Fan de zatla et de nahda 

 Au péage de la sortie de Tunis vers Hammamet, j’ai l’habitude de guetter les autostoppeurs (mes collègues voyageurs)  et c’est souvent moi qui vais vers eux les invitant à monter à bord. A chaque fois c’est un voyage.  Une page de vie !

Il est filiforme, gringalet et timide.

Il se tient gauchement près des guichets de péage sans avoir le courage de lever son pouce pour demander un passage… Son tee short fut blanc, avant la révolution peut-être et son jeans semble lui être quotidiennement fidèle depuis le 14 janvier !

Assis gauchement à mes côtés il serre fortement sa serviette scolaire. En 3^e année d’informatique appliquée aux réseaux, il rentre ce samedi soir à Kairouan, pour retrouver ses parents. Peu vernis, il a réussit à trouver deux colocs pour partager un  deux pièces à Mégrine !

A l’écouter, il n’a pas 24 ans mais peut-être 44 ! Maturité, école de la vie et bataille contre la misère. Avec un bac sciences noté à 15/20 il monte sur Tunis…pour faire sa vie. Il répond à toutes mes questions avec humour et conviction et me fait découvrir un autre pan de notre Tunisie !

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« Que penses-tu de ces dizaines de voitures  libyennes qui nous doublent à vive allure ? »

-          « Mais vous êtes sur un nuage monsieur ! Actuellement notre pays abrite au moins 750 000 réfugiés libyens de Ras Jdir à Bizerte ! Si je n’ai trouvé de logement qu’à Mégrine c’est qu’à Tunis, tout est loué (avantageusement) par ces Libyens ! Vous, vous ne voyez que les riches qui envahissent les hôtels de Hammamet, de Gammarth et de Tunis, mais nous on vit avec le peuple libyen »

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-          «  Quand vont-ils rentrer en Libye ? »

-          «  Pourquoi voulez vous qu’ils rentrent ? Ils ont de l’argent et peuvent  gérer leurs affaires par téléphone depuis la Tunisie. Que font-ils au fait ? Ils importent tout ! Puis en Tunisie ils ont vraiment la belle vie : sécurité, filles à gogo et bière et whisky à flot ! Mieux encore des centaines de jeunes tunisiens essayent de les parasiter avec du « tbasniss » ils leur offrent pour un soir, un « appartement meublé » dans tous les sens du terme …à 400 dinars la soirée. A ce rythme notre pays restera encore au moins un an avec deux populations, tunisienne et un million de riches libyens qui n’arrêtent pas de se défouler et qui compensent largement les 7 millions de touristes de l’an passé qui du reste furent souvent Russes et Roumains… désargentés»

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-          «  Pourquoi toutes ces grèves et paresse populaire des jeunes à votre avis ? »

-          « Mais vous oubliez que le jeune tunisien est un débrouillard de première. Pendant des années nos jeunes faisaient par exemple du trafic de « zatla » ou hachich à la frontière libyenne…en cloisonnant leur réservoir d’essence, avec au fond de la drogue douce vendue facilement à tout bout de champs ! »

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-          « T’as déjà sniffé ? »

-          -«  Certainement ! Un jour au lycée à Kairouan, le directeur est venu faire une rafle aux toilettes…pour arrêter 18 filles et garçons en train de fumer de la zatla ! Mais maintenait je ne fume plus, je veux me concentrer dans les réseaux informatiques pour trouver un bon job »

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-          « Tu vas voter pour qui le 23 octobre Néjib ? »

-«  Quelle question ! Mais pour Enahdha certainement »

-« Donnez mois trois raisons à ce terrible et horrible choix intégiste et extrémiste ? »

-«  1/ Avec eux on aura des politiciens qui respecteront la religion et donc ne voleront pas comme les Bentra.

2/ Ils parlent le langage du peuple.

3/ R. Ghanouchi bien que de parents gabesiens a vécu chez nous à Kairouan ! 

