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Rached El Greco - Page 12

  • Le verdict des 3 dames

     Toi l’étranger

     (Sierra Leone, suite et fin).Le verdict tombe. Les 3 jolies dames se retournent vers moi et me disent : « Nous avons trouvé un taxi pour aller à l’aéroport qui est près de notre maison, nous en aurons pour 10 dollars chacun ». Aussitôt dit aussitôt fait nous voilà embarqués.

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    J’ai beau parloter une dizaine de langues et une dizaine de dialectes mais leur langage m’est à 100% indéchiffrable. Impossible d’imaginer ce que ces trois dames complotent avec le conducteur.

    Soudain un coup de frein sec, le chauffeur au visage pourtant rassurant me dit :

    « Toi l’étranger tu payeras 100 dollars si tu veux que je continue ». 1, 8 km nous sépare de l’aéroport. Nous sommes à un embranchement, à gauche la maison des dames et à droite l’aéroport international de Freetown. Les filles saisissent la balle au vol et me proposent de venir chez elles pour me rafraichir puis m’accompagner à l’aéroport sans payer la nouvelle taxe.

    Dilemme. La ficelle est trop grosse, si j accepte de suivre les filles, je risque de me faire plumer jusqu’ à  l’os et me payer peut-être un voyage vers l’éternité.

    Si je quitte le taxi pour franchir  à pied ces deux petits kilomètres qui me séparent des lumières de l’aéroport que je vois, je cours aussi des risques : me faire plumer comme un coq par le premier voyou qui sortira des buissons ou me faire kidnapper comme des centaines de visiteurs  les années passées.

    Aucun de ces deux maux ne vaut la chandelle je dois rattraper cet avion qui me pend  au nez.

    Je décide donc de sacrifier les 100 dollars et les remettre au chauffeur faussement innocent.

    Rapidement, la première fille, rencontrée dans le ferry, se colle tout contre moi et me susurre à l’oreille: «  mes deux copines sont des salopes et le chauffeur est un bandit, j’ai peur pour toi. Je reste dans le taxi, je ne te quitte pas jusqu’à l’aéroport, il n’osera pas t’arnaquer. »

    Caramba de chez caramba, il est déjà une heure du matin et là au milieu d’une jungle et dans une nuit noire  profonde sans lune et avec une fille aux mille ruses et un chauffeur coriace et vorace, il faut vite prendre une décision.

    Cela fait deux heures que nous avons quitté le ferry et il ne reste plus que cinq minutes de voiture pour rejoindre l’aéroport et tout semble se bloquer dans cet embranchement quasi désert.

    Aucun doute  n’est permis la décision est simple et rapide et à moi de lui dire : « bien sûr chère amie allons à l’aéroport et je t’inviterai à prendre une bonne bière au salon d’honneur. »

    Cette dernière perspective d’un salon VIP adoucit son regard et fait baisser momentanément  ma garde. Elle s’entretient à nouveau avec le chauffeur qui prend enfin la direction vers l’aéroport.

    A 50 mètres de la première barrière de l’aéroport, le chauffeur s’arrête et cette fois coupe le moteur, il me dit qu’il a mauvaise conscience et qu’il veut m’inviter avec la fille dans sa case,  4 km plus loin de là et que je ne peux pas refuser.

    Tiraillée entre une bière au salon d’honneur et un pot dans la case de l’oncle Tom la jolie demoiselle ne sait plus sur quel pied danser.

    Elle me serre finalement contre elle et impose au conducteur de franchir la première barrière de l’aéroport.

    20 minutes plus tard je subis la 4e  fouille de mon baluchon par un douanier tout aussi endormi que les précédents.

    Ils sont tout sourire face à la belle fille à qui ils ne demandent ni identité ni titre de voyage.

     Est-elle de connivence avec le douanier et le conducteur ?

    Sur qu’elle diablesse suis-je donc tomber et jusqu’ où veut- elle encore aller ?

    La porte du salon est verrouillée, heureusement un lieutenant arrive. Couvant la fille des yeux, il me reluque, vérifie mes papiers et m’ouvre la porte mystérieuse du salon. Il met en marche un gros écran de télé et se couche sur une banquette pour suivre un film américain, m’abandonnant dans les griffes de cette femme si singulière.

    Sacré nom de bleu, comment m’en défaire sans crier au loup ni crier au scandale ?

    C’est que les choses se sont enchainées rapidement et quasi naturellement. Une arrivée tardive à la seconde île, une absence de navette pour l’aéroport et une charmante dame qui trouve vite la  solution à vos ennuis.

    Quadrature du cercle. J’ai également envie de ….faire comme le lieutenant et m’assoupir une petite heure avant l’embarquement sans trop réfléchir à la prochaine ruse qui m’attend peut être.

