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Au bureau de la présidente du Libéria

Monrovia. (Août 2013). Le Sida, la guerre civile, la traite des blanches qui sont noires et surtout le trafic des diamants font de Monrovia, capitale de la Libéria, une ville bien dangereuse.

Entré par miracle dans ce pays, refoulé par toutes ses ambassades européennes, il ne m’est resté comme choix que de m’imposer à une compagnie aérienne, lui présentant moult documents de voyages pour faire patte blanche et accéder à bord.
Le vol fut parfait et l’arrivée chaotique, aux aurores naissantes. Enfermé dans une pièce de 3m2, au nez de trois kalachnikovs rouillées, tenues par un douanier et deux policiers somnolents, j’ai du raconter mille et une histoires en essayant de les faire rire pour leur expliquer que j’étais conscient d’entrer au pays sans visa.


Cet intermède aéroportuaire se résume en deux mots :
Trois heures de marchandage avec un double choix :
-Reprendre l’avion et retourner en Europe. Et ceci est déjà une fleur de la part des policiers.
-Payer à chacun des trois sbires 100 dollars en espèce, plus les frais du visa

Le lendemain je décide de visiter la ville en autostop

Evitant les bus, les cars et les taxis. Quelle chance de pouvoir être en contact direct avec les Libériens.
Du haut de ses 30ans, Grégoire (l’Ivoirien) conduit son tas de ferrailles pétaradantes avec joie et dextérité. Fossés, dos d’ânes, dos d’éléphants, caniveaux et autres embuches sont adroitement évités. La compensation des ces chocs n’est ressentie que par notre colonne vertébrale.

Son bureau, avec une belle enseigne en plastique de 2m2, arbore malicieusement : Conseiller international.
Une table à gauche, une porte qui s’ouvre à moitié sur la droite, quatre étagères et le secret qui se trouve à même le sol.
Imaginez la chose toute blanche perlée de noir, avec une dizaine de « trous accueillants ». A chaque trou sort un petit noir. Le petit noir n’est ni un café italien, ni un nègre africain, mais ici, tout glorieusement un filiforme et docile fil électrique attaché à une multiprise.

Imaginez cette multiprise nourricière, qui donne jus, courant et vie à un PC, à une tablette de Steve Jobs, à une ampoule de 40 Watts et même à un précieux ventilateur, rendant ce bureau aussi luxueux que ceux de l’Elysée.
Avec mon ami Grégoire, j’ai vécu la vie d’un Libérien passant de sa case d’émigré à 15 km du centre ville jusqu’à la cimenterie, où il vient chaque matin, jouer les intermédiaires entre les acheteurs qui n’ont pas d’argent et l’usine qui n’a pas de marchandise. Qui serait l’arroseur et qui serait l’arrosé ? A vous de le deviner.
Pour raconter toutes mes aventures, il me faudrait un pavé d’une centaine de pages au moins, mais je vais m’en tenir à la dernière.

Présidente Ellen Johnson Sirleaf
Ma dernière demande à Grégoire était qu’il demande à ses nombreux amis le nom d’une personne qui connaitrait un sous-fifre qui travaillerait à la présidence de la République, au service d’Ellen Johnson Sirleaf.
Ne comprenant pas ma demande, il me sort toutefois une réponse ingénieuse. Il est possible d’accéder à la présidence de la république non pas par la porte centrale mais par la cave du service social du Libéria. Quelle idée !!!
Imaginez une vaste salle noire, bien noire, où les dernières ampoules électriques rendirent l’âme depuis des lustres



Imaginez des banquettes qui tiennent en équilibre par la grâce de bouddha ou des gourous.
Imaginez plus de 100 personnes dans un local qui ne peut accueillir que 30.
Imaginez enfin que Miss Libéria Junior, qui se cache derrière son hublot vitré et qui se lance dans une interminable conversation téléphonique avec son chéri lointain, au nez de la foule qui attend impatiemment l’ouverture du guichet.
J’avoue que je n’ai jamais rien compris, que fait cette foule, et qui fait quoi dans ce labyrinthe libérien ?
Grégoire perd son calme, il s’agite, il s’énerve. Son petit téléphone risque d’exploser dans sa main et aucune réponse à ses appels. On avait pourtant rendez-vous dans cette salle avec John, un gardien de la présidence de la république.
Soudain tout s’éclaire, tout s’illumine et Grégoire retrouve son sacré sourire. Vite fait bien fait. John nous demande de le suivre discrètement.
Nous franchissons la salle des pas perdus et des âmes éperdues, pour arriver soudain face à une porte rougeâtre dissimulée par la foule. John l’ouvre discrètement et nous prie de le suivre.

Un long couloir qui ne semble plus finir
Couloir de plus en plus noir et intrigant, nous aspire. Le silence est inquiétant, l’atmosphère est lourde et la tension monte face à la nouvelle porte qui nous fait face en bout de couloir.
Trois petits coups suivis d’un coup brusque et ce plusieurs fois. Est-ce le code pour passer le rubicond et accéder à je ne sais quoi ?
La porte s’ouvre et deux nouvelles kalachnikovs pointent cette fois directement sur mon visage et lancent à mon ami Grégoire et en langue krio une tirade dont je ne comprenais mot.
Résultat des courses :
Grégoire s’en va et je suis escorté par mes sbires vers l’ascenseur. Au 5ème étage, l’accueil est différent. Une jeune dame en civil m’accueille avec un large sourire à vous faire oublier tous les kalachnikovs et me dit :
-« Vous êtes donc le reporter qui vient de loin et qui a pris rendez-vous avec la présidente de la république ? »
- « Oui madame, et j’espère qu’elle m’attend. »
En vérité je n’ai pas l’ombre d’un rendez-vous avec la présidente Ellen John Sirleaf mais sa saga, sa légende et son parcours m’ont toujours impressionnés.
Comment est-ce qu’une petite dame de 70 ans, ayant étudié, vécu et travaillé aux USA, peut-elle être élue au suffrage universel d’un Libéria en guerre ?

