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  • Lac Retba et rêves évaporés en 4*4

    Au pays du Lac Rose

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    3e escale sénégalaise ! Après la découverte de la très forte présence de l’Islam au Sénégal, la seconde surprise est de rencontrer encore tant de Blancs dans les rues. Ces Blancs sont répartis en deux groupes égaux en nombre.

    Le premier groupe blanc du Sénégal est bien sûr celui des Français. Français que l’on retrouve surtout à la tête d’industries, de départements administratifs, de grosses entreprises, d’hôtels et restaurants sélects et bien sûr à la tête de leurs propres entreprises privées. Ne parlons pas de tous ces Français venus s’installer temporairement à Dakar comme consultants, conseillers, experts ou coopérants ... De la famille Mimeran (sucrerie) à la famille Sarraut, les Français sont très bien intégrés aux Sénégalais avec qui ils vivent en parfaite symbiose et amitié.

    Près de 30 000 Libanais forment le deuxième groupe blanc et tiennent presque tous les commerces et restaurants du pays. Un Libanais qui s’étonnait de mon étonnement me répondit : «
    Nos pères ont quitter Beyrouth en faisant escale à Dakar pour continuer vers l’Amérique, mais l’escale ne se termina jamais.. ».

    La famille Bourgui, par exemple s’occupe d’hôtelleries, de transit et même de spiritueux en représentant une des plus grosses fortunes libanaises du pays. L’hôtel même où j’habitais (El Afifa) appartient à une dynamique et charmante Libanaise qui tous les matins s’en va visiter ses autres affaires au volant de sa grosse Mercedes, pour retrouver le soir son hôtel très bien tenu. Les belles Pizzerias, night- club et cafés sont encore tenus par des Libanais, sans parler des librairies et de tous les petits commerces. Mais de par tout ce sont les Sénégalais qui dirigent le pays, avec la coopération de ces deux dernières communautés.


    Est-il possible de parler d’étranger à Dakar ou au Sénégal en général, sans avoir le courage d’évoquer ses ombres voguantes et errantes dans les rues et boulevards de la capitale ? D’aucuns vous diront que ces estropiés, culs-de-jatte et lépreux guéris aux moignons saillants sont des réfugiés de certains pays voisins comme le Mali, par exemple. D’autres vous diront que ce phénomène de mendicité à Dakar, sous certaines formes errantes, s’explique d’une façon fort simple :

    Le nord du pays subissant une forte sécheresse envoie vers la capitale certains chômeurs ou désœuvrés qui trouvent rapidement une aumône charitable... et je pense à mon ami N’Diaye qui a constamment dans sa voiture une dizaine de pièces de monnaie qu’il distribue généreusement. Dans ce pays d’Islam, l’aumône reste très noble.

    D’autres part, la cherté de la vie est frappante en pensant au loyer, au litre d’essence à 350 francs CFA ou même à un simple café- crème dans un hôtel pour cette même somme ou presque un euro. Les salaires bien sûr ne sont pas très élevés mais les avantages administratifs sont nombreux.

    Le soir venu Dakar offre dans ses restaurants, hôtels et boites une vies très parisienne où le plus rare vin régional et eau minérale de France seront servis. Très joyeux de caractère, le Dakarois sera endosser le soir l’habit jovial pour écouter beaucoup de musique, rendre visite à ses amis et sortir souvent en charmante compagnie...

