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  • Que serait l’Amérique aujourd’hui sans l’apport du peuple noir ?

       Une chaloupe

      pour  Dakar

     

    La chaloupe est déjà au port. Envoûtés encore par l’histoire de cette île, sur la terrasse d’un café en fin de journée, nous buvons tranquillement un grand Perrier où flotte une fraîche jaune rondelle de citron. Un marchand de carapaces de tortues, filiforme et altier, essaie de nous vendre sa marchandise pour 10.000 CFA, soit 22 euros env. La carapace est belle, certes, mais elle paraît bien malheureuse devant ces belles carapaces de tortues antillaises vendues avec des têtes et des pattes incrustées.

    Le bruit du silence de cette terrasse couverte de rouges bougainvillées et de frangipaniers eux- mêmes encerclés de longs palmiers, continue à nous faire voguer dans la tumultueuse histoire de l’île de Gorée.

    Ce soir, au bord de la corniche dakaroise, nous retrouvons nos amis au Restaurant Lagon II qui a l’avantage d’être couvert par rapport au Lagon I qui est à ciel ouvert face à l’Atlantique. Un « Djamangam » ou bonsoir amical est échangé entre les hôtes. Un bébé thiof (prononcer « tchof ») de 30 cm de long est le poisson du jour proposé.

    Une chair de poisson succulente et fondante, d’une fraîcheur certaine, accompagnée d’un épicé « atiéké » ou genre de couscous à base de manioc et d’un petit taboulé libanais , le tout arrosé d’une abondante eau Contrexéville qui aura fait un bon long voyage de Marseille à Dakar pour arriver à notre table. Le restaurant est au grand complet. Le soir, les Dakarois, ont une vie nocturne bien remplie et les restaurants sont en principe le commencement d’une belle soirée dans cette capitale qu’on ira découvrir ensemble.

    Dakar ou la ville aristocrate de l’Afrique, la ville culturelle du continent, la ville à haute éducation et raffinement ! Dakar la mal éclairée, aux rues souvent étroites et mal asphaltées et aux nombreux mendiants souvent mutilés. Dakar aux beaux hôtels de luxe, à la grande élite intellectuelle et centre de siège d’organismes internationaux africains comme la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique Occidentale) par exemple !

    Dakar est le mélange de tout cela et bien plus encore. C’est une capitale au charme discret et rêveur. Une ville de gaieté et de bonne humeur où l’habitant est doté d’une très grande générosité, bonté et joie de vivre. Une ville très française où il fait bon vivre, avec une monnaie CFA (devise !), un brassage énorme d’ethnies et de civilisations, une vraie plaque tournante de l’Afrique Sud- Sahara... Mais pour les Dakarois, la chéreté de la vie, la sècheresse du Nord et le très grand nombre de chômeurs sont-ils des problèmes insolubles ? C’est ce que nous allons essayer de découvrir ensemble.

    Dans un café très français, avec des mille-feuilles bien français et un café au lait dit « renversé » bien chaud, on se croit dans une ville de la « métropole ». Devant la place de l’indépendance, s’installe un podium pour la cérémonie d’arrivée des héros du Paris- Dakar 86, sur lequel plane la grande ombre de Thierry Sabine qui vient d’achever de nuit sa carrière dans une malheureuse dune de sable, en hélicoptère... Il est 8h30 du matin, je dois m’activer pour notre congrès Kiwanis, regroupant la majorité des pays du continent. Le Président Abdou Diouf en visite à l’étranger a bien voulu nous déléguer un tout nouveau ministre (depuis le 2 janvier courant !), celui de la condition Sociale, Madame Le Guen. Ce 18 janvier sera marqué d’une pierre blanche dans ce club- service humanitaire international, par la naissance du futur District Afrique Kiwanis...

    Où sommes- nous donc et quel est cet accueillant pays ?

    La vie sénégalaise

    Près de 6,5 millions de Sénégalais vivent au sud du fleuve Sénégal, en Afrique Occidentale, sur un territoire de 197 000 Km², soit 1,2 fois la superficie de la Tunisie. Ce pays tropical et plat voit sa population groupée sur le littoral et dans la vallée du fleuve.