    Je m’approche du lieutenant et lui demande où est le bureau du commandant.

     -« première porte à gauche » me balance t- il.

    Face à un jeune moustachu droit comme un i dans sa tenue étriquée, j’improvise une tirade complaisante :

    « Mon commandant, je sais que vous êtes courtois et serviable en Sierra Leone et j’ai un service à vous demander. Je suis au salon VIP et je vous demanderai de bien vouloir, sans la brusquer, aider cette jeune dame qui m’a accompagné à l’aéroport,  à trouver un lift pour rentrer chez elle ».

    Sans trop cogiter, il prend poliment mais fermement le bras de la jeune dame pour la conduire hors de l’aéroport et me libérer de cette  personne.

    Elle ne montre aucun signe de surprise encore moins d’embarras à se retrouver ainsi éconduite. En effet, et je ne le saurai jamais est- elle amusée ou déçue de sa non-proie. 

    Ainsi va le monde

     Ainsi va la vie

  • Sortir free de Freetown ?

    Pas de panique, nous sommes en Afrique !

     Freetown, la capitale du Sierra Leone,  est une ville bien curieuse. L’aéroport international n’est pas dans la capitale mais à Lungi, une île voisine qui arrête malheureusement son dernier ferry vers la capitale entre 20h et 6h du matin.

     free town.jpg

    C’est  à cause de cette dualité que j’ai reporté mainte  fois ce voyage au Sierra Leone. La majorité des connexions d’avion pousse le voyageur à passer une nuit dans la première île de l’aéroport pour rattraper le matin le ferry vers Freetown ou le contraire. Pas de panique nous sommes en Afrique !

     Cependant et moyennant finances on peut louer un hélicoptère ou un « Spidy boat » ou hovercraft pour traverser la Sierra Leone River et atteindre la capitale.

    Entre autres aventures vécues au Sierra Léone, la  plus épique et surprenante a été le voyage de retour à Tunis.

    Le départ de mon avion de la RAM sur Casa Blanca, dernière escale avant Tunis, est prévu pour 5h du matin. Il est 17h, il me reste 10h pour franchir la capitale Freetown, prendre un ferry ou grosse chaloupe et enfin un taxi pour l’aéroport.

    Sur le papier tout cela paraît tellement simple, mais en Afrique il reste le facteur le plus important, doublement nommé, hasard et probabilité.

    Armé de mon baluchon bleu, j’espère trouver un taxi près de l’hôtel. Il n’y en a guère, il n’y en a point.

    Qu’à cela ne tienne, bonjour l’autostop. Mais dans cette capitale qui a vu  plus de 150 mille assassinats ces 10 dernières années, les conducteurs ont peut être conservé un instinct de méfiance et de crainte de l’autostoppeur.

     Finalement un gaillard  de 120 kg conduisant à tombeau ouvert une grosse mobylette rouge me prend à bord.

    Accroché au siège arrière, serrant mon baluchon contre le dos du conducteur, j’évite à mes pieds de heurter trottoir, rochers et dizaines de flaques d’eau. C’est que le bonhomme a du souffle, il arrive à zigzaguer et à louvoyer à travers bus, camionnettes, voitures et motos avec une surprenante habilité.

    Au bout de trente minutes de tangages, de roulis, de frayeurs et de soubresauts, je suis délivré au cœur même de la ville. La place grouille de monde comme un bazar de Téhéran ou une Kasbah d’Alger.

    Une voix, un cri, un saut, enfin une main s’abat sur mon épaule gauche. Il est là, face à moi, riant aux éclats : tu me reconnais, tu me reconnais ?

    Oui ! C’est bien le monsieur qui m’a conduit la première nuit à un hôtel, dans une chambre  sans rideaux et un tôt matin sans café. Un taudis haras, un véritable nid de couleuvres.

    Samuel  insiste pour me faire visiter les boutiques de son épouse. Le négoce de madame n’est autre qu’une pièce de 3m2 sur 2 surélevée sur un mètre avec des marches extérieures arborant cahiers d’écoliers, valises, sandales, sorties de bain….un super bric à brac qui permet au couple de gagner sa vie sous l’étendard de « grande librairie de Freetown ».

    Au bout d’une demi-heure d’attente de taxi collectif nous sommes enfin à l’embarcadère. Malin comme un renard, Samuel saura aisément trouver le guichet qui vous vend un billet de première au prix d’un second.

    Nous sommes 10, nous sommes 20, nous sommes 200 peut être à nous trimbaler sur les ponts branlants du vieux ferry conçu normalement pour transporter à peine 100 passagers.

    Au premier étage quelle surprise de voir s’ouvrir les portes du paradis.  Mais la première classe n’est autre qu’un vaste salon avec deux uniques banquettes latérales. Le clou est à l’entrée.

