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bissau

  • Un restaurant bien particulier… (9e, fin!)

    Resto-couloir

     .

    Le dernier soir de notre séjour guinéen se veut familial. Monsieur le ministre des Affaires étrangères nous invite à dîner au restaurant de son épouse.

    L’entrée se fait par la porte du garage. Ce garage se transforme soudainement en couloir interminable, parsemé d’une dizaine de tables rondes bordées de chaises en plastique blanc. La table d’honneur nous est attribuée et je me fais un devoir d’inviter le fils aîné du diplomate auprès de nous. Tantôt au four, tantôt auprès de ses clients, madame l’épouse du ministre a un gentil mot pour tous ses convives. La lumière est blafarde et les mets épicés et délicieux. Les brochettes de poisson sont royales sans gravitude aucune et les pommes frites plus françaises que les belges.

    Un inoubliable dîner qui en plus nous sera servi avec 20 % de réduction.

    Les temps sont durs et quand on est un haut commis de l’Etat non corrompu on préfère arrondir ses fins de mois en faisant travailler son épouse au four et au couloir…

     

    Adieu Guinée Bissau. Adieu terre de cajou, de crevettes, de pauvreté, de misère et de détresse. Quarante ans de guerre sont déjà de l’histoire ancienne. Une génération nouvelle décide de reprendre le pays en main et de l’imbriquer dans le cortège des nations.

     

    Puisse votre volonté et votre amour du pays sortir cette si belle Guinée Bissau de son gouffre profond, l’ouvrir au monde et savoir enfin la gérer avec éthique et raison !  

    R.T.

     

  • Une croix blanche (8)

    hôpital 

    mISERE, DETRESSE

    ET 

    abdication

     .

    Cette matinée est à marquer d’une croix blanche. Dans ma vie de bourlingueur, de voyageur et d’aventurier, j’ai croisé plus d’une fois madame misère, à l’instar de ma première léproserie à l’âge de vingt ans à l’île de Moorea, au large de Tahiti.  Un choc qui, à ce jour, me fait trembler d’effroi et de peine.

    Ces mains transformées en menottes, ces jambes en cul de jatte et ces visages en parchemin déformé, formèrent et hantèrent durant de longues années mes cauchemars.

    Ce matin, notre guide des Affaires étrangères nous dépose à l’hôpital régional de Bissau. Ici la misère humaine dépasse hélas la fiction pour sombrer dans la réalité. Imaginez une ancienne caserne portugaise aux murs épais et délabrés où la forêt vierge a envahi chaque pouce de terrain. Imaginez des salles- hangars où le seul luxe offert aux malades est une banquette branlante des années cinquante. Imaginez une odeur pestiférée qui pénètre vos narines, envahit vos poumons et s’incruste à tout jamais dans vos neurones. Imaginez des centaines de patients jonchés à même le sol face à ces bâtiments trop pleins. Le premier s’arc-boute à sa mère, le second s’attache à son père, le troisième aux yeux rouges de fièvre et au teint blafard abandonne sa tête sur un tronc d’arbre. Le spectacle est saisissant et chaque cas humain est une horrible page de vie. Une misère noire dans un pays bien noir où les noirs loin d’être rois sont les sujets de sa majesté Maladie.

    Arrive monsieur Juanito, un stéthoscope autour du cou. Sa blouse fut, un jour, blanche, son regard a dû briller un soir et son sourire est hélas resté au vestiaire de l’hôpital.

    Monsieur le directeur de l’hôpital commence une visite en allemand châtié, ancien diplômé de la DDR (ancienne république de l’Allemagne de l’Est), il croule aujourd’hui sous la chape de la honte, de l’oubli et de la maladie. Comment oublier, dans la salle B, le trésor du docteur Juanito. Là, trône au centre d’une pièce grise les trois instruments les plus modernes de cet hôpital de Bissau : un vieil appareil de radiographie, deux stéthoscopes jeunes de dix ans et une balance roverbal pour peser je ne sais quelle famine. Où sont les scanners, IRM, échographes et simples chaises roulantes qui meublent, aujourd’hui, la totalité des hôpitaux des pays qu’on appelle occidentaux ?

    Pedro, un rachitique malade de 40 ans tourne de l’œil devant nous et s’affale à même le sol.

    Son regard est révulsé et sa maigreur moribonde. L’infirmière bien en chair toute de rouge vêtue lui jette un regard réprobateur et l’enjambe sans autre formalité. Moi-même, qui suis pourtant habitué à tant de misère humaine et aux malades que je côtoie dans ma profession, je me retiens de ne pas succomber à la nausée, à l’étourdissement et aux cris de rage vis-à-vis des responsables du pays qui gardent secret le pétrole qui serait pourtant le grand bienvenu.

    Puissent un jour les Grands voyageurs du monde rassembler un demi million de dollars et les confier par exemple à notre cher Cigéviste et chirurgien bénévole le professeur Nardo Jardina. Nardo, qui a l’expérience des hôpitaux africains saura quitter pour un certain temps ses douces cliniques de Bologne, attraper ce vœu au vol et honorer peut-être l’espoir des Grands voyageurs, de doter Bissau d’une clinique nouvelle qui sauverait peut être des centaines, voire des milliers de vies humaines.

    Par la voie d’Astrolabe, Nardo cet SOS t’es lancé ! Pense à notre campagne pour le Tsunami où nous avons récolté 78 000 euros en quelques jours à peine…

     

    à suivre: Un curieux Resto-couloir-jardin-

  • Le Rottweiler de Bissau (7)

    Un Rottweiler

    libanais

    en Guinée

     

    Dans ma vie de voyageur, ma seule réelle extase, joie et plaisir est et restera le contact avec l’Autre. Que n’ai-je fait pour entrer chez telle ou telle personne ? Que n’ai-je imaginé pour découvrir le giron de l’autre. A chaque fois, la découverte d’un personnage, d’une famille, d’une maison ou d’une maisonnée est un voyage gravé en lettres d’or dans ma mémoire de baroudeur.

    Tout cela me vient sûrement de mes 16/20 ans où j’ai eu la joie de découvrir 53 pays en auto-stop. Faire de l’auto-stop, parler certaines langues et avoir très peu d’argent, implique la prolongation du stop par un séjour, même furtif, chez le propriétaire du véhicule. « Enfant, père de l’homme » certes, enfant je suis et je resterai, à découvrir les yeux écarquillées « la vie de l’autre » et la chance m’a toujours souri.

    Même cette nuit à Trinidad et Tobago où, arrivés avec cinq heures de retard, nous eûmes droit à zéro taxi, zéro bus et zéro navette pour quitter l’aéroport et rejoindre la ville à quatre heures du matin. Soudain, il s’avança.

    Son pistolet pendouillait sur son côté gauche et son chapeau cachait ses yeux. Son étoile d’officier de police brillait sur sa poitrine et son alcool sentait à quelques kilomètres. Apprenant notre petit drame, il nous propose tout de go de venir passer la nuit chez lui. Une heure plus tard, la maison de notre hôte commençait à recevoir des cow boys hirsutes, maléfiques et bien louches. Sommes-nous dans un centre de vente de blanche, de traite de blanches ou de simples contre bandes ? Une seule issue à ce manège, boire un bon café et passer la nuit, éveillés, auprès de cette faune insolite et incroyable.

    Ici à Bissau, la fièvre de l’autre, la curiosité du gîte de l’autre et l’envie de découvrir l’antre de la boutique, nous pousse encore une fois à sonner à la porte d’une belle villa.

    Deux voitures immatriculées en Suisse, une blanche Mercedes et une noire BMW jurent avec le cadre guinéen. Je ne peux m’empêcher de chercher à savoir qui habite cette baraque. Alex a beau me freiner, mais mon pouce trouve rapidement le chemin du bouton de la sonnette. Une jeune demoiselle de 16 ans, toute de rouge vêtue, me reçoit dans un salon ventilé et ombragé. Son papa libanais est un des plus gros hommes d’affaires du pays. La pêche est sa chasse gardée.

    En sortant de cette maison, deux Rottweiler puissants attirent le regard d’Alex.

