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Le Voyage, Le voyageur - Page 14

  • Partir....2

    VOYAGER…loin

      Un voyageur, c’est aussi et tout d’abord cette fabuleuse mémoire, ordinateur sans pareil qui nous offre le luxe suprême de nous faire revivre nos autres voyages. C’est en voyant la poutre verte d’une façade blanche du siècle passé, qu’il se remémore, par exemple :

    un lointain temple d’Asie ou une certaine avenue de Leningrad. Telle ville aura un parfum de Wellington et un arôme d’Amsterdam. Le puzzle se referme. A travers tel détail il revit ses Aventures- Voyages. Il revoit le Monde sur un écran géant. Je revois Bali et ses danseuses et le quartier de Kuta où ma chambre d’hôtel ne coûtait à l’époque qu’un seul et unique US dollar.

      En Indonésie toujours, j’entends les gigantesques et immobiles cloches de Borubudur, avant d’aller assister au mariage princier de Yogyakarta ou « Joja », où seules de pâles bougies éclairent ce palais princier d’un autre âge. Et je repense à ma récitation enfantine : « la reine de Java, la Noire Chasseresse avec l’aube est venue au gîte de ses petits ... »  plus loin, Singapour ce petit dragon  d’Asie qui croule sous une montagne d’électronique et de gazon bien taillé. Kuala lumpur (ou kil) me berce encore par la voix de ses muezzins. Bangkok au « floating market » et au Bouddha couché reste le nœud gordien de l’Asie du Sud-Est.

    Luang Prapang, l’autre capitale du Laos sera toujours dans mon souvenir l’image de cette montée du Mekong, fleuve de boue rougeâtre, en barque militaire, pour arriver au crépuscule chez le prince Suvanuphang, mon interviewé, qui reprend provisoirement le pouvoir de son pays.

      Dans un autre pays en conflit, je revis le couvre-feu de Saïgon, avec cette fin de guerre qui augure déjà les « boat people ».

    Les officiers onusiens du H.C.R. en poste à Saïgon m’ouvrent d’autres portes vietnamiennes. Manille que je quittais les larmes aux yeux, plein d’émotion et d’amour pour ce pays de guérisseurs philippins. Tokyo au Shinkansen, prédécesseur du T.G.V., sera tout comme Osaka, Yokahama et Kyoto un inaliénable film du futur, qui divise le Monde en trois parties : l’Occident, l’Orient, et le Japon.

      Taipeh capitale de Taiwan ou Formosa qui se croit seul représentant chinois sur terre. Hong Kong en fin de bail anglais (1991) sur un espace aussi petit que l’île de Djerba, love quatre millions de chinois et quelques heureux britanniques, entre Victoria et Koowlon. Macao la portugaise nous offre son casino à une encablure de Hong Kong. Plus loin c’est Karachi et le torride soleil du Pakistan.

      En Inde, à partir de New Delhi c’est l’escapade millénaire vers Agra et Jeipur, entre deux sessions du 77e sommet des Non-Alignés. Dans mon cerveau continue à défiler ce périple de 181 pays. Voici la péninsule d’Arabie avec le riche Qatar, l’ancestral Oman, Bahrein entre deux mers, Koweit la puissance du cerveau bien nanti, puis les vestiges de Damas, de Babylone et de Bagdad en allant vers le pays des Pharaons. Le pays des Ottomans Istanbul fut Byzance puis Conserve un Ephèse aux richesses incalculables. Athènes la civilisation voisine et rivale sera le relais, pour découvrir le Monde Rouge au gré des années en passant de Leningrad à Sofia via Varsovie, Dubrovnik, Prague, Budapest, Bucarest et Tirana (mon 93e pays visité). A Rome, rivale d’Athènes et de Carthage, le cigéviste gagne un second pays visité le Vatican.

      Plus au Nord, la riche Scandinavie et plus loin encore sous un admirable soleil de minuit un souper au pays de feux et de geiser, l’Irlande du bout du monde.  

    Dans un autre coin de cerveau je revois les douze premiers pays de la C.E.E. bordés de minuscules et sympathiques Gibraltar, Jersey, Andorre, Monaco, San Marino, Liechtenstein et les riches voisins, Suisse (pays de mes études ) et Autriche. Sans oublier l’insolite réveillon de l’an 2000 à Kichinau capitale de la Moldavie…mon 53e et dernier pays européen visité!