    Il a 20 ans peut être

    Une coiffure rasta, des yeux exorbités et de longues chaussettes orange font de ce jeune Sierra-Léonais  le prince du soir. Monsieur est le DJ de service. Faute de boule Quies, je subis pendant plus d’une heure sa musique tonitruante et saccadée qui semble toutefois faire l’unanimité chez les autres passagers.

    Je me blottis au fond de la banquette  à moitié couché tout en lisant mes messages sur mon I- Pad. Quand soudain une main douce et presque innocente me tend une barre de chocolat.

    Comment a-t-elle deviné que je suis  chocolativore ?

    Amusée par ma gourmandise elle m’offre un second chocolat en essayant de s’allonger sur le divan sans pour autant vouloir me déloger. Mais dans cette douce Afrique, le voyageur qui laisse tomber sa garde vis-à-vis des belles dames n’est plus à l’abri quant à sa santé voir même sa vie.

    C’est vrai qu’elle est belle, du haut de son 1,70m , des yeux marron avec des éclats d’ émeraude, un teint noir très clair et surtout une taille de guêpe montrant fièrement son nombril aguichant.

    C’est vrai aussi que sa culture remarquable et son accent britannique vous poussent à croire qu’elle n’est pas ce que vous pensez et vous met vite en confiance.

    En quittant le ferry, elle se colle obstinément à moi et propose de m’aider pour  gagner l’aéroport. Quelle aubaine, mon calvaire touche t- il à sa fin ?

    Dans un noir charbon, à 100 mètres du bateau, elle se dirige vers une vieille voiture japonaise d’où surgissent deux autres jolies filles. Dix minutes de palabres entre les trois dames dans une langue qui m’est complètement hermétique.

    Le verdict tombe. Les 3 jolies dames se retournent vers moi et me disent : ...

    @suivre 

    Ainsi va le monde

     Ainsi va la vie

  • DANSE DU FEU à MINUIT

    Le temps passe, il est déjà minuit

     Suite et fin d’Iskandar KulJ’ai juste le temps de déposer mon baluchon sur le  6e lit du baraquement de mes nouveaux amis et retourne à la table en bois plantée au bord du lac Iskandar Kul.

    a table.png

    Soudain, un jeune monsieur, au teint basané et à la cigarette collée aux bouts des lèvres, arrive portant un gros baffle noir et me dit de ne pas bouger car la fête va commencer. En trente minutes, c’est un autre monde. La température descend à 0°C, un gros brasier est allumé. Les banquettes sont rapidement disposées en cercle autour du joli brasier. On attend le mystérieux chirurgien de Dushambe et ses invités.

     Grassouillet et flasque

     il arbore avec fierté la belle jeune dame de 20 ans qui l’accompagne. Le vieux chirurgien est en effet accompagné de sa petite amie et de sa smala, soit une dizaine d’invités ou de parents : les deux frères de la fille, la sœur de la fille, la cousine de la fille et peut être même la tante de la même fille, qui vit aux crochets du vieux chirurgien. Dans ce coin perdu du pays, nul n’aura vent des frasques dominicales du médecin. Des victuailles circulent et du bon vin aussi. On pousse la chansonnette et une folle danse au tour de ce feu de bois, le temps a depuis longtemps suspendu son temps, son vol et son décompte. Ici tout est magie, mystère et belle vie.

     Je me frotte les yeux, et me retrouve emmitouflé dans un lit de camp

    avec une fenêtre mal fermée, laissant passer à souhait tout le soleil du Tadjikistan dans notre baraque en bois ! Aucune salle d’eau dans ce baraquement.  J’attrape ma brosse à dents et me dirige en haut de la colline vers ce hangar ou réfectoire de l’hôtel. On m’indique qu’il faut aller 500 mètres plus bas, faire la queue avec les autres clients en plein rase campagne, pour trouver une salle d’eau.

    Rafraichi, je demande un petit déjeuner et remarque vite, un couple d’amoureux qui me regarde secrètement. Il a 60 ans, elle, 25 peut être. Je reconnais les fines moustaches du conducteur de la Mercedes noire, et m’installe directement à sa table en souriant.

     Voilà que la charmante jeune dame éclate de rire et me demande :

     « mais comment ? Vous nous avez reconnus ? Vous n’êtes pas fâché que nous ne nous soyons pas arrêtés ? »

    Au diable l’avarice et vive mes nouveaux amis. Plus tard, l’inspecteur principal de l’enseignement secondaire me prendra à bord de sa belle Mercedes.  On accompagnera d’abord madame à son école voisine à 20 kilomètres du village et il lui promettra de revenir comme d’habitude tous les 60 jours voler avec elle une nuit à la vie, dans cet hôtel du lac si loin de tout regard.