    A l’antipode de cette société nocturne, je ne peux oublier le jaune et rouge annuaire téléphonique du Sénégal à la page de la ville de Longa, ou un milliardaire homme d’affaire faisait suivre son nom, non pas de ses professions argentées , mais de titre de « Marabout » . Avec cette appellation « Marabout », nous rentrons dans un autre chapitre de la vie sénégalaise. Au Sénégal être marabout est une très grande marque de notoriété religieuse. Deux branches de confréries ou sectes existent aujourd’hui : les Maurides d’origine et de source sénégalaise, très actifs et dynamiques, et les Tijania, plus nombreux, d’origine Malékite venant de la région sud-algérienne du Jebel Amour, descendant du Cheikh Tijani, descendant lui-même du Calife. On ne peut apporter dans un reportage un quelconque jugement sur la vie des marabouts à moins de faire une profonde et studieuse recherche sur les us et costumes du pays. Remarquant simplement qu’au passé les marabouts ont joué un grand rôle pour la libération du pays et qu’aujourd’hui leur rang social est très respecté. Il est effectivement très difficile de cerner la croyance ou la mystique sénégalaise qui va de la religion bien sûr à certain gri gri et autres coutumes ancestrales. Toute description serait fatalement subjective, il faut vivre au Sénégal un certain temps pour s’imprégner de ses nobles coutumes profondément ancrées. D’autre part, ne parlons pas de maraboutage ou « Xondiom », un peu sorcier, qui a fait les frais, par exemple de la finale de la dixième championnat d’Afrique de basket ball féminin opposant le Sénégal au Zaïre... Nous entrerions là dans les méandres de gri- gri, de mauvais sort, de potion « safara », de fétiches « Juju » ou de mets très spéciaux. Cette parenthèse fétichiste n’est pas le sujet de notre reportage...

    Le lac rose

    En ce début d’après-midi, une petite heure de route et de sentier pour aller à 25 km de Dakar au Lac Rose. A ma grande surprise, je revois ici le lac d’Atika au Sud du Pérou avec cette même couleur rougeâtre qui donne au lac un air irréel. Sept millions de mètres cubes d’eau rose s’étalent dans un lac de 5 km ² et de 15 km de périmètre. Ce lac qui fut coupé de la mer par les dunes est incurvé dans une dépression inter dunaire. C’est la saison des pluies qui alimente ce lac en eau douce, mais cette eau dite douce est en fait une eau dix fois plus salée que la normale tout en atteignant presque la teneur en sel la plus forte du monde (420g /litre), celle de la Mer Morte. C’est cette forte concentration en sel, combinée à l’existence de divers micro-organismes en dépôt qui donne cette coloration rose aux reflets du soleil. Ce lac qui a pour nom véritable, « Lac Retba » est aujourd’hui exploité comme saline pour les habitants voisins. Ce ramassage quotidien du sel est un gagne- pain assuré. Mais il faut veiller à la sauvegarde de ce lac qui est sérieusement menacé de disparition. Monsieur Bakary Kanté, Directeur de l’environnement, ne cache pas son inquiétude en disant que le lac rose risque de disparaître plus vite que prévu si l’on n’y prend garde. Il faudra combattre la désertification, les dunes avoisinantes qui se meuvent et freiner peut être l’exploitation du sel.

    Toujours sous le charme de l’envoûtement de ce Lac et de ce pays, je commence à me laisser distraire par le vrombissement des pales de cet hélicoptère qui nous survole. Thierry Sabine n’est pas dans cet hélicoptère hélas ! C’est un de ses adjoints qui montre aux motos et voitures qui le suivent un chemin à travers les dunes pour arriver au Lac Retba, point final de la course Paris- Dakar et du coup me voilà complètement réveillé pour réaliser que des centaines de voitures des curieux sont déjà parquées autour de ce lac, que des kilomètres de banderoles de bienvenue sont accrochées de partout et que la joie et la fête font le décor de ce site.


    Par miracle, j’arrive à monter sur le podium en bois qui attend d’accueillir, en présence de Suzanne, la compagne de Thierry Sabine et de tous les organisateurs, les heureux gagnants. A un mètre de mon nez, le jeune et mince Cyril Neveu arrive sur son énorme Honda pour remporter sa quatrième victoire de Paris- Dakar. Plus loin c’est René Metge qui arrive dans une Porche ahurissante, inscrire une troisième victoire à son palmarès. Ce huitième rallye Paris- Dakar empreint une très grande émotion, ne sera à jamais oublié.