    La mémoire est un fossé béant et géant…bien d’autres souvenirs en sortiront… avec cette incroyable richesse de vécu, d’espoirs, de désespoirs, d’amours, de peines, de catastrophes, d’accidents, de bonheur, de joie et surtout de fabuleuses rencontres…pour trouver en bout de chemin, cet être immuable, ni bête, ni ange, ni démon. Un Homme !  

    (à suivre)

  • Partir, partir...

    Partir

    C’est vivre un peu

     

    Une soif de vie

    Une soif de soif

    Une soif d’ivresse

    Une soif à étancher

    Un désir de partir

    Un élan effréné

    Un départ réitéré.

    Une impulsion qui se ramène toujours à un explosif départ. Partir, voyager sans cesse, c’est le lot de tout dromomane qui, au bout d’un certain temps, sans trop savoir pourquoi et sans trop réfléchir, reprend son bâton de voyageur, cherche son étoile polaire et repart... vers l’inconnu.

    Aveuglé (verblendet) ce voyageur a un besoin viscéral, pareil à celui du fumeur ou du drogué qui le pousse à... partir.

    Pour lui, cet impératif, ce 3, 2, 1, 0 est un objectif inconscient et inné sans cesse renouvelé. Tout comme le Phénix, ce départ permet de renaître de ses cendres.

    Tout comme la faim, ce « partir » revient à l’heure du prochain repas. 

    Ce voyageur « cyclé », « cyclique » et « conditionné » fonctionne comme une véritable montre suisse. Quand l’heure arrive, il faut partir. Mais partir pourquoi et comment ?

    POURQUOI PARTIR ?  

    Partir, et de préférence vers un endroit nouveau, un pays, un monde « à découvrir ».

    Le nez au vent, la pupille dilatée et l’oreille aux aguets, on part vers cet objectif choisi au hasard d’une rapide lecture. C’est en descendant d’un avion dans un nouvel aéroport, sur cette passerelle souvent tremblante que l’on se sent le plus léger, le plus heureux, le plus vivant, le plus émerveillé.

    Enfin cette Terre Promise ! Cette Terre attendue, ce pays nouveau. C’est sûrement le moment le plus émouvant du voyage.

    Là, peu à peu, le flou qui envahissait ces lieux se dissipe. La brume se lève et nous permet de croquer à pleines dents moult détails : le douanier en faction, le policier intransigeant, la morne salle d’attente, le beau marbre ou le pavé défoncé, les écriteaux accueillants, l’habit insolite, l’accueil chantant, la langue barbare ou peu connue, le teint, la taille, et même un trait de caractère de cet autochtone présent dans cet aéroport d’arrivée. Cinq minutes sont déjà écoulées, le voyage est à son apogée. Cette ivresse d’arrivée, cette décharge d’adrénaline et cette émotion à fleur de peau sont peut-être ce qu’il y a de plus merveilleux au monde. Avoir cette chance énorme de visiter, de voir, d’apprendre (wissbegierig), d’écouter et de communiquer est un don de Dieu. Le plaisir du dromomane n’a d’égal, à mon avis, qu’une certaine pipe de fumeur...de Vientiane au Laos, de Birmanie, de Thaïlande ou d’ailleurs.

    Le voyageur attend cet instant de départ pendant des mois ou des ans.

    L’instant arrivé, cette première phase du voyage (la préparation-attente) enfante la seconde ou l’arrivée lyrique, bucolique, mélodique et idyllique.

    Quoi de plus beau que de passer à la troisième phase, la découverte du pays, de vibrer par tous ses pores et d’aller vers l’Autre, ce nouveau, cet aborigène ou autochtone, pour le comprendre, s’enrichir de sa présence et peut-être... l’aimer.

    COMMENT VOYAGER ?  

      Dans cette troisième phase de voyage ou galopade effréné, la curiosité canalisée est notre tuteur principal vers la grande voie de l’Aventure. Tout cela se terminera dans une quatrième phase de voyage qui cristallise le tout sous forme de reportage pour les uns, et de petits carnets roses ou blancs pour les autres, ou encore par le montage de belles diapositives ou photos numériques.