    Au départ, au XIVè siècle, le Sénégal était englobé dans l’empire du Mali. Un siècle plus tard, les Portugais s’installent à Rufisque en ouvrant un comptoir à eux. Encore un siècle plus tard, arrivèrent les Hollandais qui baptisèrent l’île d’esclavage de Gorée, jusqu’en 1854 qui voit le Général Faidherbe amorcer la colonie française qui commença par la fondation de la ville de Dakar, 3 ans après.

    C’est enfin en 1958 que le Sénégal quitte l’A.O.F (Afrique Occidentale Française) pour une autonomie suivie deux ans plus tard d’une union avec le Mali qui enfante la Fédération du Mali ...qui ne vivra que de juin 1960 au mois d’août de la même année. C’est alors l’ancien TOM (Territoire d’Outre- Mer) français qui devient une République conduite par le très sage Léopold Sédar Senghor qui, en 1981, demande à Abdou Diouf de lui succéder.

    C’est le retour au multipartisme et le début, en 1982, d’une confédération avec la voisine et enclavée Gambie que nous avons visitée au précédent reportage.

    Aujourd’hui, Dakar continue à rester le centre du transit aérien et maritime entre l’Afrique, l’Europe, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud. Rome n’est qu’à 4000 km, New York à 5440, Rio à 4480 et Tokyo à 10 000 km. Le Concorde par exemple, à vitesse supersonique, connaît bien cette escale sénégalaise !

    Cette capitale de 1 500 000 habitants est le véritable centre économico- politique du pays qui relègue Saint-Louis du Sénégal à l’histoire ancienne.

    La Langue française est la langue officielle du pays après de langues indigènes comme le wolof, par exemple. 90% de la population du Sénégal est convertie à l’Islam. A ma très grande surprise, je retrouve la même foi assidue et la même croyance qu’à la lointaine île de Singapour ou encore en Indonésie, un des plus grands pays musulmans du monde de par le nombre d’habitants. On s’imagine à tort que l’Islam est limité dans les pays arabes. .. L’Islam est aujourd’hui implanté dans près de huit pays africains et surtout dans de grands pays asiatiques, en regroupant au total le quart de la planète, soit près d’un milliard d’adeptes ! Un des plus grands mérites du ¨Président Senghor qui fut un véritable père pour le Sénégal est d’avoir su rassembler les différentes ethnies wolof, sérère, toucouleur (du nord-est), peul et les ethnies du sud malinké et dioula, sans parler des groupes baїnouk, manjak et balante, en un seul peuple sénégalais !

    Il est temps d’aller déambuler dans les ruelles perdues de Dakar !

    @suivre

  • Périple africain (1)

    DAKAR

    Capitale de l’A.O.F.

     

     

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    Dakar. (Janvier 1986). Après une escale d’une heure à Casablanca, notre avion à la gazelle ailée continue son vol Tunis-Dakar dans un ciel bleu et dégagé. Attendu pour la première activité à un congrès africain Kiwanis, je vois à la descente même de la passerelle une pancarte avec ce nom d’organisme...

     

     

    On me prend rapidement hors des passagers pour me conduire au salon ... Le responsable du PNUD, Salif N’Diaye ne cessant de m’appeler Monsieur Kimanis au lieu de Kiwanis... finit par comprendre « notre » erreur mutuelle. Il ne restait plus qu’à rejoindre le groupe kiwanien qui m’attendait à l’aéroport au grand complet et dans une allégresse bien africaine et amicale. Le charme du voyage ne fait que commencer !

     

    Avant d’attaquer mes deux congrès dakarois, mes amis me proposent la visite de l’île de Gorée, pour pénétrer directement l’âme africaine du pays.

    Mon guide de la banque BCEAO range soigneusement sa voiture au parking de cet embarcadère, tout en glissant la pièce à un gamin à l’œil complice et à la main agile...pour retrouver à son retour, les essuie- glaces de la belle Mercedes à leur place !

    Dans les parages de ce port que j’ai admiré la veille du haut de l’hôtel indépendance furètent des vendeurs de toutes sortes. Ces parages portuaires sont riches en « rats du port » qui sont des jeunes pseudo- ouvriers qui savent délester certaines marchandises à quai... pour les vendre sur les trottoirs de Dakar. Chacun est gagnant est l’on ferme l’œil ! Le soir, tout le monde se retrouvera au quartier de la « Gueule Tapée ».

