Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • C’est pourtant le plus fidèle ami de l’homme (6e & dernier)

    Une vie de chien?

    J’avais dix ans à peine et je fuguais, toute une demi-journée, à Hammam-Lif.

    Mon souvenir se fige au stade de cette ville, la nuit arrivant, face à un molosse noir et bien bati.

     

    Canin terrible et à moitié sauvage, il enfonça ses crocs dans ma jambe droite. Suivirent douze visites à l’Institut Pasteur de Tunis. Douze pénibles journées où mon père essayait de persuader son gosse qu’il fallait encore et encore une injection anti-rabique.

    Le traumatisme de la grosse infirmière armée d’une seringue en forme d’épée sanguinaire, qui choisit comme cible mon petit ventre, restera ancré, à jamais, dans ma mémoire !

     

    Vingt cinq ans plus tard, dans un parc de Sofia, en Bulgarie, surgit un chien.

     

    Un Doberman noir qui me barre le passage. À la nuit tombante, nous étions peut être les seuls êtres vivants dans ce parc. Lui et moi !

    Dire que j’ai passé ma vie à caresser et à embrasser les chiens, je retrouve en cet instant là, l’image effroyable de la « piqûre de la grosse infirmière » qui voulait me sauver de la rage !

     

    A ce jour, hélas, et ce depuis le parc de Sofia, je garde en moi cette peur incontrôlable face à un chien inconnu. Au désespoir de mon fils Alex, j’ai mis plusieurs mois à accepter la présence de sa belle Tigra, son bébé Rottweiler, aujourd’hui pesant près de 60 Kg.

     

    Mémoire quand tu décides de nous faire prisonnier de nos souvenirs d’enfant et de nous enchaîner par une phobie nouvelle, tu nous rends hélas esclave inconditionnel !

    L’Homme, petit cousin des algues et des bactéries. L’Homme, ce rescapé de la vie, cet hasard même de la vie, ce simple accident de la vie, reste et demeure une belle énigme pour l’homme.

    Quid de la vie ?

    Ramidus, notre grand-père de 4,1 millions d’années et Lucie, notre jeune grand-mère de 3,4  millions d’années, ne sont qu’un échantillon connu de cette curieuse espèce humaine, vivant dans une étoile qui n’est qu’une poussière dans une galaxie, qui elle-même flotte entre des milliards d’autres galaxies.

    Dans ce vertige spatial, l’Homme restera encore longtemps sujet d’énigmes et d’interrogations.

    Quid de l’invisible ? Quid de la dite vie dans l’océan Boréal ou dans les trous noirs de l’univers ? Et quid simplement de notre petite mémoire qui égraine les pages de notre vie ?

    Ces trois petites phobies que je viens de relater se veulent un simple exemple de l’impalpable et de l’incompréhensible mécanisme de la mémoire d’un jeune voyageur.

    775bde5cb4f2671f4a1d6d7c953260f9.jpg

    Un jour peut être, je serais moins phobique et je commencerai enfin à ne plus avoir une peur bleue des chiens errants, des cafards traînants et des araignées mystérieuses.

  • Les araignées des hommes des cavernes(5)

      Un mur de tissu blanc

    Vingt deux ans plus tard, au cœur de la forêt amazonienne de la Guyane Française , je déambulais un soir, vers 22 heures, avec un compagnon de vadrouille.

    Dans un sentier glissant et parsemé d’embûches, nos petites torches nous dévoilent toutes sortes de petits reptiles, de sauterelles, de papillons et autres jeunes carnivores. Tout cela faisait partie du décor et nous enchantait. Soudain, les faisceaux de nos torches électriques fusionnent sur un énorme mur blanc qui barre le chemin. Mystère et boule de gomme. D’où vient cette muraille de Chine, ce mur des lamentations, ce mur de Berlin ou cette muraille de Babel qui stoppe le voyage ? Le mystère s’amplifie. Le mur se veut un simple tissu blanc tiré par quatre cordes, posé par un chasseur embusqué, dit chasseur de papillons. Ils sont dix, ils sont vingt, ils sont cent, beaux et gros papillons de toutes sortes, de toutes les couleurs, accrochés à cette blanche muraille de la jungle de deux m2. Imprudent que je suis, dans mes voyages fous, à travers le monde, j’avance ma main pour caresser délicatement le dos d’un de ces papillons géants. Quand soudain, une tétanie m’envahit.

    De grosses gouttes de sueur perlent sur mon front, face à cette découverte.

    Entre ces papillons, trois énormes mygales ou araignées géantes forment un sinistre trio de la mort ! L’adrénaline et l’acétylcholine de ma mémoire en ébullition ressortent une vieille image de 22 ans. Ma chasse au tigre et l’araignée noire d’Iguazú.

    J’ai passé 22 ans, libre et libéré de cette image d’araignée et me voilà transformé en quelques secondes en arachnophobe!

    Pour ma consolation, j’appris la semaine dernière sur la chaîne télévisuelle franco-allemande « ARTE », que des dizaines de millions de personnes sont arachnophobes pour une simple raison : c’est la faute à Mendel. Dans notre ADN, serait encore gravée la vie de l’homme des cavernes, qui côtoyait, au quotidien, les araignées avec plus ou moins de bonheur.

