LE SILENCE DE MINUIT
(5e et dernière escale à Miami). Il n’est que minuit. Que faire dans cette cellule américaine N° 609 qui n’a ni la fraîcheur de Rio, ni l’insolite de Brasilia et ni le danger de Santa Cruz, ici au cœur Miami, en Floride, à quelques encablures des plages heureuses, des restaurants bondés et des boites en fête ?
Anis, Monsieur 100 000 volts, ne tient plus en cage. Il zappe et trouve une chaîne de télé payante avec un nouveau film de Michael Douglas pour 9,90 $. Au téléphone, la standardiste de « l’hôtel-prison » nous rassure : même nous les résidents du 6e étage pouvons louer ce film, en venant payer à la réception de l’établissement les 9,90$ et un cautionnement de 100 $. Commence un interminable marchandage avec nos cerbères de nuit. J’en viens à regretter l’absence de mon second passeport avec visa US. Solidaire de mon fils, je voulais certes partager son sort. Au bout de 20 longues minutes, notre gardien obtient par téléphone l’autorisation de m’accompagner à la réception de l’hôtel, laissant Anis en otage chez son collègue. Un délice ! Une joie ! Un régal ! Quel beau film et quels acteurs !
A deux heures du matin il faut tout recommencer pour obtenir une nouvelle dérogation afin d’aller récupérer notre cautionnement de 100$.
La fatigue nous submerge après la détente du film. La tension nerveuse nous quitte et Morphée nous accueille à bras ouverts. Pour très peu de temps. Soudain, le bruit assourdissant d’une porte qui s’ouvre, une torche électrique nous aveugle et une voix rauque hurle :
"What’s your names ?" Il fallait s’assurer qu’aucun drap, transformé en corde, ne pende du 6e étage vers la liberté au cœur de Miami. Sans visa !
Toutes les demi-heures, le même manège se répète. L’homme, curieusement, s’adapte à tout. Un darwinisme rapide ou une simple acceptation des faits. La torche électrique devient petit à petit lampion de bal et la voix celle d’un soprano milanais…
7 heures du matin. Un café fumant et deux croissants dans un cornet gris, genre « boggie dog ». Mais c’est si bon…. Une longue, très longue douche et la chaîne CNN jusqu’à midi. Heure de quitter cette cellule avec oh ! Surprise deux jeunes charmantes escortes cubaines. Et de nouveau des kilomètres de couloirs, les formalités d’immigration et l’enregistrement sur le vol de la TACA. Quant tout est fini, c’est l’ultime stupeur. Nous sommes les premiers passagers à monter à bord de ce superbe Airbus flambant neuf. Nos accompagnatrices sourires aux lèvres remettent nos passeports et documents de voyage au commandant de bord en lui précisant qu’il ne devait nous les remettre qu’à notre arrivée !
Les hôtesses rivalisent de gentillesse avec les sans-papiers et leur champagne libère des milliers de bulles joyeuses et libres !
Adieu l’Amérique ! Que Dieu pardonne à Air Désolé (qui le sera peut-être un jour) ces 24 heures de détention à Miami !
Les voyages forment la jeunesse, dit-on….
© R.T.