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études

  • SACREE PARTIE DE BELOTE (4)

    DESTIN EPISTOLAIRE

     

     La pièce est assez sombre et la fumée dense ! Les fumeurs sont coriaces et leurs taux d’adrénaline grimpent au ciel sur les pas de sieur Belot! C’est la finale d’un long tournoi de belote. Il est minuit ! Déjà !

    Le premier joueur annonce un carré ! Le second surenchérit par un autre carré ! Le troisième annonce une tierce (pour sauver l’honneur) tandis que le 4e annonce « Cinquante » !

     

     

    Une page de vie ! Une soirée amicale à Tunis ! Un tournoi hebdomadaire de belotte !

    Les quatre annonceurs optimistes pensent que les trois autres bluffent et qu’ils vont gagner !

    Maître Sauveur Bessis (qui traduisit le premier en Tunisie, en 1956, des textes juridiques du français à l’arabe), Marcel Moatti (ami d’enfance de la famille), Dr  Claude Uzan (Rue d’Espagne) et mon père !

    Destinée : Les annonces sont dévoilées ! Papa était sur de gagner avec 4 dames (qui lui portent souvent chance) et c’est le Dr Uzan qui rafle la mise avec 4 As !

    Un apéro et une discussion très amicale suivront ! Le Dr Uzan demande à mon père :

    -          Qu’est donc devenu ton fou de fils qui a déjà achevé ses études pharmacie en Suisse l’an passé ?

    -          Il a décidé de s’improviser correspondant du Figaro de Paris et  de la Feuille d’Avis de Lausanne en s’installant à Bora Bora, au large de Tahiti et en couvrant au fait, trois îles du Pacifique : l’Australie, la Nouvelle Zélande et Tahiti. Il est fou !

    -          Plus de onze ans d’études ( deux études)  pour abandonner ce garçon dans les îles ? Faudrait trouver un moyen de le ramener au bercail mon ami !

    Fumant son petit cigare et cajolant son petit scotch, égrené de pistaches croustillante, Marcel Moatti dit alors à mon père, sur un ton monocorde et fluet :

     

    -          Aziz, comme le monde est bizarre ! Ton fils ne se décide pas à rentrer au pays et le Dr Uzan et son épouse veulent quitter définitivement la Tunisie , pour s’installer à Paris ! Je sens qu’il y a une providence, un destin entre ces deux chemins contraires

    -          Oui, Marcel, on reparlera demain à l’usine ! ( la SAF , savonnerie de Mégrine)

    Destinée bis : Quinze jours plus tard, je reçois une énième lettre de mon père à Sydney, chez une amie médecin, que je rencontre une à deux fois par mois, selon mes déplacements et qui a la gentillesse de canaliser mon courrier !

    Cette lettre était comme les précédentes ! Une montagne d’amour, d’Amour et encore d’Amour ! Juste un certain reproche qui n’en est pas un… « Penses un jour à revenir chez nous, tu nous manque. Ton père qui t’aime ! »

    Je lis toujours ce passage avec rapidité pour ne pas fondre en larmes et me torturer encore plus !

    Mais cette lettre avait un plus ! Un Nota Bene !

    NB. « Je t’ai acheté une pharmacie à Ben Arous ! La vieille pharmacie du Dr Rivca Scialom (juive Russe) épouse du Dr Claude Uzan ! »

    PS. 48 heures après réception de cette lettre je me suis décidé à rentrer enfin en Tunisie !

     

           Puisse un jour mon Père, mon Dieu sur Terre, le Premier de mes amis, écouter de loin mon murmure de    gratitude, d'Amour et de fidèleté à toutes ses valeurs humaines! Je t'aime Papa! Je t'aime!

                                  (Suite : Destin militaire forcé)

  • Tentative hélvète (3)

     DESTIN LAUSANNOIS

     

    Me voilà déjà à Lausanne, 24 heures après mon retour définitif en Tunisie !

    Une nuit chez l’aimable logeuse (grincheuse) de mon père à Lausanne !

    Armé d’une petite feuille avec un nom et une adresse (Professeur Girardet, Faculté de pharmacie, place du château) je sorti très tôt pour déambuler dans ces petites rues en toboggan ! Ici, le plat pays de Cologne fait place à une jolie ville en collines ou tout semble être peint, repeint, astiqué et nettoyé la veille !

    Il est déjà 9h00 et ce Dieu curieux appelé Hasard, le dieu des voyageurs, me guide face à une belle officine : la pharmacie du Théâtre, face au théâtre de Lausanne ! Une force mystérieuse m’aspira dans cet antre !

    Est-ce ma future profession ? La belle façade ? Le luxe du lieu ? Que sais-je encore ?

    Là, un silence à couper au couteau sépare une dizaine de clients aux quatre préparatrices (ou nones) en blouse blanche ! Chacun son tour calmement !

    Je regardais ce curieux manège et pensais à cet air aseptisé de ma nouvelle Suisse !

