VIREE AU KOSOVO
Avec 2 490 000 habitants vivant sur une superficie de 25 713 km2, soit environ la moitié de la superficie de la Suisse, la Macédoine est enclavée entre 4 pays: au nord, la Serbie et la Bulgarie, et au sud, la Grèce et l'Albanie.
L'histoire de la Macédoine est riche à plus d'un égard. 700 ans av. J.C., le royaume de Macédoine est fondé par un peuple d'origine indo-européenne, grecque et illyrienne, sous la dynastie hellénisée des Argéades. Quatre siècles plus tard, Philippe II établit son hégémonie sur les Grecs. Peu à peu, la Macédoine fera d'abord partie de l'Empire d'Orient avec Salonique comme capitale, puis de l'Empire byzantin.
A l'époque, la partie nord des Balkans, répartie entre la Yougoslavie et l'Albanie, portait le nom d'Illyrie et fut grecque, romaine, puis slave.
Des tribus slaves, originaires de la région du Dniepr, commencent à envahir l'Illyrie orientale et s'étendent jusqu'à Ohrid et Salonique au IXe s. En l'an 806, les Khan, des Bulgares Krum, commencent la conquête de la Macédoine.
Un autre événement surgit dans cette tempête coloniale: la traduction des livres saints en macédonien en l'an 863 par Cyrille et Méthode, suivie de l'évangélisation, une véritable "liturgie" byzantine. Ohrid devient rapidement la capitale de l'Empire macédonien.
Cet équilibre sera éphémère et les Byzantins attaqueront la Macédoine quatre ans plus tard.
Beaucoup plus tard, en 1282, le belliqueux roi de Serbie, à la moustache dure et abondante, Ouroch II, conquiert le centre de la Macédoine et même Skopje. L'Empire serbe ne fait que se renforcer et ne sera décimé qu'en 1371 par les Turcs voisins qui asserviront à leur tour la Macédoine.
Le Congrès de Berlin tentera, en vain, en 1878, d'octroyer une autonomie à la Macédoine.Le 2 août 1903, éclate l'insurrection de Saint-Elie à la ville de Monastir en Macédoine et le lendemain même, le 3 août 1903, naît Bourguiba à Monastir en Tunisie. La toponymie de ces deux villes de Monastir et de la troisième du même nom, en Bulgarie, est un autre chapitre à narrer...
Au caprice du temps et des guerres balkaniques, la petite Macédoine sera dépecée par ses puissants voisins grecs, serbes et bulgares. Ces conquérants jouent au ping-pong avec ce pays et se le cèdent indéfiniment les uns aux autres. Le traité de Neuilly de 1919 rend, par exemple, au royaume de Serbie une partie de la Macédoine conquise.
La Fédération yougoslave de 1945 englobera la Macédoine jusqu'en 1991, date de la souveraineté tant attendue de la Macédoine, qui accède enfin à l'ONU en 1993, en tant que République présidée par Kiro Gligorov.
Actuellement, en 1996, la Turquie, l'ennemi héréditaire de la Grèce, commence à faire les yeux doux à la Macédoine. Le loup est dans la bergerie: il est peut-être temps aux Grecs de composer avec la Macédoine. La globalisation mondiale, la prédominance des démocraties de marché et cette Turquie qui veut faire incursion en Macédoine sont autant de facteurs qui pousseront les fougueux et passionnés voisins grecs à reconnaître rapidement cette jeune République.
VIRÉE AU KOSOVO
Notre troisième journée commence par un rapide "dobarden" doublé d'un "blagadaran" lancés par un jeune homme filiforme en chemise blanche immaculée, qui nous tend une petite clé qui pend dans un petit anneau métallique noir. Nous voici à bord d'une voiture de location blanche, Daewoo SK429, une véritable boîte à sardines munie d'un capot, louée au prix modique de 16 $ la journée.
Pareille à un cube de beurre, avec un compteur qui ne marque que 200 km, notre petite voiture blanche arbore le mystère de son petit volant dont le cache en plastique est coupé sur une largeur de 1 cm. L'énigme est simple: cet accroc du volant est la marque même de la firme de location, comme dans certains pays du Sud où le propriétaire d'un café marque son verre par une couleur jaune ou bleue en guise de "sceau" d'identité.