Et en plus 4 villes sont majoritairement pro-nahdha : Gabes, Sfax, Ben Arous et Kairouan !»

Souriant et heureux de son petit voyage il me dit avec un air coquin…OK je vais contrer le choix de mon père et peut-être vous écouter, ne pas donner ma voix aux élections à ce parti qui était en exil doré à Londres !

 Je le laisse au croisement d’Hammamet vers son destin.

Multiple Tunisie, prise sous les feux de l’histoire et du voisinage. On ne sort pas indemne d’une révolte devenue Révolution, mais on peut être fier de cette jeunesse, qui aujourd’hui se défoule à l’excès mais qui saura dans 2 ou 3 ans commencer à faire de notre pays une Corée du Sud, avec l’appui d’un riche voisin libyen qui « importera » des centaines de milliers de cerveaux tunisiens pour sa construction.

Et on  rêvait d’une Nahdha qui ne sera jamais au pouvoir, d’une Libye qui a tout pour devenir un EAU et une Tunisie travaillant presque à l’allemande ? Demain, non !

Mais juste le temps de gérer cette incroyable pagaille et cacophonie ambiante…

Vaya con Dios

 Quid de nos chers voisins ?

 Jalousie ancienne et tenace ?

Fausse peur suite aux rumeurs et Intox ?

Risque d'altercations avec les Libyens puisque l'Algérie a aidé Gadaffi ?

Ou ????

Lors de la guerre de l’indépendance de l’Algérie, la radio nationale tunisienne scandait à longueur de journée leurs chants patriotiques, à telle enseigne, que les  enfants, croyaient que c’était l’hymne national de Tunisie. C’est dire tout l’appui inconditionnel qu’a reçu ce pays, en guerre, en Tunisie voisine.

Et ce, durant de très longues années, comme le fait aujourd’hui la Tunisie avec la Libye.

Ce week-end à Hammamet j’ai abordé quatre Ovnis.

Quatre Algériens dans quatre lieux différents !

 A chacun la même question : «  Pourquoi fuyez-vous la Tunisie cet été, vous étiez pourtant près d’un million l’an passé, et là vous êtes une centaine dans toute la Tunisie ? »

 -        Le premier de Constantine  est nerveux, bien bâti, des cheveux touffus, mal rasé et baraqué. Du haut de ses 30 ans il me regarde dans les yeux et déclare :

«  T’es fou mon frère, on va pas venir se faire braquer chez vous vers Béjà ! On vient avec nos femmes et enfants. Toute une milice opère dans ces frontières, voyous algériens avec voyous tunisiens, pour nous dévaliser »

-        « Tu connais un seul cas de vécu ? As-tu eu une seule mésaventure ? »

« Moi, non, mais j’ai un ami à qui on volé 8000€ à la frontière, dans sa voiture » 

-        Le second d’Alger est plus âgé, il boit gentiment sa Celtia au bar et est embêté par ma question. Il répond comme un disque… : «  Oui, votre pays n’est pas sûr, nos femmes peuvent se faire agresser nous dit-on : »

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-        « Tu as vécu une mésaventure ou t’as connu quelqu’un qui a subit la chose ? »

-        «  Oui je connais un ami à qui on a volé 8000€. »

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Deux autres couples, rencontrés face au Monoprix de Nabeul me racontent la même histoire et la même sornette de… leur ami INTIME à qui on a volé 8000€…

Tout cela m’attriste énormément. L’an dernier, en 2010, les Algériens formaient  938 000 entrées en Tunisie, précédés  par 1 331 000 Français et 1 476 000 Libyens.

Cette année, la Tunisie à ouvert ses portes à 1 000 000 de réfugiés Libyens (dont 500 000 exilés plus que réfugiés sur la banlieue de Tunis), mais presque pas d’Algériens, frères et voisins.

Pourtant l’histoire semblait lier ces peuples !

Leur gouvernement lance-t-il de grosses Intox, pour ne pas « montrer la Révolution des Braves » de peur d’une contagion ? Est-ce une simple jalousie ? Est-ce un certain mot d’ordre ?