    Quand soudain un regard vert langoureux me ramena vers mon lagon de Bora Bora au large de Tahiti ! Elle avait déjà 30 ans et portait le blanc avec aisance et coquetterie ! Son chapeau beige accentuait son aura et attisait ma curiosité ! Futur petit étudiant (peut-être) à Lausanne je n’avais pas l’ombre de la chance d’une chance avec cette dame au saphir rutilant !

    LA providence débarque ! Le voyageur retrouve ses mots !

    Personne n’arrive à comprendre cette majestueuse et élégante cliente qui ne parlait… qu’allemand !  

    Sans trop réfléchir, je glisse derrière le comptoir et lui demande sans vergogne «  Wie kann ich Ihnen helfen Madame ? Ou, comment puis-je vous aider  Madame? »

    La vente plus facile ! Elle avait besoin d’un produit cosmétique qu’elle me montra du doigt sur un rayon jaune ! Sans gène aucune, j’attrape le produit, le glisse dans un sachet vert au nom du Dr Jean Pierre Rhein et la conduit courtoisement à la caisse, en la remerciant !

    Les quatre vendeuses ou préparatrices sont médusées et appellent délicatement de l’aide !

    Un intrus est dans la boite !

    Lunette d’écailles vissées au nez, petite moustache et œil sévère, l’Apothicaire me foudroie du regard et comprend toute la situation en une fraction de seconde ! La cliente sortie il me somme de le suivre dans son antre de bureau !

    -         Vous faites quoi en Suisse vous, pour servir si vite une cliente dans un lieu qui est étranger?

    -         Voyez vous Monsieur, j’ai simplement voulu me rendre utile et traduire le souhait de la cliente à votre personnel !

    -         Aha ! Aha ! Ok ! Et vous faites quoi en Suisse ?

    -         Euh… à vraie dire nous sommes peut-être un peu collègues !

    -         Dans ce cas on dit confrère mon petit !

    Son regard change, sa méfiance s’émousse et il commence à prendre l’intrus en sympathie !

    -         Et vous êtes déjà en quatrième, cinquième année ou en déjà au final ?

    -         A vrai dire Monsieur, je suis à Lausanne depuis hier soir, je loge à l’autre bout de la rue et je vais chez le Dr Girardet pour m’inscrire en pharmacie !

    Il voit rouge ! Il devient bleu ! Il crie et hurle : comment ! Vous n’êtes même pas étudiant en pharmacie et vous entrez chez moi comme dans un moulin et vous allez même jusqu’à vendre un produit à une cliente !!!

    Je ne savais plus comment boire ma honte ! Mais ! Mais ce monsieur me paraissait si attachant sous son air fougueux. Le voilà soudain qui décroche le téléphone et compose un numéro !

     Ce que je vais entendre changera mon destin. Encore une fois !

    -         Professeur Girardet, tenez vous bien, j’ai ici, dans ma pharmacie, un jeune maigrichon de Tunisien, qui prétend venir s’inscrire chez vous ce matin !

    -         Ah  bon…….. ! Oui, c’est ce qu’il me semblait. Les délais sont dépassés depuis deux mois et les cours comment déjà lundi !

    -         Ah bon ! Vous n’avez aucun rendez-vous  avec ce jeune ?

    -         Professeur, quelque chose me dit que vous devez le recevoir….

          Suit un long silence… le verdict du Directeur de l’Ecole de pharmacie Lausanne.

    -         Oui, c’est d’accord il viendra de ma part avec une feuille officielle et mon cachet !

    Dr Rhein me demande alors mon identité, rédige un petit mot avec un stylo à plume noire, le glisse dans une enveloppe blanche (qui me rappelle le vol SR242) et me la tend en me disant : « bonne chance petit ! Le directeur vous reçoit dans 30 minutes ! »

    Grand, placide, sans expression aucune, d’un âge avancé et peu disert monsieur Girardet  me reçoit au 4 place du Château, dans son petit bureau couvert et recouvert de vieux livres !  

    -Dites moi mon petit, comment avez-vous fais pour avoir l’appui et l’aval de mon ami le Dr Jean Pierre Rhein, Président du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens du Canton de Vaud ?

    Merci Bouddha ! C’est encore le destin et le « hasard-providence » qui me sauvèrent !

    Ce n’est pas la peine de chercher le chas de l’aiguille ! Moins de 48 heures après mon retour définitif en Tunisie, je suis officiellement inscrit à la Faculté de pharmacie de Lausanne, avec le droit de rentrer trois jours à Tunis pour préparer ma valise de « départ-arrivée-départ ».

    Ce que le destin a tracé est encore plus complexe !

    Après son doctorat, va-t-il rentrer ou reprendre les routes du monde ?

    Sept ans plus tard : quatre adultes jouent une dernière partie de belotte, à minuit, à Tunis…

    (@suivre : un carré d’as qui change la trajectoire d’un voyageur au Pacifique Sud)