Deux cultures si différentes…
Un an après. Ce 14 janvier 2012 n’a, hélas, rien d’une fête, mais n’est plus qu’un ensemble d’interrogations, d’angoisses et de constatations !
C’est vrai que Ben Ali est parti avec sa mafia des Bentra qui volait chaque année près de la moitié de la trésorerie du pays
C’est vrai que le premier immolé par le feu, fut un jeune vendeur de briks à l’œuf face à l’hôpital Fattouma Bourguiba à Monastir, en mars 2010 : Abdeslam Trimèche père de deux enfants de moins de trois ans. La municipalité, l’empêcha 20 fois de suite d’installer son étal bleu d’un minuscule mètre carré. Par dépit et par besoin de gagner sa vie il se brûla à la Mairie. 50 000 personnes accompagneront son cercueil « de révolté de la faim » à travers la ville.
En décembre de la même année Bouazizi pour les mêmes raisons en fit de même. Mais en cet hiver 2010, Ben Ali avait perdu sa gloire et sa force et ne put retenir cette étincelle qui enfanta la noble Révolte tunisienne devenue Révolution spontanée et qui s’étendra vers les dictatures du monde !
Absente de cette Révolution, Enahdha a su revenir au pays, serrer ses rangs et s’organiser pour vaincre démocratiquement le 23 octobre avec 1,5 million de voix et face à 49% de non votants.
C’est vrai que des hommes taxés d’islamisme furent longtemps en prison ce dernier quart de siècle ! C’est vrai que ces hommes « en veulent aujourd'hui aux hommes et au destin » et veulent maintenant prendre une revanche sur l’histoire en écrivant à leur tout l’histoire. A leur façon.
C’est vrai aussi que la dite opposition éclatée n’a rien vu venir et surtout n’a pas su ou pu aller vers les déshérités et les Oubliés du régime.
Mais aujourd’hui la vérité a éclaté, dès le 24 octobre, pour nous dire dans un bruyant silence suffocant : " Nous sommes finalement divisés en deux, deux peuples, deux cultures, deux approches, deux mentalités."
Le monde est fait ainsi fait, du citadin et du paysan, du pauvre et du riche, du génie et du débile, du voleur et de l’honnête. Mais, nul ne peut après cette Révolution imposer à l’Autre sa pensée, sa philosophie et ses buts inavoués.
Le spectacle à l’Assemblé d’un député narguant une dame député en lui imposant de parler arabe et criant à tue tête qu’en Tunisie tout le monde doit être arabe et musulman est une erreur monumentale : Notre Tunisie est le fruit de 18 différentes civilisations et le plus petit vendeur de jasmin à Hammamet ou à Djerba parle 5 ou 6 langues. Le français est notre langue véhiculaire et celle de nos écoles et de nos universités, parallèlement à la langue arabe, langue officielle. Acceptons-nous mutuellement !
Le monde entier essaye de s’ouvrir et le scientifique allemand ou français par exemple va encore plus loin, il rédige directement en anglais pour être lu et compris par ses pairs du monde. La belle langue arabe ne peut nous être imposée pour remplacer les langues du monde et notre richesse est dans la diversité.
Aujourd’hui il s’agit de réunir les lyciens de « Mutu », de Kasserine et de Sejnane sous un même toit, dans une seule et même Nation, riche de ses différences.
Aujourd’hui, nous ne pouvons laisser une seule main nous rédiger une constitution, commander notre parler, guider nos femmes, défigurer nos universités et nous mettre dans un fourreau unique paré de divin. Nous sommes à 99% musulmans et seul Dieu est notre interlocuteur ! Aucun clergé, aucun intermédiaire, ni guide suprême, ni salafiste en herbe ! Telle est la noblesse de notre religion.
Nous sommes deux Tunisie à ne plus nous comprendre. L’une voit que l’autre veut la phagocyter et la téléguider pour une fin non dévoilée. Peur, crainte et angoisse de perdre notre Tunisie carthaginoise et capsienne jeune de 7050 ans de civilisation !
Puissent-ils freiner leur boulimie et leur espoir d’une 6e Flotte impérialiste. Puissent-ils revenir sur Terre et penser à mettre tout simplement toute leur énergie à redresser ce pays par ses hommes et non avec certains vautours qui nous guettent !
Pourtant, il est facile d’arrêter cette perte quotidienne de 9 millions de dollars ( 2 000 millions déjà au phosphate de Bassin minier de Redeyef, Gafsa etc.), de stopper les sit-ins et de se dire honnêtement : « 210 usines étrangères ont quitté le pays et plus de 20 usines tunisiennes veulent aller les rejoindre au Maroc ! Nos Touristes et notre phosphate vont aussi vers le doux Royaume chérifien ! Arrêtons de rêver de barbes, barbiches, burkas et burkettes, paradis sur Terre et dans les cieux, de promesses et de rêves divins. Basta !
Pourtant, il est encore possible, si l’hégémonie s’arrête, de se remettre au travail. Avec le génie, la motivation et la volonté du Tunisien, le pays pourra se relever très vite, pour prendre le chemin de la Malaisie par exemple. A la sueur du front et à la vitesse des neurones remis en confiance !
Reste une solution. Les onze millions de Tunisiens doivent vivre ensemble sans se marcher dessus et sans s’accaparer le pays. En 2013, demain, les urnes décideront peut-être d’une sortie de l’enfer, si les modernistes et démocrates s’unissent très vite en un large bloc pour les contrer.
Demain est un autre jour ?
Peut-être….
Si l'effort est trop grand pour la faiblesse humaine
De pardonner les maux qui nous viennent d'autrui,
Épargne-toi du moins le tourment de la haine ;
Alfred de MUSSET (1810-1857)
Rached Trimèche
Membre du CIGV