En moins d'une heure, nous arrivons à la frontière serbe face à une mare d'eau trouble qui nous arrête net. Quatre militaires, mitraillette au poing, nous pressent de payer sur le champ la somme de 5 D.M. pour subir la "désinfection" obligatoire du véhicule qui passera ainsi par cette mare douteuse. Cette désinfection restera énigmatique, mais remplira peut-être la caisse par le contribuable. Notre jeune passager Zied, lui, se fait une joie de quitter le véhicule et de traverser la mare à pied, riant, s'éclaboussant de partout et mettant les nerfs des policiers à fleur de peau.
Commencent alors les palabres policières pour entrer en Serbie avec des passeports tunisiens
pourtant exemptés de tout visa. Heureusement que nous avions envoyé une télécopie de l'hôtel annonçant notre passage frontalier dans la journée.
C'est le début d'une nouvelle épopée sous une pluie cinglante et aveuglante, sur des pistes glissantes à travers champs et plaines à perte de vue, passant du Monténégro au Kosovo pour terminer le séjour dans la triste ville de Pristina, où les heures ont suspendu leur vol depuis la nuit des temps, laissant déambuler au bord de ces avenues, sans âmes ni voitures, des personnes tristes et silencieuses au regard hagard et plein d'amertume.
Reprenons notre micro-voiture blanche et allons vers les routes sinueuses du Kosovo, cette enclave musulmane et pseudo-albanaise de la Serbie voisine, avant de revenir à notre Macédoine.
Que dire de Yunco, par exemple, cette grande surface grise de quatre étages où les rayons du rez-de-chaussée présentent, sur plus de 60 mètres, des centaines de rouleaux de papier hygiénique et sur cents autres mètres des dizaines de verres en plastique bleu. Tout un étage peuplé de dizaines de vendeuses qui n'ont que ces deux articles à présenter. Telle est la loi du Kosovo, où les Albanais d'origine n'ont plus que les yeux pour pleurer avec un salaire mensuel moyen de 20$ U.S.
Pour égayer la journée nous achetons de beaux épis de maïs grillés et des glaces à la vanille rafraîchissantes.
Des étals épars présentent sur les trottoirs un bric-à-brac qui hélas n'attire pas les clients et rend encore plus triste le visage inexpressif et livide des vendeuses aux longues robes aux couleurs délavées.
C'est l'heure de retour et la pluie est aveuglante. L'essuie-glace de notre voiture coréenne se retourne sur lui même pour saluer les airs et les cieux. La visibilité est de plus en plus mauvaise. Soudain, sans trop comprendre comment, nous nous retrouvons enlisés dans un fossé profond d'une cinquantaine de centimètres, plein de vase et d'eau boueuse.
Dieu semble veiller sur les voyageurs. Après trente minutes de calvaire, nous arrivons à sortir notre "Ferrari" du fossé, trempés jusqu'aux os. Notre belle et unique passagère regrette d'avoir choisi de visiter le Kosovo, au lieu d'aller bronzer sur les plages de Santa-Lucia, caressée par les alizés des Caraïbes.
Après cette virée en Serbie-Montenegro-Kosovo, nous retrouvons avec joie notre hôtel et surtout une bonne douche salvatrice. Un ami juriste, un jeune sexagénaire, au regard fuyant et au savoir généreux, nous invite au bar de l'établissement pour une bière du pays.
L'atmosphère est calme et les clients sont peu nombreux. Toujours aussi belles, les filles du pays semblent mourir d'ennui et lancent sans trop se fatiguer des sourires attendrissants et aguichants. La bière est fraîche et notre ami, qui a collaboré avec le Maréchal Tito, attend sans trop y croire un avenir incertain et répète à souhait que le mur de Berlin est bel et bien tombé suite à l'ouverture d'une brèche dans l'ancienne Yougoslavie. Peter nous présente la Macédoine en professeur érudit.
A suivre (Voyage à l'intérieur du pays!)