"Je sors de la prison du Mornag !"
Ce matin, entre Hammamet et Tunis, j’ai beau me frotter les yeux en conduisant (c’est dangereux en plus) je n’arrive pas à réaliser, si je suis éveillé VERITABLEMENT, où si l’histoire de mon autostoppeur matinal est un remake de l’an passé ?
Il est beau. Un véritable jeune acteur de cinéma, basané aux yeux bleus et au corps élancé. Son air gauche, triste et perdu me pousse à freiner à l’entrée de l’autoroute de Tunis, pour lui proposer de monter à bord !
- « Que fais-tu dans la vie jeune homme ? »
- « Rien bien sûr. Je n’ai aucun travail ! »
- « Pourquoi tu ne rejoins pas ces hordes de faux barbus à 30d jour (dit-on) en attendant, faute de Call Center qui emploie nos Bac+5 à 300€ par mois ? »
- « Non, je ne peux travailler dans un call center car j’ai quitté très tôt l’école primaire.
- Non je ne veux pas de ces 30d/jour si c’est du banditisme
- Non je ne veux rien du tout ! »
-
- « Mais, où vas-tu maintenant en auto-stop ? »
- « à Kairouan ! »
- « Mais c’est la route contraire, on va sur Tunis et non sur Sousse ! C’est l’autre sens amigo ! »
- « Je sais, mais comme j’ai passé une nuit entière à essayer de faire du stop sur Kairouan et que je ne suis arrivé que jusqu’à Hammamet, on ma conseillé de revenir au péage du Mornag pour tenter ma chance sur Kairouan ou sur l’Enfida »
Il est calme, serein, absent-présent et sa pupille n’est pas dilatée ! Il n’est pas shooté et pourtant il plane. Aucun bagage. Rien. Juste un jeans bleu délavé et un teeshirt jaune citron.
- « Tu as l’air de connaitre ce péage du Mornag jeune homme ? »
- « Le péage non, mais la ville oui. Je sors de 12 ans de prison, à la Prison du Mornag, pour tentative de meurtre avec préméditation à l’arme blanche »
Un ange passe. Le bruit du silence couvre celui du moteur. J’ai mal aux tripes ! Il déballe son histoire d’un trait :
- « J’habite à Sidi Amor Bouhajla. Mes parents sont morts. Mon frère, jeune marié, et moi participions, un soir, à une rixe. Mon frère sort son épée et blesse gravement l’adversaire qui échappe par miracle à la mort. Je fais mon devoir face au frère aîné et déclare à la Police que c’est moi qui suis le meurtrier. Douze ans de prison et ZERO visite de mon frère. »
- « Que vas-tu faire fasse à la traitrise de ton frère ? »
- « Rien de rien. Je vais juste aller prier sur la tombe de mes parents et entrer dans notre maison famille et advienne que pourra »
Au péage, je prends congé de mon autostoppeur et retrouve au fond de ma mémoire, une histoire identique, avec un même jeune de Sidi Amor Bouhajla….Mon autostoppeur de l’an passé qui sortait également d’une dizaine d’années de prison, pour sauver l’honneur de la famille. Le sacrifice vertueux….que j’avais déjà narré dans mon Blob voyageur (Rached Elgreco).
Ce soir, face à mon clavier, au bureau…. Je retrouve toute la conversation de l’an passé et tout y est…. Mais pas le souvenir de ces yeux bleus ….Oui, en mon âme et conscience je crois maintenant que j’ai assisté deux fois au même film et sur la même autoroute TUNIS/HAMMAMET ! C’est triste et grave à la fois.
Quand allons-nous sortir des ornières du chômage qui pousse nos jeunes vers les bancs et les sectes de sauterelles noires et lugubres, vers le banditisme ou encore vers un tel « gentil cinéma » pensant récolter la générosité de l’autre ?
Puisse Si El Béji, cet homme providentiel, qui livre la dernière bataille de sa vie, attirer tous les indécis et tous les Non-obscurantistes, sous une même bannière, celle de l’Union pour le Travail, le Sérieux… pour le Sauvetage de la Maison Tunisie J
Seul un Gouvernement d’Union nationale nous évitera l’effondrement total de notre économie et commencera peut-être à sauver notre Million de chômeurs. Avec ces frasques orchestrées et cousues de fil blanc au Palais Abdellia de La Marsa, la Tunisie a eu à nouveau un couvre feu, après 14 mois de dite Révolte et surtout les honneurs des chaînes de télé étrangères, qui vous ôteront toute envie de venir en Tunisie, à la veille d’une si attendue saison touristique !
Peut-on se payer le luxe de réduire la noble et grande Tunisie à un simple lieu de Culte avec un seul ordre du jour…. L’espoir d’un retour au XIVe siècle ?