     

    @suivre : Une vie de chien

  • Puerto Iguazu by night (4)

    Le sel du Tigre

     

    La chance est au rendez-vous. Mon voyage change de rive et aborde de nouveaux rivages. Monsieur le Receveur principal des Postes centrales du village de Puerto Iguazú a décidé de me transformer en aide chasseur. Un volontaire désigné !

    Suivent quatre jours de folie, quatre jours de découvertes et quatre nuits de chasse bredouille. Il s’agissait de chasser le tigre d’Argentine et mon rôle consistait à grimper dans les immenses lauriers noirs de plus de trente mètres de haut et de faire glisser délicatement vers le sol, avec une ficelle, un petit sachet de sel de cent grammes. C’est l’appât que m’a jeté le receveur quand il m’a ouvert sa porte. C’est ce sel qui est censé attirer le tigre vers le chasseur à l’affût.

    Cette narration sera pour plus tard, dans un autre Astrolabe.

    Mais arrêtons-nous à la troisième nuit de chasse à 22 heures 30

    Soudain le temps se fige. L’air se raréfie. Il hurle en me chuchotant un mot. Un ordre : STOP !

    Une image. Une simple image qui se cristallisa dans mon cerveau, se perdit à jamais dans les méandres de ma mémoire et que je n’ai retrouvée que vingt cinq ans plus tard en Guyane Française, au bord du fleuve Oyapock . Le receveur de poste sort religieusement son allumette et fait jaillir une douce flamme qu’il rapproche religieusement de mon nez. Anesthésié par tant de mystère, à 22 heures 31, je me laisse faire.

    La flamme prend soudain des dimensions volcaniques telle une soufrière en gerbe et en feu. L’allumette avance encore au risque de me brûler les cils ! Mon anesthésie s’accentue et mon petit cerveau se fige. Suivent trente secondes de vide. De rien. De peur. D’angoisse. Et surtout d’incompréhension totale. Trente secondes ou déjà une éternité. Soudain, éclata face à mes yeux, un crépitement sinistre, celui d’un bûcher de Jeanne d’Arc ou de crémation balinaise. Une odeur âcre et nauséabonde envahit mes narines et peut-être même toute l’Argentine. Encore trente secondes de flou, de vertige et d’incompréhension. Abracadabra, lèves toi...

    Le mystère s’évanouit. Le receveur des postes me tend la main pour me féliciter de ma deuxième naissance. Il ouvrit gravement sa besace, en sortit une chaude bière et me dit : «  Buvons à ta nouvelle vie ! »

    Je n’osais croire ce que je croyais enfin comprendre et que je ne réalise toujours pas

    Monsieur le receveur des postes argentines venait de me sauver la vie en tuant à l’aide d’une simple allumette une horrible araignée noire qui allait me faire passer de vie à trépas en quelques minutes à peine.

     

    @suivre : 22 ans plus tard…

  • Face à 77 chutes d'eau en furie (3)

    La jungle argentine

    C’était vers la fin des années 70, je m’aventurais dans la jungle argentine, au village de Puerto Iguazú. Mon programme se résumait à me remplir les yeux et à vivre un instant magique face  à une des plus grandes merveilles du monde. Admirer du plus près possible les soixante dix sept gigantesques chutes d’Iguazú. Les chutes les plus spectaculaires de la planète, face auxquelles les trois chutes américo-canadiennes du Niagara semblent être un moustique face à un éléphant.

    De 8 heures du matin à 8 heures du soir, je suis passé de l’essoufflement au nirvana en passant par l’extase et la stupéfaction. Des milliers de tonnes d’eau qui se déversent de maintes collines qui engendrent des millions de bulles et de petits nuages transparents.

    Arcs en ciel et papillons sont pris au filet de cette nature en furie. Tout cela en petite pirogue, semblable à un simple bout de papier sur l’eau. Tangages et roulis se suivent sans se ressembler. Qu’importe l’éventuel danger pourvu qu’il y ait l’extase. Passer douze heures sous et entre les chutes d’Iguazú est un don de Dieu à nul autre pareil. Après tant d’années passées, chaque goutte de ces trombes d’eau est en moi encore vivante.

    Foz Iguazú

    Avec une telle débauche au sein de la nature, on oublie le temps, la vie et même le Voyage ! Il est 20 heures. Ma dernière embarcation pour Foz Iguazú vient de partir pour rejoindre le Brésil voisin. A la guerre comme à la guerre, il faudra chercher un gîte de fortune dans cette jungle argentine.

    Le hasard, véritable dieu des voyageurs, réveillera en moi ce soir là, une passion enfantine. La philatélie. Haro sur la poste de la jungle. Et comment trouver une poste dans la jungle ? Le hasard ne laisse jamais tomber ses sujets. Il est grand, basané, moustachu et coiffé d’un chapeau gris qui lui cache le regard.  Il tient en bandoulière un vieux fusil d’avant-guerre. Il ouvre sa porte, furax et méfiant, à cet intrus filiforme et souriant. Il interrompt brusquement ma quête de timbre poste pour me lancer dans les mains un curieux objet blanc d’une centaine de grammes, suivi d’un ordre : Suivez-moi  chico !

     

    La chance est au rendez-vous. Mon voyage change de rive et aborde de nouveaux rivages. Monsieur le Receveur principal des Postes centrales du village de Puerto Iguazú a décidé de me transformer en aide chasseur. Un volontaire désigné !

    Que sera mon séjour dans cette jungle du bout du monde ?

    @suivre : Chasse au tigre