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tigre

  • Puerto Iguazu by night (4)

    Le sel du Tigre

     

    La chance est au rendez-vous. Mon voyage change de rive et aborde de nouveaux rivages. Monsieur le Receveur principal des Postes centrales du village de Puerto Iguazú a décidé de me transformer en aide chasseur. Un volontaire désigné !

    Suivent quatre jours de folie, quatre jours de découvertes et quatre nuits de chasse bredouille. Il s’agissait de chasser le tigre d’Argentine et mon rôle consistait à grimper dans les immenses lauriers noirs de plus de trente mètres de haut et de faire glisser délicatement vers le sol, avec une ficelle, un petit sachet de sel de cent grammes. C’est l’appât que m’a jeté le receveur quand il m’a ouvert sa porte. C’est ce sel qui est censé attirer le tigre vers le chasseur à l’affût.

    Cette narration sera pour plus tard, dans un autre Astrolabe.

    Mais arrêtons-nous à la troisième nuit de chasse à 22 heures 30

    Soudain le temps se fige. L’air se raréfie. Il hurle en me chuchotant un mot. Un ordre : STOP !

    Une image. Une simple image qui se cristallisa dans mon cerveau, se perdit à jamais dans les méandres de ma mémoire et que je n’ai retrouvée que vingt cinq ans plus tard en Guyane Française, au bord du fleuve Oyapock . Le receveur de poste sort religieusement son allumette et fait jaillir une douce flamme qu’il rapproche religieusement de mon nez. Anesthésié par tant de mystère, à 22 heures 31, je me laisse faire.

    La flamme prend soudain des dimensions volcaniques telle une soufrière en gerbe et en feu. L’allumette avance encore au risque de me brûler les cils ! Mon anesthésie s’accentue et mon petit cerveau se fige. Suivent trente secondes de vide. De rien. De peur. D’angoisse. Et surtout d’incompréhension totale. Trente secondes ou déjà une éternité. Soudain, éclata face à mes yeux, un crépitement sinistre, celui d’un bûcher de Jeanne d’Arc ou de crémation balinaise. Une odeur âcre et nauséabonde envahit mes narines et peut-être même toute l’Argentine. Encore trente secondes de flou, de vertige et d’incompréhension. Abracadabra, lèves toi...

    Le mystère s’évanouit. Le receveur des postes me tend la main pour me féliciter de ma deuxième naissance. Il ouvrit gravement sa besace, en sortit une chaude bière et me dit : «  Buvons à ta nouvelle vie ! »

    Je n’osais croire ce que je croyais enfin comprendre et que je ne réalise toujours pas

    Monsieur le receveur des postes argentines venait de me sauver la vie en tuant à l’aide d’une simple allumette une horrible araignée noire qui allait me faire passer de vie à trépas en quelques minutes à peine.

     

    @suivre : 22 ans plus tard…