    Ces informations glanées au gré des rencontres seront, sur notre bureau de travail, le catalyseur d’un reportage. Les lectures sur ce nouveau pays se suivent rapidement. Tout s’enchaîne, tout devient clair, le « chasseur-voyageur » n’a plus qu’à projeter et résumer ses informations teintées d’émotion. Notre chanceux voyageur boucle ainsi son 184e reportage sur un pays nouveau.

      Mais on n’a plus vingt ans et l’on ne s’appartient plus. Là, commence le vrai calvaire et l’ambiguïté. Comment laisser sa propre chair et son amour pour partir et partir encore, vivre sa soif culturelle sans tomber seul le soir sur un oreiller ... cauchemardesque d’un hôtel anonyme, qui freine vos élans et vous rappelle à la non liberté.

      La sagesse acquise (l’est-elle jamais ?) donne ainsi un parfum supplémentaire à ce départ-voyage et une ablution sentimentale nous aide ainsi à quitter le giron familial et à voler quelques jours à la vie pour revenir bien vite plein d’usage et peut-être de raison.  

    Mais quid de voyager ?

    (à suivre)

  • Kimberley, suite et fin!

    Kimberley,

    la délivrance !

    6e et dernière escale du voyage !

    Entre deux verres de fendant, un vin blanc du Valais suisse, la décision est prise : le Parisien rentrera ce soir même avec Kimberley. Tôt le lendemain, le professeur Dubois la conduit à bord de sa grande Peugeot bleu nuit vers un quartier chic de Paris. La célèbre Madame Paule reçoit le médecin et sa patiente, et partage son avis de combattre le feu par le feu. Des dîners galants, des chandelles langoureuses, des suites royales et des Jaguar rutilantes se succèdent de jour en jour.

    Consciente et inconsciente à la fois, elle vit trois semaines égrenées de douceur et d’aventure dans un cadre de confort et de luxe tapageur pour retrouver en bout de chemin un couloir sombre et fermé. Le dernier de ses clients tombe amoureux d’elle. Un an plus tard, naît un joli bébé. Ce cap dépassé, Kimberley retombe en dépression et retourne chez le professeur Dubois. Anéanti à son tour par cette triste nouvelle, il décide d’une autre thérapie.

    En quarante huit heures, le sexagénaire et humaniste psychiatre trouve l’adresse d’un « abattoir » au cœur même de Paris. Comme convenu, il reviendra la chercher sept jours plus tard. Lundi, huit heures du matin.

    C’est le choc. C’est l’extase. C’est presque la vie. En voyant le professeur, Kimberley court, galope, saute, l’attrape dans ses bras et pleure toutes les larmes de son corps, en mêlant des dizaines de « mercis » à des centaines de « thank you ». C’est  déjà le retour en Afrique du Sud.

    Au Kruger Parc

    Trois jours d’évasion complète au Kruger Parc d’Afrique du Sud. Une immense réserve naturelle qui commence au nord, à la frontière du Zimbabwe et se termine au sud, à l’orée du royaume du Swaziland. Ici, les animaux sont rois et le sieur Kruger a tout prévu. Une organisation à l’allemande gère ce parc comme une grosse PME. Des centaines de routes asphaltées, avec un maximum autorisé de 50 km/h et vingt quatre gîtes l’attendent pour passer les longues nuits tropicales. A dix huit heures les portes des gîtes ou motels avec des dizaines de huttes confortables se ferment et ne s’ouvriront qu’à cinq heures du matin, heure où les voyageurs se préparent déjà à assister au réveil des animaux. Le spectacle est garanti. Les lions, zèbres, girafes, singes de tous poils et des dizaines d’autres belles bêtes circulent en liberté sous le nez de Kimberley qui se sent enfin proche de cette nature.

    Aujourd’hui, Kimberley est délivrée.

    Tous ses horribles souvenirs se sont évanouis. Elle divorce, prend son enfant qui devient grand et s’installe dans une chaude tanière à Cap Town, pour ouvrir une nouvelle page de vie, dans son Afrique du Sud. Une proie qui serait, cette fois peut-être, croquée avec tendresse.

