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voayger

  • RENCONTRES SUR AUTOROUTE

    Sacré autostoppeur

    Je ne peux oublier ma chance d’avoir visité mes 52 premiers pays avant l’âge de 20 ans et…. En autostop, avec un budget quotidien d’un seul et unique dollar US.

    Je continue à faire du stop, seul ou avec mes enfants, à travers les contrées lointaines et variées ! L’été dernier en autostop au cœur du Soudan vers le Darfour puis au pays des montagnes vers « La Roma del Africa » à Asmara, en Erythrée…


    Aujourd'hui, en voiture je ne peux m’empêcher de faire le contraire ! Je vais directement vers l’autostoppeur qui gauchement et maladroitement ne sait choisir ni l’emplacement adéquat, ni se vêtir d’un sourire « sésame ouvre toi ».

    La retrouvaille de ces chers collègues est pour moi tout un voyage ! Chaque autostoppeur m’offre une page de sa vie. Belle, tragique ou banale. La vie. Le voyage

    C’est sur la route Tunis-Hammamet.

    Filiforme, hirsute et au regard délavé il a l’air de chercher la lune sous un soleil matinal. Paumé et perdu.

    Je m’avance vers lui, freine et l’invite à monter à bord. Ali se faufile avec son petit sac bleu délavé et ses espadrilles grises trouées.

    Son histoire est terrible et si triste.

    C’était dans un hameau proche de Sidi Amor Bouhajla, à la sortie de Kairouan. La foule est nombreuse, la musique très forte et le mézouéd roi. Les invités au mariage s’en donnent à cœur joie et l’un d’eux éméché cherche noise au jeune marié.

    Fougueux et coléreux, le marié de quelques heures, sans hésitation aucune… éventre le soulard dans le noir. Ni vu ni connu.

    La police arrive et l’enquête se prolonge pendant 48 heures. Le soulard est dans le coma, mais vivant.

    Un conseil de famille propose au jeune frère Ali mon autostoppeur de se faire passer pour « l’éventreur du mariage rural » pour sauver le jeune couple et que tout sera pris en considération plus tard.

    Ali passe en jugement et fut condamné à deux  ans de prison ferme. Coups et blessures avec arme blanche.


    Ali se dit : «  Deux ans de bagne et je sauve l’honneur et le futur de toute la famille, c’est bon ! A la guerre comme à la guerre » !


    La première semaine il reçut deux visites familiales. La troisième une seule, et, après trois mois de prison, aucune visite familiale, ni amicale et encore moins de réponses à ses dizaines de lettres, sorte de Bouteilles à la Mer.

    Pour pouvoir s’acheter des cloppes, il se propose « laveurs de fringues » de ses codétenus ! Sa « chambré », comme il dit, compte plus de pensionnaires que de m2 et les journées sont longues, terribles et tristes à en mourir.

    Il vient de quitter la prison et fait du stop pour rentrer au bled incognito !


    - Une revanche à prendre ?

    - Oui, je veux juste voir les yeux, le regard, de la personne pour laquelle je viens de faire deux ans de tôle et découvrir sa vie de nabab avec son jeune enfant et sa belle femme blanche aux yeux clairs?

    Je veux juste voir ce regard…


    J’ai froid au dos ! L’histoire d’Ali est en moi et je m’en veux de ne pas avoir retenu le nom de ce bled perdu pour aller lui porter secours et peut-être réconfort.

    J’en suis encore retourné et triste de l’avoir laissé sur l’autoroute, pour continuer sa route vers son destin !