A la guerre comme à la guerre
à Tunis-Carthage
Par Rached Trimèche
Cela fait une semaine que je demande par FB et par Email à mes nombreux amis CIGV du monde : Qui m’aurait donc envoyé un colis… à dédouaner à la poste de l’aéroport de Tunis-Carthage ?
Ma première réaction fut de laisser tomber, vu que personne ne répondait et que n’ai pas une demi-journée à perdre dans les arcanes de la douane de Tunis. Mon dernier passage me laissa un cauchemar… de souvenirs de ces mille formalités en différents endroits de poste et douane de l’aéroport.
A la guerre comme à la guerre !
Autant attaquer les petits problèmes de la vie de front, ce lundi matin. Pour accéder à la poste face à l’aéroport de Tunis, il n’y a aucun accès en sortant de cet aéroport.
Zut ! Autant griller sur 50m un sens interdit.
Bel établissement et beau jardin.
Le premier jeune commandant à qui je demande de l’aide, examine mes papiers puis ma carte consulaire rouge et me dit avec un large sourire, de sortir et de prendre la première rue gauche de chercher un document « chez eux » et de revenir le voir !
A la guerre comme à la guerre !
Une foule de 20 personnes attend face à un guichet minuscule. La première dame de la file est ivoirienne, la seconde secrétaire du grand PDG et le 3e est un barbu paraissant hélas salofiste L
J’ose aller directement vers l’aimable préposé du guichet qui à la vue de ma « carte Rouge » prend rapidement mes feuilles et s’éclipse en revenant avec deux nouveaux documents et me dit :
-« Monsieur le Consul, allez SVP revoir le Capitaine qui vous a envoyé vers moi, avec ce nouveau document »
Oufff. C’est donc aussi simple !
Merci Bouddha. Juste 30 minutes de passées.
Mais, retrouver le Capitaine souriant dans une foule de 100 personnes qui défilent dans tous les couloirs c’est chercher une aiguille dans une botte de foin !
A la guerre comme à la guerre !
Je pousse la porte de six bureaux et m’arrête au septième.
Son café crème est fumant. Ses lunettes d’écailles bien montées. Ses 3 étoiles de capitaine brillent de tous feux… et son chignon de fausse blonde est impeccable.
Sans me regarder elle me lance :
- « Vous ne voyez pas que je suis occupée ? Revenez plus tard ! »
C’est que seul le silence est grand et que le bureau est désert. Cette fois, en tapant plus fort à sa porte, elle lève le visage et je découvre…. d’incroyables yeux Pers , ni verts, ni bleus, ni jaunes, ni bruns, mais bien 4 en un avec une forte dominante lumineuse… verte !
- « Aha ! Oui je vois… Voilà, vous avez mon cachet et allez maintenant tout au fond du couloir à gauche et présenter vos documents ! »
Elle était si…. Gracieuse que j’obtempère et obéi tête basse !
A la guerre comme à la guerre !
Waw de chez WAW ! Quelle découverte en ce lundi matin. Je me revois en 1990, dans l’aéroport de Bucarest, à l’heure de Ceausescu. Ce grincement strident de vieux tapis roulants de Roumanie s’est gravé en moi. A jamais.
Mais retrouver cette sinistre ambiance au cœur de Tunis… me désarme.
Imaginez une gigantesque porte grillagée laissant voir des centaines de mètres d’étalages de colis en souffrance avec au dessus un vieux tapis roulant qui ramène les nouveaux colis…
Oh rage ! Oh désespoir ! Oh ! Organisation ennemie.
Sommes-nous bien en 2013 à 1h20 d’avion de Genève ?
Yes Sir ! Nous sommes bien à la douane postale de l’aéroport de Tunis Carthage !
Le gentil factotum, en blouse bleu, maigrichon et hirsute daigne s’emparer de mon document visé par la Belle aux yeux pers !
Au bout de quinze petites minutes, il revient avec un minuscule et filiforme colis en main et me dit :
-« Allez SVP chercher La Capitaine en personne, pour la suite de vos formalités ! »
A la guerre comme à la guerre !
Plus calme que Calme elle me sourit et me dit accentuant le bel éclata de ses yeux pers :
-« Mais vous êtes rapide ! Déjà de retour ? »
Bref. Elle daigne m’accompagner dans cette antre, dite dépôt des colis urgents.
Le préposé lui tend en silence l’objet du crime. Sans échanger un traitre mot.
Elle perd son sourire, sort un genre de petit couteau suisse pour ouvrir le colis blanc et me toise en me demandant :
-« Qu’y a-t-il donc dans ce colis ? »
- Comment voulez vous que je le sache mon Capitaine ? Mais par contre j’ai une question urgente à vous poser devant tous ces messieurs ! »
- « Allez- y ! »
- « Mon capitaine, ce colis n’est pas un colis. C’est juste une grosse et fine enveloppe blanche au format A4 ! Pourquoi est-ce que vos services nous obligent à venir dédouaner une lettre ? »
Sans mot dire, elle s’empare de mes papiers postaux, de ma carte rouge et de l’enveloppe mystérieuse en me demandant de revenir dans un instant… et ce dans son bureau.
J’avoue, commencer à perdre patience et toute envie de rigoler ni même d’admirer ces insolites yeux pers du matin…
Quine minutes. Une éternité. Elle revint vers moi, avec cette fois, accroché au visage un doux sourire à faire fondre un Iceberg au Sahara envahi par les Qataris…
- « Monsieur, j’ai fais pour vous le dédouanement et je vous ai évité toutes les attentes. Aller maintenant à l’autre rue perpendiculaire. Présentez vous, ils vous attendent pour payer les frais et recevoir, j’espère, votre colis ! »
A la guerre comme à la guerre !
Je retrouve la charmante Ivoirienne encore bloquée à la phase UNE du système. Je lui parle de Brazza sa ville et du Congo voisin que j’aime tant….
Je retrouve la secrétaire du PDG, qui elle n’a pas encore eu son premier document pour entamer les formalités de dédouanement.
Je retrouve enfin… mon calme pour affronter un jeune quadra en fines moustaches.
En quatre minutes à peine il me dit :
-« Monsieur vous devez malheureusement payer des frais et cela fera 500 millimes »
-« Sans aucun problème Monsieur, mais SVP expliquez-moi, vous qui êtes si correcte et poli, pourquoi est-ce cette grosse lettre, si fine pourtant, ne m’a pas été livrée avec mon courrier postal habituel ? »
A la guerre comme à la guerre !
Autant penser aux yeux pers du capitaine, à la belle Roumanie qui revint ce matin avec son aéroport désuet ou en encore à cet extraordinaire 14 juillet passé à la résidence de l’Ambassadeur de France à Kinshasa qui me présentait face à son jardin suspendu, la capitale du pays voisin, de l’autre côté du fleuve, le Congo Brazza.
Ecoutons toutefois la réponse du sieur douanier :
-« L’erreur est humaine monsieur. C’est peut-être votre destinataire qui a envoyé de Paris votre lettre recommandée comme colis ou c’est peut-être nos services qui prirent cette lettre blanche pour un colis. »
A la guerre comme à la guerre !
Je retrouve ma voiture blanche dans le beau jardin de la Poste/douane et ouvre délicatement le nouveau scotch rouge « Centre poste-colis 1060 Tunis-Carthage ».
Waww ! Quelle surprise : C’est mon précieux parchemin de Membre à l’Académie européenne des Sciences, des Arts et des Lettres. Merci !
Gracias a la Vida
R.T.