Je ne sais ! 

Pourtant, Le F.L.N. dirigeait depuis Tunis l'armée de Libération nationale et un jour d’avril 1958, neuf footballeurs algériens, qui jouaient comme professionnels en France, s'enfuirent clandestinement pour rejoindre d'autres compatriotes en Tunisie et former une équipe de football algérienne. Elle avait été créée par le GPRA, gouvernement provisoire de la République algérienne, qui siégeait en exil à Tunis. 

 Je reviens vers cet hôtel de Merazgua où l’hôtel d’Hammamet a su faire appel à la solidarité de ses amis / cousins de Sfax, pour en recevoir 650, en une seule  journée…

Les Algériens qui trouvent pourtant en Tunisie, liberté, toutes fournitures, alcool à gogo, femmes libres et libérées, boite à la St Trop (genre Bora Bora à Sousse) cliniques huppées et hôtels très bon marché et diversifiés se donnaient même rendez ici, pour recevoir une semaine durant leurs famille de Paris ou de Marseille.

Nos voisins venaient en Tunisie en voiture et sans visa et faisant ainsi d’une pierre deux coups !

 Quand Le Politique veut détériorer le voisinage il n’en sort que des perdants !

 God save Tunisia !

God help Algeria !

R.T.

http://www.cigv.com

 VOYAGE EN TUNISO-LIBYE

" C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances,

et c'est notre regard aussi qui peut les libérer".

Amin Maalouf (Les identités meurtrières)  

 Un très bel hôtel sur la colline de Gammarth !

Une fraicheur caressante et un air vif et doux.

Une terrasse conviviale lovée dans un éden de fleurs et de plantes joyeuses et sobres.

Des pattes saupoudrées de boutargue avec une heureuse sauce italienne s’avèrent un doux voyage arrosé d’un excellent vin blanc pays !

La lune à demie pleine nous nargue du haut de ses firmaments et semble souhaiter la bienvenue aux 400 Libyens hôtes de ce prestigieux 5* de Gammarth…

Un couple de jeune Libyens à nos côtés…on l’invite à partager notre table, notre dessert et notre thé vert !

Autres temps, autre monde, autre douloureux voyage !

-  Lui : «  Savez vous que c’est à cause de Leila Trabelsi que nous sommes ici réfugiés ce soir ? C’est simple, le 14 janvier Ben Ali a fuit de Tunisie et Leila se mit très vite en cheville avec Gadaffi pour reconquérir la Tunisie ! Début février, Notre dictateur  avait  déjà formé une armée de 30 000 mercenaires du Tchad, Niger, Somalie, Serbie etc. pour marcher sur Tunis. Votre pays allait rapidement devenir un champ de ruine qui ferait un tapis rouge à Ben Ali… Le destin en fit autrement. »

- Sa femme prend le relais et parle à voix basse et sobre, parée d’un sobre foulard blanc : «  Chez nous les émeutes commencent le 15 février  par l’arrestation d’un militant des droits de l’homme à Benghazi. Les émeutes se transforment bientôt en insurrection contre les forces gouvernementales et les manifestants réclament le départ du colonel Mouammar Kadhafi, qui dirige le pays depuis 41 ans. Gadaffi se sert alors des 30 000 mercenaires promis à Leila Trabelsi pour organiser sa défense pensant ainsi tuer l’insurrection dans l’œuf ! C’était ce qu’il croyait… »

-Lui tirant sur sa fine moustache naissante et gardant le verbe haché mais sobre : «  Aujourd’hui , notre pays est en guerre et Gadaffi a encore assez d’argent pour payer 60 000 autres mercenaires et des Libyens à sa solde ! Il ne quittera jamais le pays, que dans un linceul ! Après 42 ans de dictature il se croit être lui-même, la Libye. »

Au salon principal, nous retrouvons une dizaine d’autres Libyens et leurs témoignages sont saisissants :

-        Aïcha, belle nymphe enveloppée dans un large voile blanc nous mitraille de son doux regard émeraude et affirme :

«  Je suis institutrice à Tripoli et mon mari directeur dans le pétrole. Nous avons fermé notre maison et confiée au « baouab » ou gardien. Nous avions déjà viré de l’argent en Suisse et d’autres en Italie. Car nos banques ne nous donnent plus que 200 livres… Ici, on reçoit nos virements à Tunis, de Suisse ou d’Italie, pour vivre ! »

Comment se passe la vie en Tunisie et combien êtes-vous cet été ?

