Assoiffé de connaître le monde
Et de passer de la philatélie à la réalité des pays de ce monde, je voulais approcher la réalité de la vie et sortir de mon cocon livresque, de mon Monopoly, de mes disques et surtout de mes livres et revues.
Il fallait trouver un moyen de m’exiler un peu, sans aller à Lampedusa ni encore fuguer en vélo à Mahdia et rendre à nouveau ma mère folle d’inquiétude !
J’avais peut être 12 ou 13 ans déjà.
J’ai trouvé la recette imparable où personne ne pouvait me dire non.
Aller travailler pendant un mois d’été chez mon oncle ; viticulteur et ancien Lieutenant-Colonel, à Bouargoub, prés de Grombalia.
Je suis convoqué sur place à six heures du matin et prié de venir avec un baluchon contenant un nécessaire de toilette et deux chemises. Je n’avais pas fait attention à ce dernier détail…
Ordre m’est donné de me mettre face au premier tracteur chargé de jolis raisins noirs « Allicante » et de le faire passer sur une grosse bascule.
Le poids total sera inscrit sur la première colonne d’une fiche. Un prélèvement de l’acidité du raison est faite de suite et noté et un peu plus tard peser le camion ou tracteur vide et de calcuerl donc le poids du raisin déposé dans cette cave viticole… qui le transformera en bon vin…
A midi j’ai droit avec mon nouveau compagnon Sadok (Debabbi ?), à deux cadeaux : un bon sandwich au thon et un petit Coca.
A 18h, je commençais à regretter ce boulot
Dégouté de ce travail sans fin et lassant. Et voila que le colonel m’interdit de rentrer chez moi et me montre, à l’entrée de la cave, une mansarde avec deux couchettes : « tu passeras la nuit ici avec Sadok et tu auras le soir une gamelle pour dîner mais point de Coca. »
Le lendemain, le père de Sadok viendra chercher son fils de ce nouvel enfer et je restais seul à travailler avec la prime d’un bon salaire de 35 000 ou 35 dinars si je tenais le coup pendant 21 jours et 21 nuits.
Le défi était tentant et j’ai tout accepté.
Mais le soir arrivé, le colonel rentre et Sadok est rapatrié. Le gardien en chef me défend l’entrée de la chambrette d’hier nuit et me dit :
-« Votre oncle vous a laisse une torche électrique, un transistor et un matelas gonflable. Vous dînerez avec nous tous les soirs ; on se fera des chakchoukas sur un kanoun etc. … »
- « Mais ou dormir Patron, après 12 heures de travail avec ces camions de raison ? »
-« Mais vous avez une torche électrique, suivez moi ! »
Commence une marche dans le noir sur 800 m environ.
Wawww. Un château surgit sous la lune. Le dit château de Mussolini ; aux courbes généreuses et au port altier.
A l’étage, je découvre une fenêtre qui donne sur l’actuelle autoroute Hammamet Tunis …. Et un lit avec au dessus un matelas gonflable …
Soudain. C’est le vacarme du silence avec le départ du gardien et le bruit du « Silence on tourne ! ». Du coup je fais un transfert ; vers mes lectures et suis dans un château écossais sans Looch Ness ni fantôme aucun.
Ni Facebook ; ni Web ; ni PC, ni Laptop, ni machine à écrire aucune… et pourtant j’étais heureux et confiant avec en main ce nouvel ami…qui peut-être me poussa à vouloir apprendre neuf langues pour mieux comprendre le monde. Je ne me souviens plus des stations de radios écoutées… mais les chansons étaient en plusieurs langues et heureusement la diffusion est en français
Au 5e jour ; mon Lieutenant Colonel d’oncle vint me vois et me dit
Bravo, tu as tenu le coup, durant 5 jours et 5 nuits et je n’ai rien dit à ta maman (qui pense que tu es chez nous à la ferme à Samach) pour ne pas l’affoler … mais ton Papa est heureux de ce service civil presque volontaire. Alors, ce soir tu rentreras avec moi et tu auras ton salaire convenu, comme si tu avais bossé 21 jours.
J’étais mort de honte et d’amertume. J’avais donc échoué ma mission volontaire et ne pu retenir un sanglot suivi d’un refus.
Il me caressa la joue et accepta de me laisser terminer mon expérience civile.
Mille ans plus tard
Nous sommes en juillet, en vacances chez nous à Hammamet. Quand sir Mendel arrive avec ses gros sabots de génétique.
Nan , Alias Anis , du haut de ses 13/14 ans nous fait une crise existentielle vers 21h. Sa vie n’a aucun sens à lézarder tout un été en bord de mer. Il veut découvrir la vie active ou foutre le camp demain matin et partir seul sur Tunis ou ailleurs pour chercher un job estival.
Je téléphonais de suite à deux amis à 21 h pour calmer mon fils.
Le premier à Dar Chaabane El Fehry, Hadj Mehrez El Hehry qui accepta de le prendre demain matin dans son usine de Javel Judy.
Le second Andre Burri, directeur a la banque suisse UBS ou SBS à Genève, en Suisse, accepta aussi …mais me dit… « Il est fou, ton fils conseilles lui de profiter de la plage de Hammamet et de venir plus tard, après son bac, comme toi, faire ses études en Suisse et je lui trouverai un petit job pendant les vacances »
Mendel a fait pire… Quand je fais actuellement un reproche à Anis (résident en Allemagne) d’aller à un autre bout du monde, il me répond systématiquement : Pa, Mendel tu connais ?
L’école de la Vie ! Les choses de la vie !
Ainsi va le monde !