabre de 10 minutes s’achève par l’arrivée d’une jeune douanière en blouse blanche bardée d’étoiles jaunes, bien en chair et à moitié endormie. La magie de notre Dame de la Lourdes, du Christo de Rio ou celle de Babakar au Sénégal font que notre blanc Bouddha jaillit de nulle part et nous rejoint. Dieu est grand, Bouddha est clément. Merci.Vivement le salon d’honneur.

    Mais le voyage a des raisons que le voyageur ne connaît pas et qui vous change le destin et le cours d’un périple. Le policier qui assiste à la remise du Bouddha refuse cette fois de nous remettre nos passeports.
    Ô rage, au désespoir ! Ô vieillesse ennemie, n’ai-je donc vécu que pour vivre cette infamie ? Un Bouddha qui revient et un passeport qui disparaît.

    Rapidement nos documents de voyage sont confiés à un silencieux policier gradé, nerveux et légèrement haineux. Ce chef décide de s’entourer de trois adjoints pour scruter à la loupe nos passeports.
    Cinq, dix, vingt minutes déjà. Un siècle pour ainsi dire. Une éternité. Le drame est en bout de piste, notre vol en tarif PEX sur l’Allemagne partira sans nous et il faudra débourser près de 2000 euros pour un nouveau vol…

    Anis tout de calme vêtu ne cesse de me répéter avant de sombrer dans un silence de plomb :
    - « Papa calmos ! »
    Ecumant ma rage, mon désespoir et mon impatience, je regarde tout ce monde qui décide de s’enfermer dans un bureau au fond du couloir principal.

    Rapidement, je fonce sur la porte de cette « prison de passeports », affronte le regard réprobateur d’une dizaine de policiers et me lance dans une longue tirade en langue anglaise en demandant une explication immédiate et même une immunité diplomatique, car notre avion doit décoller dans 18 minutes. Interloqué, le chef brigadier se retient pour ne pas me foutre dehors et me propose même un siège face à son bureau. Il ne reste plus que 16 minutes et je suis toujours perdu dans ce dédale kafkaïen…
    Il ne me reste plus qu’à passer de l’autre côté du bureau et demander au Capitaine de m’expliquer l’énigme qui nous retient à l’aéroport. Il garde son calme et ne me répond même pas, mais passe religieusement le passeport de mon fils sous une grande loupe. Plus que 14 minutes et l’explication est évidente :

    - « Capitaine, je comprends votre crainte mais soyez rassuré. Le 11 septembre est omniprésent et je comprends les Maldives dont le tourisme représente plus de 20% du PNB. Vous ne souhaitez pas lire un jour dans un journal qu’un terroriste a quitté les Maldives à bord d’un avion allemand…pour aller tuer en Europe !"
    -medium_DSC03637.2.jpg
    - « Mr Le Consul vous avez tous compris et le problème n'est pas avec vous mais avec votre fils. Mais puisque vous le dites si haut et si fort cela veut dire que votre fils n’est point un terroriste…malgré son 1,94m et son diplôme de polytechnicien. Permettez-moi de vous expliquer ce qui nous a mis la puce à l’oreille. Vous voyez ce fax que nous venons de recevoir de la police tunisienne, il n’est pas assez clair mais il montre une autre calligraphie de couverture de passeport… et surtout un format plus petit. Je pense que votre fils à un ancien passeport tunisien… Aucun problème, j’ai déjà donné ordre pour qu’on vous conduise au salon d’honneur pour vous reposer un peu, boire quelque chose et votre avion partira en retard, mais avec vous ».

    Adios Maldives. Nous reviendrons sur tes atolls émeraudes!

     

  • AVENTURES DU BOUT DU MONDE (2)

    GASTON DARMON en AUSTRALIE

    Sydney.(Avril 1975). Le voyage continue. Les souvenirs fleurissent. Le périple commence !