-        Elle : « Nous sommes plus de 50 000 familles réfugiées dans le grand Tunis et banlieue dans la majorité des grands hôtels et nous louons des appartements au mois. D’autres louent des villas ou appartements à El Manar, El Menzah ou Ennasr »

-        Lui, époux de la belle. Amer, dubitatif et désabusé nous confie :

-        « Nous sommes entre réfugiés vers Ras Jdir, Médenine, Tataouine, Djerba et le reste de la Tunisie plus d’un million de Libyens sur votre territoire. Nos pauvres au sud sont pris en charge par votre population et vos camions alimentaires par centaines entrent en Libye pour nous éviter la famine. Jamais on ne pourra oublier cette Tunisie qui nous accueille à bras  ouverts, que l’on soit pauvre ou riche, sur des béquilles ou va nus pieds ou en dernier modèle de Ferrari comme ce jeune que tu vois ! Nous sommes reconnaissants ! »

-        - Quid de demain ?

Lui, jeune quadra, armateur chez lui, pense que dans les prochains  mois ils pourront revenir au pays délesté de Gadaffi.

-«  Actuellement les forces dites rebelles sont à la porte de Tripoli et chaque heure est bonne à avancer vers l’espoir de liberté. L’Otan nous aide oui ! Ils s’enfichent d’humanisme et d’humanité. Ils le font pour leurs biens. Et nous sommes parfaitement d’accord car nous sommes conscients de tout :

1/ Les USA ne suivent  l’Otan que par simple solidarité politique. Ils ont déjà conquis l’Irak et le Soudan et bataillent en Afghanistan

2/ La Grande Bretagne veut surtout le pétrole à bon marché.

3/ La France a besoin de notre côte méditerranéenne pour sa stratégie et notre marché financier !

Nous savons tout cela et nous acceptons, car nous n’avons plus aucun choix. S’ils peuvent nous aider à « dégager Gadaffi » on leur donnera ce qu’ils veulent !!! »

La lune se fait plus belle. Les amis moins bavards. L’atmosphère plus sereine. Mais, rien n’enlève ce voile de tristesse qui enveloppe le visage de nos amis réfugiés !

Face à l’hôtel c’est le salon de Genève. Je demande à un jeune la marque de sa belle voiture noire qui semble glisser comme un marsouin dans l’eau.

-        Maigrichon et à peine âgé de 19 ans il nous dit que c’est « the last and the New A7 ; la toute nouvelle Audi 7 »…. Agée de quelques semaines.

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Dieu que la vit de ces Libyens est injuste. Sous 42 ans de dictature féroce ils n’ont reçus que 30% des 2 millions de baril pétrole jour pour eux et 70% pour le père Gadaffi

Une Libye libérée en coopération avec une Tunisie moderne, instruite, voisine et apparentée deviendra rapidement un autre Dubaï !

Paix en terre des régions de Tripolitaine, de Cyrénaïque et du Fezzan, en terre libou !!

Et surtout GLOIRE à ces vaillants jeunes Libyens transformés du jour au lendemain en vaillant soldats sous les balles des mercenaires et de l’Otan. Pour une Libye, forte, travailleuse, sereine et unie ! Amen !

R.T. 

http://www.cigv.com

Incroyable pays de cocagne !

1.  Que serais-je sans toi que ce balbutiement. 
2. J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
3. Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
4. J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
5. Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines