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bissau - Page 2

  • Arrivée en Guinée(2)

    Bissau du bout du monde

    L’arrivée guinéenne commence par un problème de taille. Le logement. Comment trouver toit et fourchette dans un pays qui ne connaît qu’un seul et unique hôtel pour hommes d’affaires et diplomates de tous poils où la plus petite chambre coûte autant que le salaire annuel d’un autochtone ?  

    Refusant de nous faire plumer à l’arrivée, nous demandons à notre charmant hôte de nous faire visiter le centre ville pour y dénicher un éventuel logement. Aussitôt dit aussitôt fait, nous voilà reçus par un quinquagénaire de 120 Kg, ancré dans un bureau de 3 m². Les livres, factures, cahiers et carnets se chevauchent, s’imbriquent et arrivent même à garder un certain équilibre malgré une hauteur de 60 centimètres. Le clou de ce bureau est un ordinateur portable qui doit être le dernier gadget du pays. La page bleue de Microsoft ignore les frontières de la Guinée Bissau et s’implante derechef chez notre libanais propriétaire du grand hôtel de Bissau riche de cinq chambres.

    La suite royale numéro 1 nous est allouée pour la modique somme de 40 dollars la nuit, soit à peine deux mois de salaire d’un ouvrier... Deux petits lits avec un matelas en mousse trônent dans une chambre bien vide. Le plafond est bas et les murs, délabrés. L’humidité tropicale dotera ces mêmes murs de précieuses sources thermales. Champignons et moisissures se bousculent au portillon. L’insolite est certes la salle de bain. Une énorme pièce de dix m², toute de faïence blanche vêtue. Au fond, un pommeau de douche se lamente tristement pendu à un vieux caoutchouc qui du gruyère a toute l’apparenté. A l’autre bout de cette pièce, un évier aussi blanc que neige (oh miracle !) attendra vos ablutions matinales et vous évitera faute de glace ou de miroir de voir votre mine fatiguée. Luxe suprême, un petit paillasson d’osier se veut la seule et unique décoration de notre chambre d’hôtel dite suite royale n°01 !  

    Qu’est ce qui rend la Guinée Bissau aussi pauvre et si délabrée ?

    (@ suivre)

  • Possible impossible !

     

    Le conseiller du Roi

     

     

    Quand le possible affronte l’impossible, pour se retrouver dans un impossible déclaré, il ne reste plus qu’à foncer autrement. Sans réfléchir. Dromomane le voyageur est un être particulier, qui ne connaît ni frontières, ni tabous, ni impossible. D’ailleurs ce qualificatif est-il bien français ?

    Un jour, en quête d’une destination nouvelle et exotique, impossible et compliquée, j’ai choisi avec mon fils Alex, en 2006, d’affronter un pays fermé depuis 30 ans, pour cause de guerre civile. D’aucuns évoquèrent les millions de mines antipersonnelles enfouies dans les rues et chemins de ce pays. D’autres essaient de me persuader d’oublier ce pays qui ne compte pas un seul hôtel. D’autres enfin me souhaitent bonne chance avec un sourire narquois et moqueur en évoquant l’impossible visa d’entrée.

    Je découvre, hélas, que non seulement impossible n’est pas français, mais encore moins allemand, chinois ou même grec. Il m’est impossible de trouver un contact, un logement et surtout un visa pour ce pays d’Afrique profonde. Pour garder le moral, nous décidâmes de coupler l’impossible pays à un second pays lusophone. Le Cap Vert nous ouvrira une voie royale sans gravitude aucune vers ces îles de rêve et d’évasion bercées par la voix de la divine Césaria Evora.

    La nuit apporte conseil dit-on ! Cette nuit agitée et mouvante accoucha d’une idée. Comme toute idée, elle est simple et toute bête. Comment n’y ai-je pas pensé plutôt ?

    Tôt le matin, après mon jogging matinal, je commence une valse téléphonique, scrutant tous les étages de La BAD. Au bout de 60 minutes à peine, je suis enfin avec la secrétaire particulière du représentant officiel de la Guinée Bissau auprès de cette Banque Africaine  de Développement.

    Ayant réussi à la faire rire, elle devint loquace, mais ne comprenait toujours pas pourquoi je voulais aller en Guinée Bissau. Un pays en ruine, un pays en guerre, un pays fermé, un pays cloîtré, qui reçoit moins de 500 visiteurs par an et qui, comparés aux 75 millions de visiteurs de France ne représentent peut-être qu’une gouttelette dans un lac collinaire du beau jura français.

    Ma journée est sauvée. J’avais enfin là, face à moi, sur une feuille, le nom, l’adresse et le téléphone d’une dame à Bissau que je pouvais directement contacter par téléphone pour qu’elle m’aide à visiter son pays.

    Aussitôt dit aussitôt fait, la dame s’avère d’une gentillesse exemplaire et d’une rare hospitalité.

    Elle me dit tout simplement : « puisque vous venez de la part de la BAD , je serai à votre service ». La communication téléphonique est si mauvaise que nous fûmes interrompus plus de cinq fois. Elle tenait à connaître ma fonction au sein de cet organisme auquel je n’appartenais pas. Pour couper court je lui répondis que j’étais journaliste, certes, et que je comptais plusieurs amis auprès de cette banque. Elle commence par me donner le téléphone cellulaire de son cousin qui n’est autre que le consul général de la Guinée Bissau à Dakar, au Sénégal. Elle me demande enfin de la rappeler demain pour lui donner mon plan de vol entre le Cap Vert, la Sénégal et la Guinée Bissau. J’ai hélas mis trois jours pour mettre au point ce petit périple et lui communiquer mon heure d’arrivée en la priant de me réserver une chambre d’hôte faute de chambre d’hôtel (inexistant au pays !) et de m’envoyer, si cela était possible, un petit frère africain ou une cousine éloignée pour me recevoir à l’aéroport. Une bouteille à la mer.

    Le consul était si heureux de recevoir un ami de sa cousine, qu’il nous offrit un visa de courtesy à double entrée et gratuit. Les péripéties se suivent et ne se ressemblent pas. L’arrivée à Bissau est lunaire, voire martienne. Un petit coucou des années cinquante, reliquat de l’armée russe qui soutint la révolution du pays, maintient encore une navette quotidienne entre Dakar et Bissau. Sa sainteté le Pape a dû de son lointain Vatican bénir l’oiseau de fer pour qu’il ne crash pas aujourd’hui.

    Imaginez un tarmac de terre battue, une forêt aussi vierge que la plus vierge des vierges, une humidité à couper au couteau et une dizaine de badauds qui court derrière l’avion qui atterrit.   

    Ansumane grand, élégant et altier, son excellence, l’ancien ministre des affaires étrangères de Guinée Bissau nous attend au pied de notre jet avec une ardoise blanche portant trois lettres magiques B.A.D.  Face aux courbettes de la cour de l’aéroport, je compris que le personnage était de taille, mais ne comprenais surtout pas pourquoi il était là à nous attendre ! Je croyais comprendre, hélas, et ne voulais pas comprendre, mort de honte ou de confusion, mais les dés étaient jetés. Bouddha en a voulu ainsi et les Dieux de l’olympe nous ouvrent une arène vertigineuse, énigmatique mais accueillante.

    A la guerre comme à la guerre, jouons la paix avec son excellence et acceptons le titre que je vois venirMon 185pays visité promet d'être chargé d'aventures...caramba!

    - « Monsieur le conseiller du Président, permettez au représentant de votre banque de vous souhaiter la bienvenue en terre de Bissau ».

    - « Monsieur le Ministre, Monsieur le représentant de la BAD , permettez-moi de vous apporter le salut de Carthage, une terre de trois mille ans d’histoire et plus vieille encore, puisqu’elle donna son nom au continent qui nous réunit, l’Afrique. » 

    Impossible voyage devenu possible, qui par la grâce des Dieux reçoit une bénédiction nouvelle. La manne de l’Afrique équatoriale. De l’eau sous un soleil ardent. Une pluie torrentielle et bien chaude. Imaginez la seule route asphaltée du pays reliant l’aéroport à la capitale. Imaginez la joie de centaines d’enfants et adolescents qui peuvent enfin faire d’une pierre deux coups et même trois.

    Imaginez une horde de petits noirs aux visages illuminés par un bonheur subi, qui se payent un marathon, sur la seule route asphaltée du pays.

    La cause est noble et joyeuse. Par ce marathon, ces jeunes se paient le luxe d’éviter les nids de poules et d’éléphants, d’éviter les mines antipersonnelles, d’éviter la boue et les serpents, d’éviter les fourmis voraces et les bestioles sanguinaires et de prendre enfin une douche salvatrice. C’est que ces enfants, armés de quelques grammes de savon vert sont en train de se doucher gratuitement dans la plus grande salle de bain du pays. La route asphaltée. Mieux encore, ces enfants se paient une séance de sport à nulle autre pareille, et gardent au zénith un moral d’enfer qui les éloigne de la pauvreté, de la misère et de trente ans de guerre civile qui semblent enfin se terminer.

    Commence alors une véritable épopée ou Darius le Grand de sa perse lointaine, tout comme D’Artagnan de nos livres d’enfant, Alexandre le Grand de sa légendaire Macédoine, Ronbinson Crusöe de son archipel de Juan Fernandez où même hélas Don Quichotte de la Manche qui brasse du vent, sans même le toucher. Pétri de tous ces personnages légendaires et bien réels, j’affrontais une épique semaine où tout un pays décida qu’il recevait le « Conseiller du roi ».

    Tout cela n’est hélas, pas facile à gérer, comment contenter le ministre de l’économie sans déplaire à celui de la santé ? Comment accepter de déjeuner avec l’un et de prendre seulement un thé avec le second ? Comment laisser le temps au troisième, le ministre de l’agriculture d’organiser une séance de travail avec 20 collaborateurs et qui en plus tient à nous guider vers sa dernière œuvre, l’ébauche d’un pont et un peu plus loin, celle d’un quai qui recevra la cueillette d’une mer aussi fertile et poissonneuse que la partie archipel de la guinée Bissau.

    En quelques jours, notre guide et ami, devenu du reste Cigéviste aura réussi par sa diplomatie innée à contenter tous les ministres du gouvernement en leur présentant le « conseiller du roi ».

    j’ai eu beau expliquer que je n’avais aucun salaire de cette banque, que je n’étais pas rattaché à cette banque et que je n’étais qu’un ami à plusieurs responsables de cette banque, peine perdue le peuple de la Guinée a décidé qu’il recevait le conseiller  du roi.

    Mea culpa, mea maxi culpa, grande banque africaine, je le jure devant Dieu et tous ses prophètes et même devant le Messie ou Mehdi l’attendu, que j’ai défendu en mon âme et conscience la probité de votre entité et me suis juré d’être le nouvel ambassadeur de la Guinée Bissau auprès de mes innombrables amis de la planète.