    Rapide retour à ma ville de Cologne pour attraper un gros sac de voyage et partir sur Londres. De là commence mon plus long vol de jeune voyageur de 20 ans: Londres-Acapulco d’un seul trait, soit la traversée de l’Atlantique, du continent américain et arrivée au Pacifique, dans cette mythique ville des plongeurs insolites et des touristes fortunés…Acapulco. Puis rapidement Papeete et Bora Bora (où je fus reçu par la 3e épouse de Gauguin…pendant dix jours). La Nouvelle Zélande du bout du monde (parcourue ensuite de bout en bout en bout en autostop) et enfin Sydney.

    Déjà près d’un mois de voyage et mes pupilles sont toujours aussi dilatées, mon nez au vent et mes oreilles aux aguets ! Que de découvertes dans ce monde si lointain et captivant !

    Quand on voyage sans le sou (ou presque), quand l’Aventure est notre pain quotidien, il ne reste plus qu’à organiser son voyage et se doter de « Redoutables armes de Paix » : le sourire et les langues étrangères. Pour ce périple j’ai dû avoir recours à une troisième astuce. Baliser tout un itinéraire et le jalonner de « connaissances » ou « d’amis d’amis », soit d’amis de  mes autres amis !

    Eurêka elle tourne ! Eurêka ça marche ! Dans tout ce périple américano-océano-asiatique j’ai pu dresser toute une chaîne de contacts (un préambule de CIGV ?) à chaque escale !

    A Sydney, c’est la toute charmante Kimberley qui m’attendait et qui n’avait que huit ans de plus que moi… Jeune médecin, elle était la cousine éloignée d’un camarade de faculté à Genève…

    La soirée de retrouvailles fut splendide…

     

    Le lendemain, traînant la patte, j’ouvre enfin mon sac de voyage pour laver mon linge et découvre avec stupeur, entre une culotte et un tee-shirt…un paquet bleu froissé…un paquet de cigarettes !

    Mince ! Zut ! C’est le paquet remis à Mohamed Ferjani de Tunis, mon voyagiste, par la sœur de Gaston Darmon, que je devais rencontrer à Sydney et lui faire ainsi sentir l’odeur du pays…

    Kimberley ne comprend rien à mon histoire et refuse derechef de rechercher dans cette mégalopole de Sydney un illustre inconnu du nom de Gaston Darmon ! Internet, MSN, E-mail et Skype n’étaient pas encore de ce monde dans les années soixante-dix…

     

    J’ai attendu patiemment son retour de l’hôpital, lavé mon linge et repassé et fit tout pour la persuader de  me trouver Gaston D.

    De guerre lasse, elle commença à lancer quelques coups de fils à travers Sydney et revint subitement me dire :

    -«  T’es sur de ce nom ? » avec une rage cachée et un visage livide. Je ne reconnaissais plus ma belle blonde aux yeux verts pétillants perlés d’étoiles jaunes vibrantes et parlantes…

    -«  Voilà l’adresse de ton Gaston D. mais vas-y tout seul Grand Voyageur. Je te laisse la clef sous le paillasson si tu rentres tard. ».

    C’est que c’est la ravissante Kimberley qui m’intéressait et je devais passer encore cinq jours avec elle avant d’entreprendre plus de 4 000 kilomètres d’autostop de Sydney à Darwin en passant par Brisbane et Adélaïde…Gaston n’allait pas me gâcher ce tendre havre de paix…

    Mais né curieux, je suppliais ma nouvelle amie de m’accompagner chez ce mystérieux Gaston qui semble l’effaroucher !

    Elle refusa de m’expliquer le pourquoi de sa colère mais préféra annoncer notre visite par téléphone !

