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sUISSE

  • HISTOIRE DE CIVISME

    Ambassadeur à Genève

     

      Que peut faire un simple citoyen derrière un gros camion qui marque son passage, tel le petit Poucet, par de petites pierres blanches ? Des pierres qui s’échappent de son chargement et qui seront peut-être la cause d’un accident mortel de trop !

     

    Que peut faire un citoyen, dans certaines contrées du monde face à des milliers de lampions de Noël accrochés aux arbres qui longent les routes ? Des lampions qui ne sont autres que de vulgaires et nuisibles sacs en plastique.

     

    Que peut faire un citoyen, face à la découverte subite d’un fleuve en crue. Un fleuve qui n’est autre qu’une horrible et dévastatrice fuite d’eau en pleine avenue ?

     

    Que peut faire un citoyen face au jeune chauffard qui décide envers et contre tous de griller un feu rouge ?

     

    Ces quatre situations parmi tant d’autres que j’ai souvent, hélas, eu l’occasion de rencontrer, peuvent trouver rapidement solution par l’acte citoyen. Ne sommes nous pas tous actionnaires, à action unique, d’une société appelée Etat ? Nous y reviendrons…

     

    Pour rester dans le voyage, voici deux petites anecdotes du pays de ma tendre enfance, pays de mes études où le civisme se conjugue presque avec l’air que l’on respire, l’eau que l’on boit et le devoir qui nous habille. La Suisse.

    C’était à New Delhi, en 1983. La deuxième journée de la Conférence des Non alignés prit fin très tard ce soir. Nous ne sommes plus que deux personnes à lézarder au fond d’un salon d’hôtel, vieil Empire britannique, inconfortable, désuet mais étrangement agréable.

    Il avait soixante ans, peut être même soixante dix. Des cheveux blancs en cascade, des lunettes d’écailles, un port altier, un profil crétois et un verbe généreux. Disert et érudit, Si Taieb Slim, honorable diplomate tunisien tenait le crachoir jusqu’aux matines sonnantes. Mes yeux se refermaient presque, quand sa dernière histoire sur mon pays d’adoption, la Suisse , me réveilla :

    « J’étais invité à un dîner privé, à Genève, chez un couple d’amis Suisses à 19h30. A 19h29, j’essayais de garer ma longue limousine américaine face au domicile de mes hôtes. Je me suis mal pris. Mal m’en prit. Légèrement énervé par ce contre temps, je ne fis guère attention à la maladroite position de ma voiture. Hélas, d’une part, mon pare choc arrière frôlait l’avant de la voiture qui était derrière et d’autre part mon pneu avant gauche mordait généreusement sur le trottoir gauche en jouant même à saute mouton. »

    19h31. La maîtresse de Céans m’ouvrit sa porte, accepta ma minute de retard et me souhaita une cordiale bienvenue.

    19h34. Deux coups lents et un bref. Deux longs coups de sonnettes suivis d’un plus léger. La même maîtresse de maison, envahie par une légère buée rougeâtre, arrange son chignon, vérifie les plis de sa jupe noire et s’avance stoïquement devant la porte qui n’attendait pourtant plus personne.

    - Oui ! Oui Messieurs, nous recevons bien, ce soir, Monsieur l’Ambassadeur de Tunisie auprès de l’ONU. Oui, monsieur le gendarme, je vais lui demander de venir vous voir.

    L’hôtesse s’empresse d’appeler l’ambassadeur qui est courtoisement salué par le gendarme

    -          Monsieur l’Ambassadeur, excusez nous de vous déranger, mais pouvez vous nous suivre quelques minutes ?     

    Gentleman né, diplomate certes, Si Taieb bredouilla avec un sourire forcé : 

    -          Mais bien sûr Messieurs ! Puis-je savoir seulement pourquoi ? 

    -          Monsieur l’Ambassadeur, votre voiture bien que portant des plaques diplomatiques est hélas doublement mal parquée. Nous vous prions de bien vouloir la changer de place.

    -          M. l’agent, une seule question : il n’est que 19h34 et je ne suis dans cette maison que depuis trois petites minutes. Comment a  fait la police suisse pour être informée si vite  de ce délit ?