    Nous sommes ici en pleine péninsule du Cap Vert, sur un éperon rocheux en saillie sur l’Océan Atlantique. A l’emplacement d’un village de pêcheurs fut fondée en 1857 la ville de Dakar, pour devenir d’abord en 1902 capitale de l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française), puis en 1958 capitale du Sénégal. Nous y reviendrons.

    Une chaloupe embarque quelques deux cents personnes pour une traversée d’une vingtaine de minutes, vers l’île de Gorée.

    La seconde guerre mondiale a fait plus de vingt millions de victimes. Mais la traite des esclaves, transitant de cette île de Gorée et des capitales africaines voisines pour le nouveau continent aura fait près de 38 millions de morts et disparus ... et on l’oublie.

    Une île microscopique d’un autre monde et âge baigne dans un manteau de calme, d’ombrages fleurie et de quiétude.

    Les négriers

    A trois kilomètres de Dakar, vivaient 6000 personnes dont 5000 esclaves sur un îlot de 16 hectares. Cet îlot est le patrimoine de millions d’âmes disparues. En 1444 des navigateurs portugais découvrirent ce fortin naturel à forme incurvée.


    Un magnifique abri pour mouillage de navires. Les Hollandais suivirent en installant une base navale et en conséquence une plaque tournante importante pour le commerce des esclaves. L’appellation hollandaise de cette île fut Goede Reede (bonne rade), simplifiée en Gorée par la suite. Les Anglais et les Français prirent la relève des Hollandais jusqu’en 1848, date de l’abolition de l’esclavage. Abolition sur papier, hélas, puisque du Golfe Arabique au désert de Mauritanie, l’esclavage végéta encore pour ne pas voir une fin officielle aux confins de ce dernier pays qu’il y a10 ans à peine.

    Nous avançons lentement à travers une petite ruelle grimpante. Une grosse dame noire est assise au seuil d’un édifice ocre au jardin fleuri. C’est la responsable de cette abbaye perdue. Les lunettes suspendues au nez, elle lit avec calme et profondeur un récit des siècles passés, ces mêmes siècles qui ont vu ses ancêtres quitter l’île de Gorée sur de macabres négriers.

    Nous arrivons enfin à la « Maison des Esclaves », devenue un musée bien vivant. Pour la énième fois de cette semaine, ce noble conservateur noir se lance dans une tragique description de la traite des Nègres qui a fait de Gorée un super Auschwitz ou Dachau... Tous les murs de ce vide musée composé de cachots de toutes sortes sont tapissés de feuilles écrites à la main en hommages aux disparus.

    Avec mon guide, je grimpe vers la « Porte de la Mort »... je saute cette porte pour tomber deux mètres plus bas sur de grosses pierres noires que viennent lécher les vagues de l’Océan Atlantique. Ce sont ces mêmes pierres noires qui ont vu se fracasser plus d’un crâne humain à chaque départ de navire vers le continent américain.

    Le nègre enlevé de sa contrée lointaine et amené à Gorée, a encore une dernière chance de ne pas aller péniblement croupir, moisir et mourir sur les bateaux négriers, à l’instar du tiers des passagers.Ce nègre préfère se fracasser le crâne sur ces pierres noires qui rougiront l’Atlantique. Cette « Maison des Esclaves » qui a vu partir 600 000 fils d’Afrique, embarqués sur des navires négriers, respire par tous ses pores l’esclavage, la traite, l’indignité, la souffrance, la dégradation, les larmes et la mort.

    Charles Quint et le prêtre Las Casas qui, en 1517, lancèrent dans le monde la traite des esclaves noirs, doivent aujourd’hui se retourner dans leur tombe en ayant fait un total de 38 millions de victimes humaines.

    On vendait des hommes qu’on prétendait barbares en les troquant contre des produits venus d’Europe, comme les armes,l’alcool, le cuivre, les tissus et certaines pacotilles. Les esclaves qui ne mouraient pas dans leur funèbre cargo arrivaient en Amérique alourdis par leurs chaînes et boulets et amaigris par plus de 60 jours de traversée.

    Les crapuleux négriers poussaient le vice à trier les races quottées, à savoir les Yoroubea de l’ouest du Nigeria et de l’est du Bénin ainsi que les Mandingues du Sud Sénégal, de la Gambie et du Mali. Avec ces races, le vil négrier était sûr d’avoir choisit le bon nègre qui partirait en Amérique pour la construction de ce continent nouveau.

    @ suivre