    Plus d’une heure de voiture. Le centre de Sydney est loin et le quartier huppé de Rose Bay nous attend. La nuit est fraîche, calme et légèrement envoûtante. Pas âme qui vive dans ce quartier. Soudain, les lumières sont plus fugaces et les ruelles plus étroites. Il me semble entendre le roulement de tambour du cœur de ma compagne sous son joli chemisier rose aux dentelles légères…

    Numéro 46. Stop. Une porte rouge sang et un mur noir. Le flux d’adrénaline est à son comble. On quitte notre VW pour se précipiter sur la sonnette dorée…

    Quel voyage ! En quelques secondes tout chavire ! La crainte et la peur font place aux effluves de Channel, aux paillettes de stars et à la pénombre de la luxure…

    Emu, très ému, Gaston Darmon est assis dans un large fauteuil de velours rouge, cigare planté dans sa bouche et chevalière dorée au doigt. En quelques secondes il nous pèse et soupèse, ausculte et pénètre…et décide de se lever, d’ouvrir ses bras et de nous embrasser.

    A la vue du paquet de cigarettes tunisiennes il fond en larmes comme un enfant attendri et nous invite à passer chez lui, à l’étage au dessus et à quitter ce monde feutré de « Madame Claude »  son gagne pain australien…

     

    Une soirée irréelle et pourtant bien vraie ! Un couscous maison et même de la boukha, cette eau de vie de figue qu'il doit importer de Marseille. Gaston n’a jamais quitté sa Tunisie, qu’il a pourtant quitté il y a plus de 30 ans pour faire fortune en Australie !

    Les caprices du hasard égrènent les pas du voyageur  et font de chaque rencontre un chapitre qui agrémente la vie !

     

    Si la magie du WEB, du Net, pouvait me donner des nouvelles des descendants de Gaston Darmon qui doivent être encore à Sydney, à Tel Aviv, à Paris ou à Londres...j'en serai très heureux

    Gaston est né le 16/1/1910 à Tunis (nom de mère : Fortunée) et dont la fille Linda est née le 1er avril 1958 à Sydney serait en France actuellement....

                                                                              à suivre

  • AVENTURES DU BOUT DU MONDE (1)

             SYDNEY SANS BILLET

     

    Bissau. (Août 2006). Perdu avec mon fils Alex dans la profonde jungle de la Guinée Bissau, fuyant (sans le pouvoir !) les gros moustiques anophèles femelles porteuses de malaria et les géantes termitières attirant les belles couleuvres et vipères du coin, je m’évade vers d’autres cieux plus cléments…un voyage dans la mémoire !

     

    Plusieurs anecdotes me reviennent à l’esprit et j’ai soudain envie de les écrire, donc les revivre. L’une, est au quartier huppé de Rose Bay, en Australie, la seconde face au lit de Simon Bolivar à Cuzco au creux du Pérou, une troisième à l’aéroport de Darwin vers l’île des « jeunes dinosaures ou komodos » de Timor, au Lorosae,  au sud de l’Indonésie, une quatrième au "Kikar Rabbin" à Tel Aviv en Israël et enfin une cinquième aventure aux Maldives où notre beau et grand Bouddha sri lankais nous fut confisqué à la douane...

    Rattrapons le train de la mémoire!

    J’étais au quatrième semestre de sciences Po, à l’université de Köln, et suis rentré passer trois jours à Tunis pour embrasser mes parents et leur apprendre et « expliquer » que je partais pendant 70 jours (congé-prolongé entre deux semestres d’études) vers un long périple entre l’Océanie et l’Asie du Sud-Est ! Six mois de préparatifs soutenus et un achat de gros tronçons de voyages aériens entre plus de 30 pays….

    Mon père, comme d’habitude, me dit derechef que j’étais le roi des fous, que c’est long et dangereux et se demande comment j’avais fait pour acheter tous ces billets d’avions. Bref, il ne me restait plus qu’à me faire rembourser le tout et passer mes vacances à Hammamet !

    La nuit fut atroce et je n’avais pas assez d’arguments pour lui expliquer que c’est en auto-stop que je comptais traverser la majorité des pays….

    Au café du matin, son air furieux fait place à un tendre sourire et à une profonde inquiétude.

    -«  Tu n’as que 20 ans et un tas de billets d’avions et même trois visas sur ton passeport ! J’ai bien compris que tu traverseras ces pays en stop et que tu acceptes ce risque, mais il reste un point noir : comment feras-tu du stop entre Auckland en Nouvelle Zélande et Sydney en Australie ? »

    Je connaissais ce problème certes mais j’ai pensé trouver une solution miracle à Wellington, Auckland ou même à  Dunedin dans la lointaine Nouvelle Zélande !