    Nous voilà installés dans la maison d’en face, face à deux bières locales bien fraîches et savoureuses. Amine et John, deux cousins libanais, vivent entre Dakar, au Sénégal voisin, et Bissau. Ils font commerce de tout bois et vendent à ce pays toute bricole indispensable, de la torche électrique au réfrigérateur en passant par les tables et les lecteurs de cassettes. Ces jeunes Libanais de 25 ans sont la représentation même de la diaspora libanaise qui envahit le continent. Aujourd’hui, la majorité des commerces africains sont pris en main par les Libanais. Ils raflent tout, prennent tout et réussissent en tout. Phéniciens plus que jamais, ils gèrent tout un continent.

    Que dire de ce petit Liban qui vient d’avoir une amorce de dialogue en juillet 2007 à Paris pour retrouver une paix oubliée ? Que dire d’un petit pays de 10 000 km² et de 3,5 millions d’habitants, dont la seule diaspora brésilienne compte plus de 6 millions de libanais ? Imaginez le reste…

    Demain est un autre. Le jour d’un plongeon médical…

                                                                                                                         (A Suivre)
  • Il est minuit. Un homme s’avance… (5)

    BISSAU BY NIGHT

     

    Il est minuit. L’heure du crime. Un homme s’avance un couteau à la main… pour… étendre du beurre sur un morceau de pain.

    Mais en Guinée Bissau, parler de beurre et de pain est déjà un luxe. A minuit, on parle plutôt de sécurité. A minuit, Alex et moi-même décidâmes d’un commun accord de regagner nos pénates !

    Une heure du matin. Un léger bruit suivi du choc d’une chaise qui tombe et me voilà attrapant sous le faisceau de lumière qui jaillit de ma torche, le fauteur de troubles. L’intrus. Celui qui osa pénétrer dans notre chambre. Sortant d’un sommeil profond et d’une fatigue certaine après une première tumultueuse journée à Bissau, mes paupières se font lourdes et ma cornée peu transparente.

    Le fantôme qui vacille sous ma torche électrique est très curieux. Il ne sort pas des châteaux hantés de l’Ecosse profonde, ni du désert du Néguev, ni de la tumultueuse Amazonie. Chemise blanche impeccable, pantalon crème fraîchement repassé et chaussures vernies, le gentleman cambrioleur a en plus un sourire narquois.

    Il eusse fallusse que je le susse (du verbe savoir) que ce jeune homme n’était autre qu’Alex mon compagnon de route.

    Narguant le couvre feu, les centaines de kalachnikov qui se baladent dans la ville, les milliers de pistolets vendus sous le bras, les guet-apens pour cinq maudits dollars, Alex décide de vivre son Bissau by night. J’ai dû dire et répéter qu’il fallait faire attention et éviter les rues sombres. J’ai passé les deux plus longues heures de ma vie qui me rappelèrent un autre calvaire de cent minutes avec un autre compagnon de voyage.

     C’était il y a quatre ans à Séoul. Nous rentrions de Chengdu, la capitale de la province du Sichuan en Chine. Dans cette mégalopole de près de 12 millions d’habitants à plus de 12 heures de train de Pékin, nous avons assistés pendant une semaine à une longue et incroyable procession bouddhiste ! Un régal de l’âme et du cœur !

    Une escale coréenne pour oublier la fatigue et découvrir plus tard la jeune héritière de la maison Samsung, dont la maman voudra…embarquer Nan ! Tout un poème !

    Notre nouvel hôtel de Séoul tombe à pic pour réparer les affres et fatigues de notre pèlerinage, dans des conditions rudimentaires et ecclésiastiquement bouddhistes !

    On avait par le pur hasard des voyages la plus belle suite de l’executive floor du Hilton Séoul à un prix défiant toute concurrence. Nan, mon fils et mon Body guard, perché sur son mètre quatre vingt quatorze, une casquette vissée sur la tête, décida à une heure du matin de rejoindre le quartier des GI américains dans les chaudes rues de Séoul.

    Rien n’y fit. Aussi obstiné que son aîné, il me quitta pour aller vivre deux heures de folie et d’aventure qu’il gardera dans ses souvenirs profonds…

    A demain au sein d’un gouffre humain…

                                                                (@ suivre)