    Puis, nous prenons la route de Dushambe et il m’explique longuement l’origine du nom de sa capitale par une astuce culturelle.

    Si en occident, les jours de semaine dérivent du nom des astres (Lundi de la lune, mardi de Mars et mercredi de Mercure), les jours de le semaine au Tadjikistan dérivent du perse.  Au Lundi, Dushambe, de donner son nom à la capitale du pays .

     Tadjik = dushanbe (lundi), seshanbe, chorshanbe, panjshanbe, jum'a (vendredi), shanbe, yakshanbe (dimanche).

    Persan = do shanbe, se shanbe, chāhār shanbe, panj shanbe, jom'e, shanbe, yek shanbe

    Il faudra ainsi decliner toute une semaine pour bien comprendre que le tadjik dérive en partie du perse !

     Alexandre le grand qui passa par ces lieux, offrit son nom à ce lac Iskandar Kul  et nous invita, nous heureux voyageurs, à explorer ces splendides et mystérieuses contrées d’Asie centrale. Des contrées encore mystérieuses et si riches et attachantes!

    Adieu amis Tadjiks. Mais je sais que je reviendrai un jour!

    Gracias à la vida.     

  • Ta soeur n'est pas soeur et....

    Oh ! Temps suspend ton vol 

    .Sur la route d'Iskandar Kul. Suite . Drôle de surprise qui me rappelle la chanson de Brel, ta sœur n’est pas ta sœur et l’hôtel tant attendu n’est pas un hôtel.

    Mon cher ami rotarien de Dushambe, m’avait pourtant promis de trouver à Iskandar Kul un beau petit hôtel avec 10 chambres, climatisation, Wi-Fi et tout confort.

     iskanderkul4-4.jpg

      Je pense qu’il parlait d’un autre monde. Ici, ce n’est rien d’autre qu’un immense parking jouxtant un énorme verger en buisson. La première surprise est de retrouver parquée au centre de cette place la fameuse Mercedes noire qui ne daigna pas me prendre en stop.

    De l’autre côté de la barricade, un immense réfectoire d’internat avec une dizaine de tables éparses, offrant moult  tranches de pastèques rouges et des gâteaux secs. Un jeune barman, sera tour à tour le réceptionniste de l’hôtel, le distributeur de pastèque et le vendeur de cigarettes du restaurant.

    Il me ricane au nez quand je lui demande une chambre d’hôtel, sa réponse est laconique : « allez chercher dans les cabanes de la forêt celle où vous trouverez un lit libre. » Effectivement, une vingtaine de cabanes en bois abritent 6 lits superposés comme dans une caserne de soldats. Aucune n’est accueillante, ni par l’odeur, ni par le bruit.  

    Je laisse tout tomber et m’aventure à aller vers le but de cette visite, soit le lac d’Iskandar Kul.

    Il est là, silencieux et majestueux, lové dans le flanc d’une colline, éclatant par sa couleur, tour à tour émeraude et turquoise à nulle autre pareille.

    Toute une histoire ce lac !

    Son nom dérive de l'ouzbek Iskandar « Alexandre » et Kul « lac ».  A l'ouest du Tadjikistan, ce lac s’étale au mont Gissar au sud du Pamir. Son nom provient du nom d'Alexandre le Grand qui s'y rendit au moment de son expédition jusqu'aux Indes.

    Ovale, il est entouré de sommets à 2 195 mètres d'altitude et sa  superficie est de 3,4 km2 pour une profondeur maximale de 72 m.

    Soudain, une grande table en bois entourée de quatre banquettes jaillit de nulle part, avec cinq martiens attablés.

    Le premier, est de Berlin,  le second de Tel-Aviv, la troisième de Jérusalem, le quatrième de Marseille et le cinquième de Lausanne. Ils ont tous entre 25 et 30 ans et profitent d’une année sabbatique post-universitaire pour découvrir le monde à leur manière, en voyageant et en s’adonnant à la seule école qui vaille, l’école de la vie.

     

    Une deuxième bouteille de vin est ouverte puis une troisième et je m’évade soudain dans mes souvenirs. Je retrouve subitement, mes vieilles baskets, mes jeans râpés et mes 20 ans, chevauchant la cordillère des Andes de la Bolivie à La Terre de Feu , en passant deux nuits magiques où nous étions perdus à pieds (4 fous voyageurs solitaires, qui se rencontrent subitement au Machu Picchu) décidant d’aller à pied à Cuzco bravant avec une inconscience infantile la jungle, les serpents, les mygales géantes et autres  carnivores aux abois. Une folle aventure, à jamais en moi gravée. 

    @ suivre