BISSAU BY NIGHT
Il est minuit. L’heure du crime. Un homme s’avance un couteau à la main… pour… étendre du beurre sur un morceau de pain.
Mais en Guinée Bissau, parler de beurre et de pain est déjà un luxe. A minuit, on parle plutôt de sécurité. A minuit, Alex et moi-même décidâmes d’un commun accord de regagner nos pénates !
Une heure du matin. Un léger bruit suivi du choc d’une chaise qui tombe et me voilà attrapant sous le faisceau de lumière qui jaillit de ma torche, le fauteur de troubles. L’intrus. Celui qui osa pénétrer dans notre chambre. Sortant d’un sommeil profond et d’une fatigue certaine après une première tumultueuse journée à Bissau, mes paupières se font lourdes et ma cornée peu transparente.
Le fantôme qui vacille sous ma torche électrique est très curieux. Il ne sort pas des châteaux hantés de l’Ecosse profonde, ni du désert du Néguev, ni de la tumultueuse Amazonie. Chemise blanche impeccable, pantalon crème fraîchement repassé et chaussures vernies, le gentleman cambrioleur a en plus un sourire narquois.
Il eusse fallusse que je le susse (du verbe savoir) que ce jeune homme n’était autre qu’Alex mon compagnon de route.
Narguant le couvre feu, les centaines de kalachnikov qui se baladent dans la ville, les milliers de pistolets vendus sous le bras, les guet-apens pour cinq maudits dollars, Alex décide de vivre son Bissau by night. J’ai dû dire et répéter qu’il fallait faire attention et éviter les rues sombres. J’ai passé les deux plus longues heures de ma vie qui me rappelèrent un autre calvaire de cent minutes avec un autre compagnon de voyage.
C’était il y a quatre ans à Séoul. Nous rentrions de Chengdu, la capitale de la province du Sichuan en Chine. Dans cette mégalopole de près de 12 millions d’habitants à plus de 12 heures de train de Pékin, nous avons assistés pendant une semaine à une longue et incroyable procession bouddhiste ! Un régal de l’âme et du cœur !Une escale coréenne pour oublier la fatigue et découvrir plus tard la jeune héritière de la maison Samsung, dont la maman voudra…embarquer Nan ! Tout un poème !
Notre nouvel hôtel de Séoul tombe à pic pour réparer les affres et fatigues de notre pèlerinage, dans des conditions rudimentaires et ecclésiastiquement bouddhistes !
On avait par le pur hasard des voyages la plus belle suite de l’executive floor du Hilton Séoul à un prix défiant toute concurrence. Nan, mon fils et mon Body guard, perché sur son mètre quatre vingt quatorze, une casquette vissée sur la tête, décida à une heure du matin de rejoindre le quartier des GI américains dans les chaudes rues de Séoul.
Rien n’y fit. Aussi obstiné que son aîné, il me quitta pour aller vivre deux heures de folie et d’aventure qu’il gardera dans ses souvenirs profonds…
A demain au sein d’un gouffre humain…
(@ suivre)