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bessarabie

  • LA BESSARABIE (1)

    CURIEUSE MOLDAVIE

     

    Chisinau. (Janvier 2001). Au départ, le problème est double : comment visiter le seul des 53 pays d’Europe que je ne connais pas encore, et où fêter le 31 décembre 2000, le passage du Millénium ?

    À l’arrivée la solution est une et une seule : un réveillon en Moldavie (et non au Pacifique Sud, pour grignoter quelques heures), le pays le plus fermé, le plus excentré et le seul qui vit encore à l’ombre de Staline, ce 53e pays d’Europe enfin !

     

    Ce choix logiquement simple me coûtera trois mois de tracas de tous ordres. Les voies d’accès à la Moldavie, le meilleur prix d’avion, l’hôtel adéquat et, enfin et surtout, l’obtention du visa !

    Comment obtenir un visa moldave ? La loi est formelle : faute d’ambassade moldave dans son pays de résidence, le voyageur peut obtenir un visa d’une semaine à l’aéroport de Chisinau s’il présente une invitation officielle ou une réservation d’hôtel. Mais comment trouver un hôtel dans ce pays du bout du monde ? Par Internet pardi ! Sur le site Web de l’hôtel Jolly Alon je relève le numéro de téléphone et un email.

     

    Faute de réponse par courrier électronique, c’est sur le téléphone que je me rabats. Durant cinq jours, c’est la même voix gutturale et froide qui me répond : « Ni pravia no nabra numer... ».

     

    Vingt, trente, quarante fois de suite et enfin une belle voix cristalline m’explique dans un français châtié que je dois envoyer par fax une copie de mon passeport et plusieurs autres indications. La télécopie empruntant également la voie téléphonique, elle se heurtera à cette même voix répétant inlassablement en russe : « Vous vous êtes trompé de numéro, recomposez votre appel » ou encore « Ni pravia no nabra numer ».

    Il faudra deux jours pour passer le fax et trois autres pour retrouver la belle voix cristalline qui, prise de sympathie pour ce curieux personnage qui a choisi la Moldavie pour célébrer le passage du Millénium, lui explique que « depuis 15 jours, une panne de courant plonge le pays dans le noir, la température est sibérienne, l’hôtel n’a qu’une seule et unique réservation pour le 31 décembre, etc. » Cela se corse et aiguise mon appétit de voyageur et ma curiosité boulimique de vadrouilleur ! L’amabilité de Mariana, de Daniela et de Diana fera le reste.

     

    Etablir depuis Tunis un avantageux trajet aérien pour la Moldavie est une gageure et vouloir obtenir un visa pour ce pays frise la folie ou l’impossible.

    C’est la fameuse histoire du « 22 à Asnières » de Fernand Reynaud qui revient en charge tous les matins. Le comédien qui ne peut obtenir de Paris un simple numéro de téléphone à Asnières, en banlieue parisienne, appelle New York qui lui passe la communication. Faut-il donc transiter par Moscou ou par Pékin pour aller à Chisinau ? Peu à peu le puzzle se met en place et c’est par Rome et Budapest que j’irai et je reviendrai par Istanbul. Au meilleur prix.

     

    Il est minuit passé. Notre avion d’air Carpates atterrit enfin à Chisinau ! Vingt passagers harassés et taciturnes envahissent le microscopique aéroport.

     

    Soudain, c’est le vertige. La honte. La déception. Bien en chair et dépourvue de tout sourire, la jeune et blonde officier de police me refuse un visa d’entrée. J’ai beau rappeler que l’hôtel Jolly Alon a envoyé un émissaire avec copie de mon passeport en plus de ma réservation et que j’ai un fax confirmant l’Ok de la police, en vain. L’aéroport se vide et on me prie de reprendre le même avion. Ma dernière arme est de faire rire la belle dame. La glace fond, les nuages passent et l’explication arrive : « vous étiez attendu par les autorités de l’aéroport à 15 h 15 venant e Budapest, il est maintenant minuit passé... »

     

    Est-ce une réponse normande? Un refus? Une acceptation?

    Dur dur la vie d'un voyageur qui n'a ni passeport américain, ni suisse, ni européen avec espace Schengen priviligié...

    Demain il fera jour! Le voyage continu!

     (à suivre)