Madame la commissaire ?
Bouddha est souvent de bon conseil. Quand les horizons se ferment et les espoirs se volatilisent autant conjurer le mauvais sort en repartant comme en Quatorze et redonner un nouveau sens au cours de la vie.
Bosser dans une Ville-Village qui retombe en partie au moyen âge sous le joug des lugubres matelots d’une 6e flotte médiévale est souvent fatiguant, voire lassant.
Une journée pénible: pendu au téléphone à gérer une centaine d’appels reçus, suite à une annonce de location : Apt à louer à El Menzah 6…. Et la même patience et courtoisie face à chacun des futurs-pseudo-locataires… même si …
Un après midi perdu en partie à la poste qui refusa à mes assistantes habituelles de retirer un simple mandat postal reçu en mon nom. Ma CIN, mon cachet et une lettre officielle…n’eurent aucun effet auprès des jeunes préposés sub-mer-gés…. Donc, un déplacement perso nécessaire !
Bref, pour conjurer cette sordide journée, je décide d’aller prendre un pot vers 21h, à ma sortie de bureau, dans un agréable restaurant-bar de Tunis.
La musique est belle. La lumière feutrée. Les tables à moitié désertes.
Je lève mon verre pour trinquer de loin avec un jeune couple à la table voisine… En deux minutes à peine, nous voilà amis et nos rires submergent la salle !
Soudain, elle entre
Elle nous regarde du haut de son 1m70 parée d’une crinière fauve donnant plus d’éclat à ses yeux vert émeraude et…. s’attable seule, à la table d’en face ! A deux grands petits mètres de notre table ! Les hommes (hypocrites) la regardent avec envie d’en voir plus et ont peur de leur compagne du soir. Les femmes essayent furtivement de trouver la faille ou le défaut de cette superbe créature, sure d’elle, qui grille un Marlboro et commande un verre. Majestueusement !
Ce qu’on est loin des islamistes, des imberbes barbus et des Sal Afistes qui nous volent bonheur, honneur, liberté, civilisation et Nation…. Cette Tunisie, de ce soir est celle que nous connaissons. Un simple bar-resto et des gens normaux !
Je propose à mes nouveaux amis un jeu ! Deviner en une seule minute et une seule réponse le job de cette jeune Dame devenue sans le vouloir Miss Charme et énigme du restaurant !
Elle, la compagne de mon jeune ami avocat répond : « secrétaire de direction »
Lui : « Assistante d’un très haut cadre »
Moi : « profession libérale »
Riche de mes trois réponses ; je fonce sur la jeune dame et lui raconte mon histoire, notre jeu, notre pari et que c’est à elle de trancher et de désigner le vainqueur.
Surprise, par mon sans gène, son regard dubitatif et polisson perd de sa candeur et laisse percevoir un brin de zeste de sourire ou… d’amusement !
« Vos trois réponses sont fausses monsieur ! Je suis…. Commissaire de police »
Wawwww ! Je ne m’y attendais pas et point.
Soudain, ma si fidèle amie me titille et me coupe parole et élan. Elle, ma petite mémoire. Sans trop voir ni entrevoir les choses clairement, je plonge dans le gouffre abyssale de cette « machine intime » et retrouve certains cailloux bleus du Petit Poucet
« Mademoiselle, je sais que je vous connais. Il est 22h, je sors d’une longue journée, mais je déniche une image dans le fin fond de ma mémoire : Vous ! »
Amusée et peut-être un peu fâchée, elle me pénètre avec son dard de regard voulant me faire fondre comme neige au soleil. Ma mémoire s’affole, mon Nord passe au Sud et je suis obligé de trouver la parade. En quelques secondes. Pour ne pas décevoir Madame La commissaire et ne pas passer pour un simple et vulgaire baratineur ou Flatteur….
Je regarde la dame dans les yeux, à 20 centimètres de son visage… la pénètre lentement du regard, la toise, la sonde, la sens, la crains et l’adopte en même temps. Son souffle fleuri est sur ma joue et me trouble déjà. Je tiens à garder mon calme. 30 secondes s’écoulent. Elle attend ma réponse pour m’envoyer au diable ou …..me…..
-« Demoiselle, dites-moi, dans un kiosque à essence, vous vous servez toute seule comme une grande, vous n’attendez pas que l’on vous serve n’est-ce pas ? Je me trompe? »
Une petite tache rose à chacune de ses joues conforte ma question. Non, elle ne va pas me chasser de sa table… mais au contraire… la voilà tout feu et tout miel à me dire :
-« Si moi je suis de la police, vous, vous êtes de la CIA ! Comment connaissez-vous ce petit détail de ma vie Monsieur ? »
-« Mais Madame, savez-vous qu’à Tunis, je n’ai jamais vu UNE seule femme faire toute seule le plein d’essence de sa voiture ? Elles ont toutes deux attitudes communes (le plein svp !) ou (20 dinars svp !) sans quitter leur doux siège de voiture… Mais vous, vous quittez votre véhicule, de nuit, et faites ce que vous avez à faire… comme je le fais moi-même depuis plus de 25 ans, depuis le jour où j’ai quitté ma lointaine Australie ! »
-« Ok, vous ne bluffez pas ! Ou vous êtes devin ou on se connait ? Racontez-moi tout monsieur… »
C’était, un soir. C’était une nuit. Seul, je faisais le plein de ma voiture dans un kiosque à essence sur autoroute. J’étais dans mes vaps. Automatiquement, je remplis les 70 litres de mon réservoir d’essence et commence à libeller mon chèque bancaire pour régler ma facture….
Soudain, je vois de dos, vers minuit, un joli jean bleu, d’une jeune dame qui fait exactement ce que je fais, un plein d’essence sans se faire servir comme les autres usagers….
Je l’apostrophe pour la complimenter….. et on rigole de cette vie de Tunis…qui reste sous les ailes de la Révolte dite Révolution !
Soudain, elle s’approche de mon pare brise et découvre l’impact d’une pierre… qui fera éclater bientôt tout le verre.
-« Monsieur, avez-vous porté plainte contre X suite à ce jet de pierre ? Je suis commissaire de police. Puis-je vous aider….. ? »
Elle me griffonne l’adresse d’un commissariat de police près de l’aéroport et s’évapore dans la nature ! La nuit se termine dans un poste de police où ma plainte est enfin enregistrée et un PV délivré pour mon assurance.
Ce soir, dans ce resto je retrouve enfin ma belle commissaire. J’avais écrit toute son histoire dans mon Blog (Rachedelgreco) il y a deux ans et lancé un SOS à Bouddha pour qu’il me remette un soir sur son chemin… pour la remercier de vive voix.
Je commence à m’incruster sur le siège près de la dame…
Quand soudain, jaillit de nulle part, un aigle noir… non pas celui de Barbara… mais un jeune camouflé dans un manteau noir qui salue amicalement la dame, ôte son manteau noir et s’attable derechef à sa table.
Quatre autres jeunes du même âge débarquent en même temps... Je salue l’assemblée et me retire sur la pointe des pieds…remerciant Bouddha, d’avoir remis, un soir, pour quelques minutes seulement (comme le dit si bien Jacques Brel) ma belle commissaire sur mon chemin.
Gracias à la vida et mes hommages et respect Madame La commissaire !