    Sur un territoire un peu plus grand que la Tunisie , vivent aujourd’hui 6,5 millions de Sénégalais en plein cœur de Afrique Occidentale. Le Sénégal reste synonyme de gloire africaine, de l’africanité, de la négritude, de la haute culture, du civisme et de la civilisation du continent africain.

    Dakar, au cœur de l’Afrique de l’Ouest, reste également une plaque tournante de ce continent tout en desservant par ses avions et navires l’Europe, l’Amérique et l’Asie.

    Le successeur du Président Léopold Sédar Senghor, le Président Abdou Diouf, assure la bonne marche de son pays dans une grande démocratie tout en faisant face à certaines difficultés conjoncturelles. Que sera le Sénégal demain.

    Ce matin nous sommes près du marché du poisson en bord de mer. En ce lieu, les ménagères viennent l’après-midi acheter les frais fruits de la marée à un prix imbattable. Cent mètres plus loin, c’est l’entrée d’un marché des mille et une nuits. Imaginez une centaine d’étales rustiques qui exposent tout ce que le Sénégal produit pour son ingénieux artisanat.

    Le marché

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    Les beaux sacs en crocodile sont étalés pêle-mêle à côté d’autres sacs moins beaux en peaux de boa. Un travail de génie donne à ces sacs une rare et élégante beauté. Plus loin, c’est un étalage de statues souvent en bois d’ébène. Ce buste de négresse de 80 cm de haut avec une poitrine ferme et provocante et des yeux langoureux me rappelle la statuette de la même grandeur que j’ai achetée au Port- au- Prince alors que Baby Doc était encore le maitre incontesté de Haïti la belle. Plus loin d’autres statuettes représentent des éléphants, des lions, des singes, des hommes et des femmes. Dans un autre étal, un marchand filiforme et d’âge avancé nous présente avec soin et amour ses ivoires. La première est une paire de défenses d’éléphant minutieusement travaillées. La seconde est une paire de défenses naturelles d’une beauté sauvage. Dans une autre échoppe, le vendeur de nacre nous propose des boutons de manchettes, des boucles d’oreilles et des colliers. Plus loin encore, le tailleur de jade expose ses merveilleux bijoux au vert éclatant. Dans une autre ruelle, c’est un marchand de bronze qui expose des animaux et des hommes dans des postures vivantes.

    De partout on ne risque rien de marchander jusqu’au tiers du prix aussi bien la carapace d’une tortue qu’une ceinture de crocodile, si le vendeur a son compte, il vous vendra. Pour le plaisir des yeux, le touriste ne pourra mieux trouver pour découvrir l’art du Sénégal.


    Comment vit ce pays de 12 millions d’habitants ?

    26% du PNB (Produit National Brut) vient de l’agriculture qui emploie 70% de la population et qui procure 40% des recettes d’exportations. Ce pays plat qui n’est heureusement que très partiellement un pays du Sahel dans sa région du Nord, a, au Sud, un climat tropical avec une Casamance très verte et fertile.

    Limité par l’Océan Atlantique à l’Ouest, au Sud par la Guinée- Bissau et la république de Guinée et au Nord- Est par la Mauritanie et le Mali, tout en enclavant à son Sud la Gambie , 21% des terres agricoles sont cultivées en arachide, ce fruit curieux dont les graines sont appelées cacahouètes. Après fécondation, la fleur de cette plante s’enfonce dans le sol pour former le fruit. Ces arachides fournissent une huile utilisée en cuisine et en savonnerie et sont également consommées après torréfaction. Le Sénégal est le deuxième producteur mondial d’arachide par habitant après la Gambie. Le mil ou le millet est une céréale qui couvre 15% des surfaces cultivées. Le riz, les fruits tropicaux et la canne à sucre occupent le reste de ces terres cultivées.