Il est vrai qu’elle fut déjà ministre des finances du pays jusqu’au jour où Samuel Doe assassina le président Tolbert et s’accapara du pays pour en faire un champ de bataille à ciel ouvert.
Ellen Johnson eut droit à 7 ans de prison pour s’être opposée à ce coup d’état et acquiert auprès du peuple le surnom de « Dame de fer », tout en bénéficiant d’une grâce présidentielle et retourna vivre aux USA.
En 2005, elle sera investie présidente de la république et comprendra très vite qu’il fallait gracier plus d’un mercenaire et demander au président Bush la levée des sanctions sur les exportations des diamants du Libéria.
Un Prix Nobel viendra plus tard couronner sa carrière et incruster plus profondément son fauteuil présidentiel.

A la salle d’attente de la Présidente
Englouti dans un fauteuil en cuir noir, je repense à la vie de cette glorieuse présidente en attendant le retour de la dame qui m’a si aimablement reçu, pour m’installer à la salle d’attente de la présidente.
Surprise. Amère Surprise. La dame à la jupe moutarde et au bustier rouge-sang, a perdu toute son aura, son sourire et son amabilité.
Sans parole aucune, elle m’ordonne d’un geste discret mais ferme de la suivre à travers un nouveau couloir. Ma journée de couloirs me semble interminable.

Et TOC, à nouveau un ascenseur. Ma petite tête bouillonne et je m’interroge : ont-ils vérifié mes cartes, mes papiers et mes bristols ? ont-ils ainsi décidés de m’envoyer en enfer ou vers la gestapo ?
La réponse ne tarda pas. La porte de l’ascenseur s’ouvre et il est aussi désert que le désert de Gobi ou celui de l’Algérie ou encore celui d’Arabie par exemple.

Est-ce ainsi que les hommes vivent disait Léo Ferré, tout n’est qu’affaire de décor… changer d’ascenseur, de couloir ou de Kalachnikov, dans les bras semblables de l’Afrique.
Le suspens est très long et la demoiselle m’ordonna avant de fermer la porte d’ascenseur du 5ème étage, d’appuyer sur le bouton n°6.

Le grincement de l’ascenseur semble avoir changé. La porte s’ouvre avec douceur et un tapis rouge vous reçoit.
Trois gendarmes en civil, baraqués à la Schwarzenegger changeant de couleur, m’encadrent et me conduisent au bureau de la secrétaire de la présidente.

Les choses vont très vite. La demoiselle est accrochée à son téléphone, une montagne de paperasse envahit son bureau, qui me rappelle vaguement le mien. Les gardes se retirent et je suis seul face à cette belle Libérienne qui ne réalise pas encore la présence de l’intrus.

Calme et heureux d’être déjà dans ces lieux, je m’empare délicatement d’un cadre rouge qui trône sur ce bureau.
L’assistante de Mme la présidente raccroche son téléphone, n’a pas le temps de réaliser et se sent obligée de répondre à mes questions. Elle est simplement priée de me donner les deux prénoms de ses bambins dans ce cadre rouge… 40 secondes de fous rires, le temps qu’une porte mal fermée s’entrouvre, laissant sortir une dame qui laisse la porte béante, faisant apparaitre un grand et luxueux bureau.
Pas une seconde à perdre, je laisse tomber le cadre rouge et je me faufile rejoindre le bureau de la présidente.


Elle me regarde, me toise, me scrute, me pénètre et décide de laisser tomber son stylo bleu pour me lancer d’un air malin :
- « On m’a parlé d’un reporter venu de loin, qui aurait rendez-vous avec moi. Vous vous trompez jeune homme… on n’a pas de rendez-vous. »
-« Mme La présidente, c’est absolument exact. On n’a pas de rendez-vous. Mais je suis déjà dans vos bureaux et j’en suis fort aise, heureux et comblé et n’ai qu’une seule demande à vous faire. Puis-je revenir demain pour une interview ? »
- « Vous n’avez pas de chance monsieur. Je pars ce soir à Genève… mais si vous êtes là dans huit jours je vous recevrai avec joie. »
Ma réponse fût brève.
-« Présidente, dans huit jours je serai à Freetown au Sierra Leone voisin et je penserai à vous et à cette belle entrevue de quelques secondes… »
God Bless Liberia…

R.T.


Liberia : vaste de 111.000 km2, soit un peu moins que la Tunisie, le pays compte environ 4.5 millions d’habitants et connut pendant des années une moyenne de 150 tués par jour.
Avec un PNB de 480 US$/tète/an, soit le 1/10ème de la Tunisie et le 1/100ème de la Suisse.
Le Libéria est un pays très pauvre qui garde précieusement ses diamants pour une poignée de mercenaires, officiels ou autres.
En 2015, l’épidémie d’Ebola semble enfin maitrisée après avoir tué des milliers d’innocents et presque autant que la guerre civile, qui sabra le pays avant l’arrivée de la présidente.
Bien que 9ème producteur mondial de caoutchouc, le Libéria ne semble pas trouver son pneu Michelin ou Bridgestone pour prendre la route du développement.


Commentaires

  • T'es un veritable aventurier Amigo !!!!

    saha
    saha

  • Sacré voyageur
    Tu n'as pas peur de cette AFRIQUE
    tu fais comment?

  • blood diamonds.........

    pas sortis de l auberge les africains

  • Bbbbbb

  • no commento amigo.!

    que c'est dômmage.. quelle tristesse!!!

Les commentaires sont fermés.