N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Voyageur à tous vents, reporter depuis la nuit des temps, je ne pouvais ce vendredi soir laisser passer une telle occasion, d’aller voire « la Bête dans son antre », derrière mon officine, au stade de Ben Arous….
Une foule de près de 10 000 personnes, barbus en majorités et femmes voilées à 80% et des vigiles par centaines…Avec mon Bouddha en collier et mes cheveux aux vents, ma gueule de Meteque, de Voyageur errant et de Pâtre grec, j’eu rapidement droit à passer rapidement plus de 20 barrages en quelques minutes pour être avec la presse internationale et la représentante de Madame Carter, de l’UE etc. à 3 mètres du principal micro des orateurs !
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
Et ne suis-je blanchi dans les travaux de Paix
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Je me revois au cœur de lointains pays, où je me suis infiltré dans des guérillas, tels que la Bolivie où je fus prisonnier (pendant 26 heures), le Nicaragua, le Rwanda, le Kosovo, l’Albanie, La Bellarus encore rouge, le cœur des bas fonds du royaume du Lesotho, la forêt des pygmées de la Centrafrique où l’anthropophagie de Bokassa est légendaire (j’en reviens) et tant d’autres aventures au service de ma petite plume, à travers 194 pays. Mon seul métier.
Ayant fait mes premières études en Allemagne, je me suis longtemps penché sur le Mouvement et la manipulation des foules qui ont fait d’un petit Autrichien, un citoyen allemand à l’age de 30 ans et le père de 20 millions de morts lors de cette seconde guerre mondiale.
Et dans toutes mes pérégrinations je me disais que tous ces pays sont loin de la Tunisie du jasmin et du thé au pignon, où il fait si bon vivre… Je me trompais. Lourdement. Dimanche dernier de garde, j’ai eu un double choc à 30 minutes d’intervalles, dans mon officine :
- Elle, belle jeune dame universitaire de 33 ans toute de rose vêtue, au port altier et au verbe châtié ! Elle ne jure que par Ennahdha. Sa sœur est au bureau exécutif et son père fut en prison sous Ben Ali !
- Lui, jeune quadra et avocat notoire est encore plus virulent et affirme haut et fort et en public : « Nous sommes la Tunisie, nous allons remporter les elections à 100% (dixit) vous, les autres vous ne représentez que 0,1% du pays ! Cachez vous ! Honte à vous ! »
Je n’en ai pas dormi cette nuit….
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher « La bête »,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Revenons au stade de Ben Arous.
La première oratrice est une pharmacienne en veste pantalon noir pour prêcher un islamisme dit ouvert, rabâche et rabâche que « Nahdha hia el kol »
Le second est un grand philosophe et professeur d’université mué ou travesti en Agent de propagande de ce mouvement. Avec force et conviction, avec un verbe haut et percutant
La foule exulte. La foule délire et lance « Echaab Yourid Roujou enahdha » et des « alah ou akbar » à foison.
Suivent les responsables des sections voisines de Tunis, Manouba puis Ben Arous ! DIEU semble parler par leur bouche ! Ils SONT la vérité ! Ils SONT la justice ! Ils SONT l’évangile et la torah. Le peuple presque en transe, en mydriase complète jouit sur place de sa fierté d’être dans le giron du suprême !
Arrive enfin, le septuagénaire fils de Ben Arous, le père de ce mouvement, qui veut prendre de la hauteur et semble couver la foule du haut de ses stratus et cubitus, face aux Takbir et aux Allah ou Akbar
Cela fait 120 minutes que je pleure…sans pouvoir freiner mes chaudes larmes (les autres en me voyant me disent : merci…d’amer leur mouvement) et en réalisant, plus que jamais, une chose si dure, si pénible, si affreuse et si injuste : Ils sont d’un autre monde et nous sommes deux Tunisie !
Voir ces gens chanter notre « Houma el Houma »…. Au nom d’une Religion qui veut s’emparer du pouvoir, de la République, de notre âme, de nos enfants et de nos esprits me pousse à répéter :
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour voir cette infamie ?
Va, quitte désormais le dernier de ces humains,
Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.
Et votons utiles en faveur de brillants Défenseurs de NOTRE Constitution !
Demain, sera-t-il un autre jour ?