    Roxane lit d’un trait le récit qu’elle vient d’écrire et éclate à son tour en sanglots. Une rasade d’un bon scotch vieux de dix huit ans, « Glenmaranje » de la bonne vieille Ecosse, tassé sur quatre glaçons transperce sa poitrine en feu et remet d’aplomb. Des larmes de délivrance en hommage à cette âme torturée, bafouée et peut-être finalement sauvée.

    Telle est la vie, un menu incongru d’espoirs et d’incertitudes.

    R.T.

    (Swaziland)

    www.cigv.com

    N.B. Toute ressemblance avec des faits connus est voulue.  
  • Kimberley en Suisse

    Kimberley à Zürich

    5e escale.

    La chute de la fenêtre est magique ! Kimberley se réveille, chaudement enveloppée d’une grosse couverture grise rayée de fines lignes rouges. Une radio égrène une douce musique espagnole. Une dame au visage de madone lui serre fortement les mains. Kimberley réalise qu’elle vit. Qu’elle est en vie après cette chute du balcon et tous ces supplices sexuels...

    Le jeune Juanito vidait les poubelles du quartier, pleines à craquer depuis deux jours, dans ce misérable quartier de la banlieue de Barcelone. Soudain, une image, celle d’une créature de rêve très légèrement vêtue, bloque sa respiration. Elle est là, affalée, comme anesthésiée.

    Kimberley a eu beaucoup de chance. Sa chambre se trouvait bien au premier étage, le sol était de sable et l’éboueur matinal.

    L’ambassade d’Afrique du Sud est contactée d’urgence. L’ambassadeur n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles et tend à Kimberley un vieux fax d’Interpol qui la recherche par monts et par vaux. C’est que sa mère avait réussi à contacter un cousin haut commis de l’Etat qui mit le monde sens dessus dessous pour retrouver Kimberley, tout en laissant de précieux contacts dans de nombreuses ambassades sud-africaines. C’est à Bruxelles que le premier contact fut établi. Deux jours plus tard, Kimberley fut ainsi accueillie en Belgique par un ami de son oncle. 

    DÉLIVRANCE Á ZURICH

    Six mois passent, de clinique en clinique, de Genval à Waterloo. Un psychiatre suisse vient la voir directement de Zurich. Il venait d’assister à un congrès de psychiatrie où le cas de Kimberley a été évoqué par un confrère belge, avec ce simple verdict : guérison impossible, retour à la normale exclu. 

    Le professeur Eichenberger subjugué par la beauté de Kimberley et sa douceur, lui propose de l’héberger dans sa clinique zurichoise si elle acceptait de subir un nouveau traitement médical de son invention. Kimberley, qui a perdu toute vitalité et toute soif de vie, se laisse convaincre par le professeur.

    Douze mois de montagnes suisses et de vie calme et confortable ne changent pas d’un iota l’état moral de Kimberley.

    Elle passe ses week-ends chez le professeur et fait tout pour s’éloigner de son fils de vingt cinq ans au physique romantique, celui d’un beau Jack au Titanic sans pareil. La répulsion du mâle n’a pas de limite et le goût de la vie est absent. Peu à peu, le professeur, dont l’épouse est partie pour un dernier voyage, adopte Kimberley un peu comme sa fille et lui offre une chambre d’amis. Commencent alors deux années de vie végétative pendant lesquelles Kimberley passe la journée à entretenir un beau jardin suisse, une cuisinette rustique et se saoule d’une musique « destroy ».

    Ce soir, c’est la Saint-Valentin. Le professeur René Dubois de Paris et son épouse sont les invités du professeur suisse. Les confrères se retrouvent avec joie mais les femmes ne peuvent hélas amorcer le moindre dialogue. Entre les hommes, le ton de la conversation se fait plus discret. Le Parisien ne cache plus son regard dirigé vers cette svelte et belle madone moulée dans un fourreau de soie blanche. Cette vierge immaculée lui fait creuser deux profondes rides de souci.

     Comment accepter la chose et garder Kimberley en phase de paraphrénie ou déconnexion de la réalité, qui la fait constamment planer ? Où est le nouvel espoir de survie dans la vie ?

     (à suivre)