    D’autre part, c’est la pêche qui forment 4% du PNB et la majorité de la production animale du Sénégal. Au large des côtes, le courant des Canaries et le contre- courant chaud équatorial font que les eaux territoriales du Sénégal sont extrêmement poissonneuses. Cette pêche qui couvre largement les besoins du pays est exportée vers d’autres pays voisins et vers certains pays de la CEE (Communauté Economique Européenne). En outre, les zébus à bosse, les ovins, caprins et bovins commencent un repli vers des régions plus humides comme la Casamance ou Ciné- Saloum.

    L’industrie

    Si l’on vous parle d’un taux d’inflation de 15% et d’un taux de chômage de 60% au Sénégal, détrompez-vous. Ce dernier taux est absolument faux. Il y a effectivement beaucoup de non actifs mais non pas de chômeurs. Le pays vivant au rythme des saisons de pluie ou de sécheresse, le paysan travaillera à la saison adéquate et sera plus au moins au repos pendant la saison d’après. Quand on sait que le Sénégal a 70% de sa population dans l’agriculture, on comprend aisément qu’il est faux de parler de taux de chômage.

    Aujourd’hui, le Sénégal avec un PNB de 730 US $ par tète et par an en 2006 (le tiers de celui de la Tunisie ), accentue, hélas, sa pauvreté par une sécheresse prolongée, une surnatalité et une dette extérieur très forte.

    La période difficile de 1980-84 est heureusement dépassée, avec les contraintes du FMI (Fond Monétaire International), en supprimant, par exemple,certaines subventions à des produits de consommation. Pour éviter tout débordement populaire, ces mesures ont été échelonnées dans le temps pour le sucre, l’huile et le riz.

    La terre Sénégalaise produit un riche phosphate des gisements de la région de Thiès. La production de 1,5 million de tonnes d’une réserve de 100 millions de tonnes est exploitée par le port de Dakar vers certaines capitales européennes. Quand au gisement de Pallo, il est le seul gisement mondial de phosphate d’alumine avec des réserves de 50millions de tonnes.

    Sur le plan du textile, le Sénégal a le potentiel le plus important d’Afrique Noire francophone avec exportations vers les pays voisins.

    Une zone franche industrielle, à la sortie de Dakar, est une base d’intérêt stratégique. Cette zone industrielle, dans la presqu’île du Cap Vert, dispose d’une infrastructure moderne et offre des avantages de premier ordre aux investisseurs étrangers. Le fleuve Sénégal est aménagé en aval par le barrage anti-sel de Diama et en amont, vers le Mali, par le barrage de Manantali qui produit un milliard de kWh par ans, sans parler de l’aménagement du fleuve Gambie avec un 3éme barrage.

    Le Sénégal se penche également sur l’exploitation possible de la tourbe énergétique absorbante le long de la côte Saint- Louis Dakar.

    La dette supérieur qui représente près de 50% du PNB, cumulée à la dette extérieure qui représente 25% du PNB demandent toutes les deux une grande vigilance des économistes et un ré- échelonnement du remboursement.

    L’appartenance à la zone franc garantit la monnaie de l’Afrique occidentale, le franc CFA qui vaut deux centimes.

    Plan Quinquennal

    Le tourisme enfin qui représente déjà 3% du PNB tend à accroître rapidement sur les très belles plages de ce pays. Le Président Abdou Diouf, qui parallèlement préside d’une façon très efficace l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), compte beaucoup sur le 7ème Plan de Développement Economique et Social1985-89 pour le redressement économique du pays avec un taux annuel de croissance de 3,2%. Le Président Abdou Diouf a en outre le mérite, en dépit d’une situation sociale assez fragile, d’assainir, par exemple, les filières arachidières et céréalières.

    Cette politique de rigueur a sensibilisé les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et la France , par exemple, pour une nouvelle aide monétaire et une plaidoirie auprès du FMI.