    Et à mon père de continuer sur sa lancée d’une voie douce et protectrice :

    -«  Bois vite ton café, tu iras au 35 Rue Es-sadikia à Tunis, chez notre voisin M. Ferjani, patron d’une agence de voyages….qui t’attends avec une petite surprise »

    Effectivement, l’ami de mon père me reçoit avec des yeux écarquillés , tente à son tour de me dissuader à aller au bout du monde et finit par sortir deux enveloppes blanches de son tiroir. La première contenait un billet d’avion reliant Wellington à Sydney. La seconde contenait une chose que je déteste. Un paquet de cigarettes de couleur bleu.

    -«  Puis-je te demander Rached de remettre à Gaston Darmon, installé à Sydney, ce paquet de cigarettes tunisiennes, de la part de sa sœur…qui espère ainsi par ton intermédiaire revoir un jour Gaston ! »

    El là commence une incroyable aventure

    A suivre …

  • La mémoire du Voyageur

    Voyage vers les autres, voyage vers l’Autre

    N’était-ce et ne fût-ce la magie de la mémoire, le voyage de la vie serait dénué de tout fondement. Le Voyageur qui écume les océans, traverse les plaines et arpente les forêts, n’est doté que d’une seule arme : les trésors de sa mémoire, qui s’étalent de l’apprentissage des langues étrangères à la connaissance de la culture de l’Autre.

    C’est une phrase du Cigéviste et Prix Nobel de Physique, le professeur Pierre-Gilles de Genne, lors d’une conférence à l’Université de Tunis le mois passé, qui déclencha en moi cette envie de sonder un peu plus la mémoire du Voyageur. Au professeur de dire : « Un être humain normal a en mémoire 100 000 mots s’il ne parle qu’une seule langue. Par contre, celui qui en parle neuf par exemple et qui, de surcroît, est voyageur, a une réserve d’un million de mots en mémoire et non pas uniquement 900 000… ».

    Je revois soudain notre petit avion bimoteur atterrissant sur un minuscule rocher de l’archipel Juan Fernandez à l’île de Pâques. Ma mémoire visualise une centaine de fleurs de pavot dansant au gré du vent et narguant notre petit avion.

    Le pavot n’est pas un pavot mais une fleur similaire dite amabolla d’un rouge aussi vif que celui d’un coquelicot : ma mémoire l’a habillée de deux robes différentes. La première était celle d’une odeur âcre et persistante et d’une couleur sombre et sinistre : un fumoir d’opium à Luang Prabang, au Laos, en 1973. La seconde image, simultanée et immédiate, est celle d’un champ de tulipes au port altier, aussi aguichantes que ces pavots dansants, avec le même bruit du vent et la même danse qu’au village miniaturisé de Madurodum, en Hollande, en 1969. Quelle est donc cette machine qui, en quelques secondes, lors du fracassant atterrissage d’un petit avion au bout du monde, retrouve avec netteté et force couleurs, sons et odeurs des clichés demeurés intacts après plus de 30 ans ? La Mémoire !

    Quid de cette mémoire ?

    Notre esprit est fait d’émotions pour aimer et apprécier, d’intelligence pour comprendre et enfin de mémoire pour agir. Cette mémoire permet d’acquérir l’information, de la conserver et de la restituer.

    Tel un muscle, la mémoire se fortifie à l’emploi. Pour éveiller les sens, il faut aiguiser l’intérêt qui permet ainsi à la mémoire de se développer. Pour son bon fonctionnement, elle exige également forme et santé. Le sujet non fatigué qui boit les paroles de l’autre ou avale la page d’un livre gravera facilement le message dans sa mémoire.

    Face à l’énigme de la mémoire, St Augustin disait déjà au Ve siècle : « L’esprit de l’homme est trop petit pour se comprendre lui-même ».

