Lampions et cailloux
Ayant vécu des dizaines d’aventures, semblables à ces deux dernières, dans plus d’un pays de ce si vaste monde, je me suis dit un jour, qu’à cœur vaillant rien n’est impossible et que faute d’être prophète chez soi, on pouvait au moins jouer le Samaritain. Essayer…
Sur la grande route qui mène de Monastir à Tunis, vers l’entrée de Sousse, je vis un jour des milliers de lampions noirs et taciturnes. Le vent aidant, ces milliers de sacs en plastique noir étaient accrochés, agglutinés et collés à des arbres chétifs et lugubres.
Un second malheur: un hiver non pluvieux. Un paysage stérile, des arbres qui se meurent et des « milliers d’assassins » qui assaillent branches et bronchioles de ces arbres agonisants. Le malheur est grand car tout ce plastique mettra des milliers d’années à disparaître. Que faire ?
J’ai toujours pensé, depuis ma tendre enfance, qu’une lettre ne coûte rien et j’avais toujours en mémoire cette anecdote de mon grand père, alors avocat à Sousse, qui me raconta un jour suite à un litige avec le gouverneur de la région et d’une fin de non recevoir, son astuce épistolaire. Mon grand père écrivit une lettre au Bon Dieu avec copie conforme (Cc.) au gouverneur de la région qui eut tellement peur de la supplique divine qu’il acquiesça finalement à la requête de l’avocat.
J’écrivis une simple lettre à Madame la Ministre de l’environnement de Tunisie, nouvellement promue à ce poste.
Une lettre badine, franche et alarmante que j’oubliais à l’instant même où elle fut postée. Une bouteille à la mer…
Quelle ne fut ma surprise, trois jours plus tard, de recevoir un coup de téléphone de Monsieur le Gouverneur de Sousse qui demandait moult explications précises suite à ma lettre à Madame la Ministre de l’Environnement…
Quelle ne fut ma surprise quelques mois plus tard d’apprendre, par les journaux du matin, qu’une loi venait d’interdire la fabrication, l’usage et l’emploi de sacs en plastique noir.
Les cailloux du petit Poucet
Je venais d’acheter une belle nouvelle allemande. Rutilante et élégante, vrombissante et étonnante. Déjà 600 kilomètres au compteur ! Quand arriva ce qui n’aurait dû jamais arriver…
Je doublais sagement, sur l’autoroute de Hammamet, un gros camion rouge. Une détonation assourdissante faillit me doter d’une surdité définitive et non réversible. Ce n’est ni une canonnade ni un tir de missile ni encore un pneu crevé mais un mystère absolu qui déstabilisa ma bonne humeur et m’habilla d’angoisse et de perplexité.
Arrivé chez moi, à Hammamet, je fis le tour de ma voiture plus d’une fois, me demandant si ce bruit sordide, lugubre et assourdissant n’aurait pas éraflé la belle allemande…
Quand soudain se dévoila le crime crapuleux.
L’impact. Un gros point noir qui en quelques jours deviendra fissure et me coûtera un pare brise de plus de mille dollars. Le camion était chargé de caillasse qui s’échappait gentiment à l’air libre. Un caillou, qui quitte ainsi son chargement, double sa vitesse en touchant l’ennemi de plein fouet et peut sur une tempe donner la mort sans hésitation… Une longue série de lettres et de téléphone accoucha d’une demi mesure. Une loi obligea les camionneurs à retenir leur caillasse ou cailloux par de simples toiles bâchées.
Ceci n’est, hélas, qu’une demi solution car souvent cette bâche est illusoire et ne fait que masquer la caillasse en liberté. Armé de mon téléphone portable, je continue à jouer au Samaritain en photographiant, preuve à l’appui, le camion assassin que je croise. Plus d’une fois, j’arrive à le doubler et à l’obliger même à s’arrêter. Cela marche une fois sur quatre. J’ai l’impression de brasser du vent !
Le contrevenant voyant l’image de son camion sur mon portable a peur d’une dénonciation ! Mais que fera un chauffeur smicard d’une cargaison appartenant à un millionnaire peu respectueux de civisme et de vies humaines ?
(Suite, aux dramatiques feux rouges !)
Commentaires
Les campagnes de sensibilisation et la répression n'ont pas amélioré les choses, que faire?