    Selon un dernier rapport du FMI, le service de la dette atteindrait 64,5% du PIB(Produit Intérieur Brut), mais tous ces pourcentages ne peuvent effrayer les dirigeants sénégalais qui ont conscience de la non- richesse de leur pays et qui s’attèlent à un grand développement économique du Sénégal, en encourageant surtout l’exploitation d’arachides, des produits de la mer, tout en dynamisant sensiblement le tourisme et en catalysant la production de coton, de mil, de sorgho, de maïs, de riz et bien sûr de phosphate. Certes, le pays a des problèmes économiques concrets, mais la volonté politique et la foi des dirigeants sont là pour pallier à tous ces aléas.


    Adieu Sénégal

    Ce soir, nous irons dîner au restaurant vietnamien « La Baie d’Along » sur l’avenue Bourguiba. L’intérieur de ce restaurant est à l’image de la capitale. Le confort d’une vie douce, sans stress aucun. Un serveur en veste blanche nous présente la carte du jour en nous lançant un respectueux « Djamangam », bonsoir, suivi d’un révérencieux « Djenedjef », merci. A chacune de nos demandes, il noud répondait par un bref « Ouaou », ou oui affirmatif. Même le « Kani », harissa du pays, nous est servi en compagnie d’un riz sauté.

    Nos amis Grands Voyageurs nous parlent de la Casamance que nous n’aurons hélas pas le temps de voir cette fois et de son fabuleux parc national orné de palmiers, de cocotiers, de rôniers et même d’admirables et curieux fromagers dont les racines aériennes dépassent la taille d’un homme. Dans un parc national de Basse Casamance, l’oiseau « Calao » à casque jaune et l’aigle couronné « touracos » font partie des oiseaux de cette réserve. Le singe rouge ou vert, le buffle, l’hippopotame, la loutre à joues blanche, le serval, le léopard et la hyène tachetée forme cette faune exotique qui attire plus d’un touriste et qui nous fera revenir au Sénégal pour visiter la verte Casamance.

    L’harmattan se fera un vent plus clément, la teranga, hospitalité, sera de mise et le Sénégal sera plus que jamais, une Terre de rencontres et de Tolérance !

    R.T. 1986

    NB 2007 : soit 21 ans après la rédaction de ce reportage, quelques chiffres changent :

    Abdoulaye Wade, réélu en février 2007,  est confronté à l’âge de 81 ans à la même opposition qui lui reproche une dérive autoritaire et un manquement social évident ! Le Sénégal est hélas classé 157e au monde au palmarès du Développement humain de l’ONU.

    Avec un PNB de 750$US par tête et par an le Sénégal est classé 189e sur 222 pays. Bien que 9e producteur de millet au monde, le pays n’arrive pas hélas à nourrir ses enfants !

  • Que serait l’Amérique aujourd’hui sans l’apport du peuple noir ?

       Une chaloupe

      pour  Dakar

     

    La chaloupe est déjà au port. Envoûtés encore par l’histoire de cette île, sur la terrasse d’un café en fin de journée, nous buvons tranquillement un grand Perrier où flotte une fraîche jaune rondelle de citron. Un marchand de carapaces de tortues, filiforme et altier, essaie de nous vendre sa marchandise pour 10.000 CFA, soit 22 euros env. La carapace est belle, certes, mais elle paraît bien malheureuse devant ces belles carapaces de tortues antillaises vendues avec des têtes et des pattes incrustées.

    Le bruit du silence de cette terrasse couverte de rouges bougainvillées et de frangipaniers eux- mêmes encerclés de longs palmiers, continue à nous faire voguer dans la tumultueuse histoire de l’île de Gorée.

    Ce soir, au bord de la corniche dakaroise, nous retrouvons nos amis au Restaurant Lagon II qui a l’avantage d’être couvert par rapport au Lagon I qui est à ciel ouvert face à l’Atlantique. Un « Djamangam » ou bonsoir amical est échangé entre les hôtes. Un bébé thiof (prononcer « tchof ») de 30 cm de long est le poisson du jour proposé.

