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Kimberley au Mozambique

Kimberley à 1000 $

 

Les hommes attendent le passage du virtuel au réel et se nourrissent d’espoir ! Soudain, jaillit de nulle part et de partout, au son d’une musique techno made in California, une grande fille de 1 m 79 dessinée dans du muscle et de la grâce.

 Sa chevelure de miel embrasse et caresse un dos droit et aguichant. Ses yeux vert émeraude passent de la profondeur d’un lagon polynésien aux feux de la savane. Ses escarpins beiges collés à sa peau par de savants lacets lui donnent sept centimètres de plus. Avec grâce et méthode, cet être de charme et de choc se propulse sur scène tel un marsouin dans l’eau. Au bout de dix minutes de danse sensuelle, le public perd tous ses cris, ses sifflements et ses adjectifs acerbes. Le silence est total. Les serveuses se figent à leur place. Seule la musique, reine et souveraine, enveloppe et ensorcelle foule et danseuse. Du haut de ses dix huit ans, Kimberley flotte sur son nuage. Un nuage de chimère et d’évasion. Le premier foulard et le chemisier de soie pourpre s’envolent comme par magie. A la vingt neuvième minute, Kimberley, qui n’a plus rien à cacher, sent battre en elle le rapide pouls de deux cents spectateurs du soir. Cette dernière minute de danse semble être une éternité. Voluptueuse, lente, lascive et soudain exubérante, elle égrène ses mouvements en dosant tous les chocs émotionnels qu’elle provoque chez ce public. La soirée s’achève par un hommage vibrant de toute une foule debout qui applaudit avec ferveur.

Soudain, surgit un Mozambicain dans sa loge.

Timide, bien qu’habituée aux compliments, Kimberley est surprise du sans–gêne de ce beau brun qui s’installe dans sa loge et qui lui annonce de doubler son cachet si elle acceptait. Une heure à 1 000$ est réellement un marché tentant. Kimberley accepte sans réfléchir mais pose une seule condition : rejoindre en taxi le Mozambicain chez lui, une heure plus tard.

Crédule puis sceptique, elle se flanque de deux compagnons pour l’emmener chez le Mozambicain, qui loue ses services pour une heure de danse chez lui. Le vieux taxi japonais jaune et gris, au siège arrière à moitié défoncé, traverse toute la banlieue sombre de Mbabane. Les rues sont noires et désertes, à deux heures du matin. Espiègle et calculateur, le chauffeur de taxi demande s’il doit attendre le trio ou revenir une heure plus tard. Il répondra à sa propre question en décidant d’attendre, tout en facturant cette attente. « Parée » de ses deux gardes du corps, loin de son corps mais proches de sa sécurité, elle grimpe allégrement trois étages pour s’arrêter pile devant la porte noire de l’appartement n° 9. L’instinct de voyageur est en elle migratoire et lui ouvre tout chemin de la vie. Deux coups de sonnette brefs et un long, tel est le signal convenu pour accéder à l’antre du Mozambicain. Triple surprise : le Mozambicain est pluriel !

Le monsieur a six amis avec lui. Les sept personnes sont déçues à mort à la vue des deux frêles et hirsutes accompagnateurs de Kimberley. L’odeur qui flotte dans ce vaste salon n’est pas trompeuse ; une poudre blanche dilate la pupille de ces messieurs et empeste tout cet univers. Une large table centrale croule sous les victuailles et agapes de toutes sortes. Le caviar, le poulet et le jambon s’entrecroisent maladroitement et heurtent un énorme seau bleu de sangria maison.

CHIVAS ET COCAÏNE

Il est trois du matin. Les sept Mozambicains, aux lourdes montres d’or et de diamant, planent sans parachute aucun, et non d’yeux que pour cette créature qui serait l’œuvre de Dieu ou du diable, ou des deux à la fois. Les accompagnateurs n’en croient pas leurs yeux et veulent profiter de cette aubaine unique : assister au spectacle de Kimberley chez les mafieux en extase. Ils se cachent gentiment derrière le bar et boivent silencieusement leur sangria. Les minutes d’indécision sont longues. Pedro, le chef et l’hôte, demande à Kimberley de virer ses deux acolytes. Elle refuse d’endosser son costume et de mettre sa cassette de musique en marche sans la présence de ses deux copains. Sans gaieté de cœur aucune, Pedro roule sa moustache entre le pouce et l’index et farfouille sa noire chevelure. Tous crachotent et marmonnent pour accepter enfin.

Peu à peu, les sept Mozambicains forment un cercle autour de Kimberley et s’assoient en tailleur, un verre de Chivas étiquette noire à la main. Excitée par l’insolite, Kimberley veut terminer en beauté sa dernière soirée au Swaziland. Moulée dans un deux pièces en satin bleu, avec des paillettes et des franges dorées, Kimberley se lance dans une danse lancinante et frénétique. Il ne reste plus que cinq minutes pour empocher ses 1 000$ et partir. Soudain, le jeune barbu, baraqué et trapu, tire Pedro par le bras et le conduit à la chambre à coucher. Le conciliabule est rapide et discret. Tout comme la sentence.

Les caprices du hasard ! Dieu Shiva et tous les prophètes du monde conjugueront-ils leurs efforts pour sauver Kimberley d’une mort annoncée ?

(à suivre)

 

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