    -          Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes en Suisse. Ici, chaque Suisse est propriétaire de la Suisse. Près de huit millions de Suisses veillent au grain. Vos voisins d’en face vous ont vu, depuis leur balcon, mal stationner et ont accompli leur devoir de citoyens en alertant la police…  

    A bon entendeur salut ! Cette anecdote de Si Taieb Slim m’a suivie comme une ombre et m’a donné l’envie et la chance de servir, à mon tour, mon pays par de simples petits actes civiques à la portée de tout à chacun. On y reviendra…

    (à suivre)

  • Kimberley en Suisse

    Kimberley à Zürich

    5e escale.

    La chute de la fenêtre est magique ! Kimberley se réveille, chaudement enveloppée d’une grosse couverture grise rayée de fines lignes rouges. Une radio égrène une douce musique espagnole. Une dame au visage de madone lui serre fortement les mains. Kimberley réalise qu’elle vit. Qu’elle est en vie après cette chute du balcon et tous ces supplices sexuels...

    Le jeune Juanito vidait les poubelles du quartier, pleines à craquer depuis deux jours, dans ce misérable quartier de la banlieue de Barcelone. Soudain, une image, celle d’une créature de rêve très légèrement vêtue, bloque sa respiration. Elle est là, affalée, comme anesthésiée.

    Kimberley a eu beaucoup de chance. Sa chambre se trouvait bien au premier étage, le sol était de sable et l’éboueur matinal.

    L’ambassade d’Afrique du Sud est contactée d’urgence. L’ambassadeur n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles et tend à Kimberley un vieux fax d’Interpol qui la recherche par monts et par vaux. C’est que sa mère avait réussi à contacter un cousin haut commis de l’Etat qui mit le monde sens dessus dessous pour retrouver Kimberley, tout en laissant de précieux contacts dans de nombreuses ambassades sud-africaines. C’est à Bruxelles que le premier contact fut établi. Deux jours plus tard, Kimberley fut ainsi accueillie en Belgique par un ami de son oncle. 

    DÉLIVRANCE Á ZURICH

    Six mois passent, de clinique en clinique, de Genval à Waterloo. Un psychiatre suisse vient la voir directement de Zurich. Il venait d’assister à un congrès de psychiatrie où le cas de Kimberley a été évoqué par un confrère belge, avec ce simple verdict : guérison impossible, retour à la normale exclu. 

    Le professeur Eichenberger subjugué par la beauté de Kimberley et sa douceur, lui propose de l’héberger dans sa clinique zurichoise si elle acceptait de subir un nouveau traitement médical de son invention. Kimberley, qui a perdu toute vitalité et toute soif de vie, se laisse convaincre par le professeur.

    Douze mois de montagnes suisses et de vie calme et confortable ne changent pas d’un iota l’état moral de Kimberley.

    Elle passe ses week-ends chez le professeur et fait tout pour s’éloigner de son fils de vingt cinq ans au physique romantique, celui d’un beau Jack au Titanic sans pareil. La répulsion du mâle n’a pas de limite et le goût de la vie est absent. Peu à peu, le professeur, dont l’épouse est partie pour un dernier voyage, adopte Kimberley un peu comme sa fille et lui offre une chambre d’amis. Commencent alors deux années de vie végétative pendant lesquelles Kimberley passe la journée à entretenir un beau jardin suisse, une cuisinette rustique et se saoule d’une musique « destroy ».

    Ce soir, c’est la Saint-Valentin. Le professeur René Dubois de Paris et son épouse sont les invités du professeur suisse. Les confrères se retrouvent avec joie mais les femmes ne peuvent hélas amorcer le moindre dialogue. Entre les hommes, le ton de la conversation se fait plus discret. Le Parisien ne cache plus son regard dirigé vers cette svelte et belle madone moulée dans un fourreau de soie blanche. Cette vierge immaculée lui fait creuser deux profondes rides de souci.

     Comment accepter la chose et garder Kimberley en phase de paraphrénie ou déconnexion de la réalité, qui la fait constamment planer ? Où est le nouvel espoir de survie dans la vie ?

     (à suivre)