    Une chair de poisson succulente et fondante, d’une fraîcheur certaine, accompagnée d’un épicé « atiéké » ou genre de couscous à base de manioc et d’un petit taboulé libanais , le tout arrosé d’une abondante eau Contrexéville qui aura fait un bon long voyage de Marseille à Dakar pour arriver à notre table. Le restaurant est au grand complet. Le soir, les Dakarois, ont une vie nocturne bien remplie et les restaurants sont en principe le commencement d’une belle soirée dans cette capitale qu’on ira découvrir ensemble.

    Dakar ou la ville aristocrate de l’Afrique, la ville culturelle du continent, la ville à haute éducation et raffinement ! Dakar la mal éclairée, aux rues souvent étroites et mal asphaltées et aux nombreux mendiants souvent mutilés. Dakar aux beaux hôtels de luxe, à la grande élite intellectuelle et centre de siège d’organismes internationaux africains comme la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique Occidentale) par exemple !

    Dakar est le mélange de tout cela et bien plus encore. C’est une capitale au charme discret et rêveur. Une ville de gaieté et de bonne humeur où l’habitant est doté d’une très grande générosité, bonté et joie de vivre. Une ville très française où il fait bon vivre, avec une monnaie CFA (devise !), un brassage énorme d’ethnies et de civilisations, une vraie plaque tournante de l’Afrique Sud- Sahara... Mais pour les Dakarois, la chéreté de la vie, la sècheresse du Nord et le très grand nombre de chômeurs sont-ils des problèmes insolubles ? C’est ce que nous allons essayer de découvrir ensemble.

    Dans un café très français, avec des mille-feuilles bien français et un café au lait dit « renversé » bien chaud, on se croit dans une ville de la « métropole ». Devant la place de l’indépendance, s’installe un podium pour la cérémonie d’arrivée des héros du Paris- Dakar 86, sur lequel plane la grande ombre de Thierry Sabine qui vient d’achever de nuit sa carrière dans une malheureuse dune de sable, en hélicoptère... Il est 8h30 du matin, je dois m’activer pour notre congrès Kiwanis, regroupant la majorité des pays du continent. Le Président Abdou Diouf en visite à l’étranger a bien voulu nous déléguer un tout nouveau ministre (depuis le 2 janvier courant !), celui de la condition Sociale, Madame Le Guen. Ce 18 janvier sera marqué d’une pierre blanche dans ce club- service humanitaire international, par la naissance du futur District Afrique Kiwanis...

    Où sommes- nous donc et quel est cet accueillant pays ?

    La vie sénégalaise

    Près de 6,5 millions de Sénégalais vivent au sud du fleuve Sénégal, en Afrique Occidentale, sur un territoire de 197 000 Km², soit 1,2 fois la superficie de la Tunisie. Ce pays tropical et plat voit sa population groupée sur le littoral et dans la vallée du fleuve.

    Au départ, au XIVè siècle, le Sénégal était englobé dans l’empire du Mali. Un siècle plus tard, les Portugais s’installent à Rufisque en ouvrant un comptoir à eux. Encore un siècle plus tard, arrivèrent les Hollandais qui baptisèrent l’île d’esclavage de Gorée, jusqu’en 1854 qui voit le Général Faidherbe amorcer la colonie française qui commença par la fondation de la ville de Dakar, 3 ans après.

    C’est enfin en 1958 que le Sénégal quitte l’A.O.F (Afrique Occidentale Française) pour une autonomie suivie deux ans plus tard d’une union avec le Mali qui enfante la Fédération du Mali ...qui ne vivra que de juin 1960 au mois d’août de la même année. C’est alors l’ancien TOM (Territoire d’Outre- Mer) français qui devient une République conduite par le très sage Léopold Sédar Senghor qui, en 1981, demande à Abdou Diouf de lui succéder.

    C’est le retour au multipartisme et le début, en 1982, d’une confédération avec la voisine et enclavée Gambie que nous avons visitée au précédent reportage.