    Comment fait donc notre mystérieux cerveau pour comprendre et restituer ?

    Nous disposons de près de 50 milliards de neurones dans notre cerveau. Des milliers de milliards de synapses, ou points de rencontre, permettent aux neurones de communiquer. Leur fonction est donc de recevoir, de conserver et enfin de transmettre les informations reçues au moment voulu.

    Pour garder cette machine en marche, il faut l’utiliser à fond. Et toujours. La mémoire ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

    Les champs d’activité de la mémoire sont innombrables. Apprendre les langues étrangères dope notre mémoire d’une façon fantastique. D’autant plus que le Voyageur, par cette langue nouvelle, pénètrera le giron, la culture et la pensée de l’Autre. Le Voyageur polyglotte est ainsi beaucoup plus riche. Pendant le voyage, les innombrables flash-back poussent nos neurones à une véritable danse du feu. En quelques secondes et par analogie, on délaisse le monstre du Loch Ness en Ecosse, pour rechercher la grenouille sacrée orangée et noire d’Atelopus, au lac Titicaca, en passant par l’incroyable et vieux dinosaure des mers encore vivant, le coelacanthe des îles Comores. Mémoire quand tu nous tiens...

    Le voyage permet donc la rencontre avec les autres et avec l’Autre, il est ainsi un détenteur fascinant de l’altérité, qui est une valeur en soi.

    L’écriture du voyage, basée sur la mémoire, servira alors à prolonger le voyage. Cette écriture devient un acte mémoriel, avec une grande variété spatiale, temporelle et linguistique.

    Innovant l’enseignement, les Anglais interpellent la mémoire et lancent aujourd’hui sur le Web, une méthode ludique et interactive pour apprendre l’anglais : « Tell me more kids » se fonde sur la technologie de la reconnaissance vocale du professeur Phileas et du perroquet Kaliko. Les jeux, le karaoké et les dessins animés en feront de même pour stimuler la mémoire.

    Dans la vie pratique, La mémoire accessoire sera de plus en plus présente, sous forme d’ordinateur, de super téléphone portable, d’un MP3, d’un iPod, d’un GPS ou d’un précieux organiser.

    La « Mémoire générationnelle » qui transmet la culture, l’identité et l’art des aïeux est différente de la « Mémoire historique » qui relate les grands événements et qui se veut aussi une morale. Les Allemands n’ont-ils pas mis au point une nouvelle approche dite « Gegen das Vergessen » ou « Contre l’oubli » afin que la mémoire collective allemande comprenne ses maux, panse ses plaies et se réconcilie avec son Histoire ? Un devoir de mémoire nous permettra de renouer avec un passé aussi tumultueux soit-il pour en extraire les germes d’un futur plus serein sur le chemin de la Paix !

    Le « Respect du passé », nous permet également de rendre hommage à nos aînés, à nos héros et à nos pères. Rendre à César ce qui est à César. La mémoire sera ainsi un gage d’éternité tel que le décrit si bien Vladimir Yankelevich “ Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir été est son viatique pour l’éternité ».

    Reste tout un champ de mystérieuses mémoires, inexplicables et encore inexplorées, telles la transmission de pensée, la télépathie ou encore la mémoire intra-utérine. Le père de la psychanalyse moderne Sigmund Freud n’a-t-il pas découvert une autre face de la mémoire le « Unterbewusstsein » ou « l’inconscient ».

    Il faut peut-être savoir attacher du prix à l’inutile et utiliser parfois la mémoire qui imagine plutôt que celle qui répète ! Il faut vouloir rêver, le voyageur en est peut-être capable !

    Le voyage est encore long ! La génétique enfin, nous permettra un jour, de sauvegarder notre mémoire, basée sur un « capital neurones » non renouvelable !

    Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage et qui a doté sa mémoire de la culture des autres afin de mieux comprendre et aimer cet Autre.

    Bon vent, bon voyage à tous les lecteurs d’Astrolabe et de ce Blog CIGV!

    © Rached Trimèche