Je pense que chacun doit réagir de la même façon que t'as décrite : ne plus rester indifférent aux incivilités et quand on ne peut pas agir, en parler, et quand on ne peut pas en parler, ne pas répéter la même bêtise et éduquer ses enfants dans ce sens. Il est évident que la dernière solution est la moins rapide et ne nous aider pas à rattraper le train.
Su mon blog j'ai parlé de certaines incivilités :
http://mouwatentounsi.blogspot.com/2006/11/wallina-ma-nefhmou-ken-bel-fella9i.html
http://mouwatentounsi.blogspot.com/2006/11/il-est-fier-mais-il-est-dangereux.html
http://mouwatentounsi.blogspot.com/2007/01/pour-une-route-moins-dangereuse.html
http://mouwatentounsi.blogspot.com/2006/10/des-tunisiens-suicidaires-et-dangereux.html
Désolé d'avance pour ceux auxquels on a retiré la liberté de lire ces posts.
Bravo Mr Rached !
Pouvez-vous aussi faire du lobbying svp pour :
-que les gens mettent leurs déchêts ménagers dans des sacs ?
-que les gens soient punis s'ils jettent leurs bouteille PVC sur la voie publique ?
-que pour chaque arbre coupé en soient replantés 10?
-etc....
toujours un plaisir de vous lire :-)
Je salue ton dévouement si Rached, je crois que tout le monde doit en faire autant...
En effet, je pense que c'est bien d'agir en citoyen civile et responsable et de guider sa famille pour en faire autant, mais ça sera mieux d'avoir le courage de sensibiliser les autres au civisme, il faut en discuter, participer et pourquoi pas entreprendre des initiatives si on veut que ça change pour le mieux car la passivité aggrave l'incivisme...
Dans l'attente de la suite.
Je raconte ma soirée d'hier ici:
http://massir.blogs.psychologies.com/mon_massir/2007/03/quand_le_chat_n.html
Belle soirée.
Merci.
Hello Rached,
Je viens de regagner Orlando apres une semaine folle entre Miami et Key West (je devrais ecrire quelque chose sur ce coin paradisiaque)
Bravo , pour tes aventures épistolaires, je t'assure cela paie toujours!
Slim
Bravo d'avoir eu le courage de faire part de votre colère face à l'assassinat de la nature , bien souvent nous râlons mais de là à faire quoi que ce soit , il y a un monde....je suis la première dans ce cas je l'admets ....Merci de vos commentaires sur mon blog à bientôt Jacqueline.
On trouve ,à ce jour , des sacs en plastique noir sur le marché! On devrait verbaliser avant tout les fabricants .
Certains marchands de quartiers dits "chics" utilisent encore du papier journal comme emballage!
*depuis sa création en Août 2005, l'Agence Nationale de gestion des dechets (ANGed) maitrise les nuisances grâce à une politique réelle proactive...Parmi ses missions et attributions :GERER LES SYSTEMES PUBLICS DE GESTION DE DECHETS (emballages plastiques, huiles lubrifiantes et filtres à huiles usagés, batteries et piles etc...)
au citoyen consommateur d'aider , de contribuer aux programmes de cette agence dont les efforts sont louables.
Pour les interessés, consulter site ou ecrire E.mail :boc@anged.nat.tn
Le civisme est une education. A travers les enfants , on peut faire passer beaucoup de messages aux adultes.
Là, le rôle des jardins d'enfants est très important.
Merci pour ton passage sur mon ile :). C'est avec des gens comme toi, qu'on peut tous croire qu'on peut changer les choses. Tout les tunisiens aiment leur pays, TOUS, c'est tout juste qu'on doit croire en soi meme et essayer comme toi de l'exprimer. MERCI
bonjour El Greco,
crois tu que des sacs bleus ou roses soient plus décoratifs? Ils ne contiennent pas la vie comme les linges dans lesquelles les cygognes transportent les bébés, mais la mort...en couleur!!!!
voir ce qui se passe à Marseille : http://www.decharge34.com/eux/page72q.html
(je ne sais pas où en est cette affaire)
Je préfère quand même le travail de Christo ! : http://www.wolfgangvolz.com/images/Drei_Lampions.jpg
bises
Arthi
@Arthi: T'as 1000 fois raison mon amie!
C'est mourir en couleurs... finalement
@ Samsoun: qui ne tente rien n'a rien...
@ Zahraten, Binicaise, Slim:
Oui c'est très juste....
@ Massir: Qui sait mon amie?