    Aujourd’hui, Dakar continue à rester le centre du transit aérien et maritime entre l’Afrique, l’Europe, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud. Rome n’est qu’à 4000 km, New York à 5440, Rio à 4480 et Tokyo à 10 000 km. Le Concorde par exemple, à vitesse supersonique, connaît bien cette escale sénégalaise !

    Cette capitale de 1 500 000 habitants est le véritable centre économico- politique du pays qui relègue Saint-Louis du Sénégal à l’histoire ancienne.

    La Langue française est la langue officielle du pays après de langues indigènes comme le wolof, par exemple. 90% de la population du Sénégal est convertie à l’Islam. A ma très grande surprise, je retrouve la même foi assidue et la même croyance qu’à la lointaine île de Singapour ou encore en Indonésie, un des plus grands pays musulmans du monde de par le nombre d’habitants. On s’imagine à tort que l’Islam est limité dans les pays arabes. .. L’Islam est aujourd’hui implanté dans près de huit pays africains et surtout dans de grands pays asiatiques, en regroupant au total le quart de la planète, soit près d’un milliard d’adeptes ! Un des plus grands mérites du ¨Président Senghor qui fut un véritable père pour le Sénégal est d’avoir su rassembler les différentes ethnies wolof, sérère, toucouleur (du nord-est), peul et les ethnies du sud malinké et dioula, sans parler des groupes baїnouk, manjak et balante, en un seul peuple sénégalais !

    Il est temps d’aller déambuler dans les ruelles perdues de Dakar !

    @suivre

  • Périple africain (1)

    DAKAR

    Capitale de l’A.O.F.

     

     

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     .

    Dakar. (Janvier 1986). Après une escale d’une heure à Casablanca, notre avion à la gazelle ailée continue son vol Tunis-Dakar dans un ciel bleu et dégagé. Attendu pour la première activité à un congrès africain Kiwanis, je vois à la descente même de la passerelle une pancarte avec ce nom d’organisme...

     

     

    On me prend rapidement hors des passagers pour me conduire au salon ... Le responsable du PNUD, Salif N’Diaye ne cessant de m’appeler Monsieur Kimanis au lieu de Kiwanis... finit par comprendre « notre » erreur mutuelle. Il ne restait plus qu’à rejoindre le groupe kiwanien qui m’attendait à l’aéroport au grand complet et dans une allégresse bien africaine et amicale. Le charme du voyage ne fait que commencer !

     

    Avant d’attaquer mes deux congrès dakarois, mes amis me proposent la visite de l’île de Gorée, pour pénétrer directement l’âme africaine du pays.

    Mon guide de la banque BCEAO range soigneusement sa voiture au parking de cet embarcadère, tout en glissant la pièce à un gamin à l’œil complice et à la main agile...pour retrouver à son retour, les essuie- glaces de la belle Mercedes à leur place !

    Dans les parages de ce port que j’ai admiré la veille du haut de l’hôtel indépendance furètent des vendeurs de toutes sortes. Ces parages portuaires sont riches en « rats du port » qui sont des jeunes pseudo- ouvriers qui savent délester certaines marchandises à quai... pour les vendre sur les trottoirs de Dakar. Chacun est gagnant est l’on ferme l’œil ! Le soir, tout le monde se retrouvera au quartier de la « Gueule Tapée ».

    Nous sommes ici en pleine péninsule du Cap Vert, sur un éperon rocheux en saillie sur l’Océan Atlantique. A l’emplacement d’un village de pêcheurs fut fondée en 1857 la ville de Dakar, pour devenir d’abord en 1902 capitale de l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française), puis en 1958 capitale du Sénégal. Nous y reviendrons.

    Une chaloupe embarque quelques deux cents personnes pour une traversée d’une vingtaine de minutes, vers l’île de Gorée.

