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AVENTURES DU BOUT DU MONDE (4)

Le lit de Simon Bolivar


Cuzco. (mars 1972). L’aventure continue ! Le décor change ! La magie persiste. Et signe. La magie de cette incroyable mémoire à qui on demande aujourd’hui de retrouver le « lit de Simon Bolivar » à Cuzco, dit « El puputi del mundo » (en queshua dialecte péruvien) ou « le nombril du monde ».
Sur la trace des Incas (au Pérou) pillés par les conquistadores Espagnols arrivent enfin les Libertadores de tous poils et de forte poigne. Francisco Miranda, Simon Bolivar, Jose de San Martin et Antonio Jose Sucre par exemple, tous leaders des guerres d’indépendance….Les caprices du hasard de ce printemps me conduiront dans le lit même d’un de mes héros, Simon Bolivar ! Le chemin et long et court à la fois !


44 000 kilomètres d’autostop à travers un paradis terrestre, un continent béni par les Dieux et par les hommes, l’Amérique latine et ma toute folle jeunesse d’un tout nouveau et jeune bachelier, fou des civilisations aztèques, toltèques, mayas, incas et autres…j’ai décidé un jour d’assister à la fête « Inti Raymi » des Incas, les fils du Dieu Soleil. Dans ma fougue et allure vertigineuse je me trompe de date et confond dans ma petite tête le 24 juin avec le 24 mars…trois mois à l’avance !
« Qu’importe le vin pourvu qu’il y ait l’ivresse » disait un grand poète oriental ! Qu’importe l’Intiraymi voilà le Machu Picchu et le Cuzco à portée de main… « Viva la vida » !

Nous voici sur l’Explanada de Saqsayhuaman de Cuzco en contemplation devant ces grosses pierres taillées, de plus d’une tonne chacune. La « harina del pescado » ou farine de poisson des Incas a-t-elle servie à les assembler d’une façon aussi grandiose et parfaite ?
Voilà soudain qu’une belle et ravissante brune de 18 ans en poncho rouge-brun me sort de mes rêveries et devient en ce bout de monde « Nathalie mon guide » avec une Place rouge qui est blanche et à plus de 2500 mètres d’altitude, sur la Cordillère des Andes péruviennes…

Elle, Carmen la belle aux yeux noirs et pétillants, me contait le festival de Cuzco avec fougue et passion : « Tous les ans, les 24 Juin, la ville de Cuzco célèbre le festival de l 'Inti Raymi. Ce festival était célébré par les Incas comme étant la Fête du Soleil, où le Dieu-Soleil Wiracocha était honoré. L'Inti Raymi symbolise ainsi la consécration éternelle du mariage entre le Soleil et ses fils : les êtres humains que nous sommes. »

Saoulé par cette frénésie d’images virtuelles et assommé par le vertige de l’altitude je demandais à Carmen le chemin d’un lieu de repos…

a maison n’est pas une maison. Le musée n’est plus un musée puisqu’il est fermé. La magie de Carmen confortée par les titres et étoiles de son père à l’état major de Lima, la capitale, nous ouvrent le temple de Bolivar…

Le musée est minuscule et un seul meuble hante les visiteurs. Le lit noir de Simon Bolivar. Un petit lit trônant au centre d’une pièce sombre et mystérieuse. Un dur matelas nous attend, le gardien est absent…et la nuit est longue. Nous sommes seuls dans cette ville perdue où tout le monde dort. Un troisième mal rejoint mes deux maux (altitude et fatigue), cet alcool qu’elle sort d’une fiole magique…

Je la poussais à parler, à parler, à parler et savait que tout viendrait après…mais que son charme, sa fougue et sa jeune érudition allaient me surprendre de plus en plus : « El Libertador, Simon Bolivar de retour d’exil en 1817 libéra en cinq ans, la Colombie, le Venezuela, le Panama et l’Equateur qu’il fédérera en « Grande Colombie » en 1822. Carmen assise en tailleur ôte son poncho et du haut de ses 18 ans annonce le couronnement d’une carrière : « Avec son lieutenant, le général Antonio José de Sucre, Bolivar libéra la Bolivie et le Pérou et devint président de la Bolivie en 1825 ».

Carmen devint pour moi Manuela Saenz la « Libertadora del Libertador » ou la Libératrice du Libérateur…car je ne sais plus rien. Rien de rien. Le froid est intense dans cette maison-musée-grotte. La chaleur de Carmen torride….la soif intense…

Suit une nuit sans crépuscule et sans nuages… Même pas une tramontane à la Brassens…
A 7h du matin un ogre crie et vocifère ! Un gardien qui m’ordonne de me rhabiller et de déguerpir…Dans ma précipitation je ramasse un collier de graines rouges…qui orne encore aujourd’hui un coin de mon petit bureau CIGV…Carmen a disparue !

A nouveau sur la place de la dite « Sexy woman » ou Saqsayhuaman la mémoire me revient en partie, sous ce soleil de midi et néanmoins fouetté par un air vivifiant. La boisson qui m’a fait perdre la tête en compagnie de Carmen était pourtant censée me réveiller d’après Pedro mon nouveau copain de Cuzco qui tout étonné de ma mésaventure…tout en me jalousant. Son explication est fort simple :

 Ce que la fille t’as offert comme boisson c’est un Maté. Ricardo, ici, la feuille de coca fait partie intégrante de notre culture péruvienne. Elle est particulièrement importante dans cette région de Cusco, capitale de l’empire des incas, qui vient de la reconnaître comme faisant partie du patrimoine régional. La coca est ainsi réputée pour ses valeurs curatives. Le fameux "mate de coca" (infusion de feuilles de coca), est ainsi réputé pour atténuer le "soroche" (mal de l’altitude) fréquent à ces hauteurs inhabituelles (Cusco est à 3326 m, Puno à 3830 m). La coca a aussi des valeurs digestives et de nombreux autres bienfaits si l’on en croit les paysans qui, eux, passent la journée à mâcher une boule faite de ces feuilles sacrées." C’est un peu le fameux quat du Yémen mâché à longueur de soir !

Quid de Carmen et de cette nuit ? Rien sinon le silence.
Une peine au début. La tristesse de perdre Carmen envolée vers un autre Inti RAymi et la joie d’avoir vécu une nuit à nulle autre pareille.

Fatigué, lessivé mais heureux…Elle m’a sauvé du mal des montagnes par une tasse de maté et m’offrit le lit de Simon Bolivar…
Le voyage continue !

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