    La seconde guerre mondiale a fait plus de vingt millions de victimes. Mais la traite des esclaves, transitant de cette île de Gorée et des capitales africaines voisines pour le nouveau continent aura fait près de 38 millions de morts et disparus ... et on l’oublie.

    Une île microscopique d’un autre monde et âge baigne dans un manteau de calme, d’ombrages fleurie et de quiétude.

    Les négriers

    A trois kilomètres de Dakar, vivaient 6000 personnes dont 5000 esclaves sur un îlot de 16 hectares. Cet îlot est le patrimoine de millions d’âmes disparues. En 1444 des navigateurs portugais découvrirent ce fortin naturel à forme incurvée.


    Un magnifique abri pour mouillage de navires. Les Hollandais suivirent en installant une base navale et en conséquence une plaque tournante importante pour le commerce des esclaves. L’appellation hollandaise de cette île fut Goede Reede (bonne rade), simplifiée en Gorée par la suite. Les Anglais et les Français prirent la relève des Hollandais jusqu’en 1848, date de l’abolition de l’esclavage. Abolition sur papier, hélas, puisque du Golfe Arabique au désert de Mauritanie, l’esclavage végéta encore pour ne pas voir une fin officielle aux confins de ce dernier pays qu’il y a10 ans à peine.

    Nous avançons lentement à travers une petite ruelle grimpante. Une grosse dame noire est assise au seuil d’un édifice ocre au jardin fleuri. C’est la responsable de cette abbaye perdue. Les lunettes suspendues au nez, elle lit avec calme et profondeur un récit des siècles passés, ces mêmes siècles qui ont vu ses ancêtres quitter l’île de Gorée sur de macabres négriers.

    Nous arrivons enfin à la « Maison des Esclaves », devenue un musée bien vivant. Pour la énième fois de cette semaine, ce noble conservateur noir se lance dans une tragique description de la traite des Nègres qui a fait de Gorée un super Auschwitz ou Dachau... Tous les murs de ce vide musée composé de cachots de toutes sortes sont tapissés de feuilles écrites à la main en hommages aux disparus.

    Avec mon guide, je grimpe vers la « Porte de la Mort »... je saute cette porte pour tomber deux mètres plus bas sur de grosses pierres noires que viennent lécher les vagues de l’Océan Atlantique. Ce sont ces mêmes pierres noires qui ont vu se fracasser plus d’un crâne humain à chaque départ de navire vers le continent américain.

    Le nègre enlevé de sa contrée lointaine et amené à Gorée, a encore une dernière chance de ne pas aller péniblement croupir, moisir et mourir sur les bateaux négriers, à l’instar du tiers des passagers.Ce nègre préfère se fracasser le crâne sur ces pierres noires qui rougiront l’Atlantique. Cette « Maison des Esclaves » qui a vu partir 600 000 fils d’Afrique, embarqués sur des navires négriers, respire par tous ses pores l’esclavage, la traite, l’indignité, la souffrance, la dégradation, les larmes et la mort.

    Charles Quint et le prêtre Las Casas qui, en 1517, lancèrent dans le monde la traite des esclaves noirs, doivent aujourd’hui se retourner dans leur tombe en ayant fait un total de 38 millions de victimes humaines.

    On vendait des hommes qu’on prétendait barbares en les troquant contre des produits venus d’Europe, comme les armes,l’alcool, le cuivre, les tissus et certaines pacotilles. Les esclaves qui ne mouraient pas dans leur funèbre cargo arrivaient en Amérique alourdis par leurs chaînes et boulets et amaigris par plus de 60 jours de traversée.

    Les crapuleux négriers poussaient le vice à trier les races quottées, à savoir les Yoroubea de l’ouest du Nigeria et de l’est du Bénin ainsi que les Mandingues du Sud Sénégal, de la Gambie et du Mali. Avec ces races, le vil négrier était sûr d’avoir choisit le bon nègre qui partirait en Amérique pour la construction de ce continent nouveau.

    @ suivre