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Voyage - Page 20

  • Dachdacha et Dala

    Au pays des Théières…


    Dernière escale à Doha 87. Je repense à cette médina de Doha. Imaginez des souks à n’en plus finir, éparpillés dans un dédale de ruelles asphaltées. Des centaines d’échoppes de tout genre exposent l’électronique japonaise aux côtés des plus beaux bijoux de la création.

    Des boutiques indiennes exposent leur riche artisanat qui va du jade au tapis de soie. Des boutiques chinoises présentent de beaux paravents nacrés à côtés de belles tables noires laquées. Plus loin, un marchand de porcelaine vous fera découvrir les mystères de Limoges et de Vienne. Dans une autre ruelle, c’est un magasin à 3 portes ouvertes qui présente des milliers de chemisiers et de pantalons en super solde à 3 dollars/ pièce.

    LES SOUKS DE DOHA

    De partout c’est la même frénésie, le même engouement, la même avidité d’achat. Dans ma tête, la question reste éternelle : mais que vont-ils faire de tout cela, eux qui retrouvent ces marchandises à chaque soleil levant avec une poche aussi pleine... ?

    Sur une péninsule longue de 160 kilomètres, à l’est du Golf Arabique, vivent 250.000 heureux Qataris, régis par les principes du Coran et de la Sunna, sous la bénédiction d’un Emir clairvoyant. Qatar qui est assis sur les plus importantes réserves de gaz de la région commence à se préoccuper de la crise financière mondiale et de la proche guerre irako- iranienne. Quel est donc l’avenir de cet Emirat qui a le PNB (Produit National Brut) le plus élevé de la planète ?

    Ce matin nous partons faire une excursion au nord du pays. Un désert devenu familier reste l’unique décor de ce paysage.  De timides arbustes essayent çà et là de pointer vers un torride soleil sans pitié. Une autoroute coulissante et sans bosse aucune avance dans ce désert blanc, comme dans un film imaginaire et irréel. Cette différence entre les belles limousines américaines noires, longues de huit mètres, et ce désert blanc et stérile, reste entière et intrigante.

    Soudain jaillissent les Mercedes rouges de l’escorte militaire, « Haras El Malaki » de l’Emir. Des soldats en képi rouge et tenue kaki escortent le grand et digne Emir, Prince héritier, Cheikh Hamad Ibn Kalifa Al Thani, qui préside à la défense du pays, avec le titre de Commandant en chef des Forces Armées...

    Nous sommes ici à l’entrée du village de Khor. Des petites maisons, basses et d’une architecture particulière, me rappellent ce désert d’Alice Springs, au cœur de l’Australie, cette île-continent, que je traversais en auto-stop à l’époque, par une diagonale de 4500 km, il y a plus de quinze ans déjà...

    A l’entrée du village, se dressent sur un muret deux énormes vases ou brocs de deux mètres de haut. Ces théières ou « Dala » sont l’emblème même de Qatar.Plus loin, dans un jardin public créé de toutes pièces, des dizaines de boîtes de conserves se meurent et se vautrent dans une vide et basse piscine...

    Pourtant, tout au long de la route, tout est propre et soigné. Tous les deux ou trois kilomètres, de curieux sacs en plastique, savamment attachés, attendent paisiblement en bord de route. Ces sacs noirs renferment les détritus et boîtes de conserve des joyeux pique-niqueurs du vendredi passé (repos hebdomadaire du pays)... Les services municipaux viendront systématiquement récupérer ces fameux sacs.

    Khalifa, notre jeune guide, ne cache pas sa fierté et son civisme. Tout fier, il nous annonce les 20 000 ryals (5 ryals pour 1,5 dollar) qu’il vient de recevoir de l’Etat, comme prime de mariage, en plus de 400 000 ryals pour la construction de son logement...
    Mais d’où vient toute cette manne généreusement distribuée aux Qataris ?

    L'or noir

    A peine plus grand que la Corse, ce pays se trouve au cœur de la zone pétrolière du Moyen-Orient.
    Avec un PNB de 22 050 US $ par tête et par an (soit 17 fois plus que la Tunisie), Qatar est le pays le plus riche du Moyen-Orient et du monde, bien avant le Koweït, les USA et même la Suisse qui n’aligne qu’un PNB de 15 120 US $ par exemple !

    Le Qatar a une réserve de près de 500 millions de tonnes de pétrole, soit la 18ème réserve mondiale. La production pétrolière qui était de 450 000 barils/jour est tombée à 280 000 barils/jour l’an passé, suite au quota accordé par l’OPEP. La vente de ce pétrole représente la quasi-totalité de l’exportation du pays. Aujourd’hui, le pétrole est extrait dans les régions de Al Shargui, Mazdan et Haloul (off-shore ou terrestre). Mais, c’est le gaz qui fait la très grande richesse de cette péninsule du Golfe. Qatar dispose des plus importantes réserves de gaz du monde, soit 8 000 milliards de mètres cubes. C’est dans la région de Dome que se localise cette manne de gaz naturel.

    Très riche mais...

    Le Qatar est bien le pays le plus riche du monde, mais il connut également de 1981 à 1983 la plus forte baisse en volume de son PNB, après le Tchad.
    Devant cette situation, le gouvernement n’a pas attendu pour faire de sombres coupes dans le budget de l’Etat, pour parer à cette crise conjoncturelle.
    Ceci baisse le PNB par habitant, diminue les projets  et la croissance économique en général.

    Pourquoi cette crise et ce déficit ?

    Le tout se résume en trois malheurs successifs pour ces pays pétroliers. La chute du prix du baril de pétrole (chute de plus de 50% en quelques mois), la chute du dollars (30% en un an), monnaie de vente de cet or noir, et enfin et on l’oublie souvent, la diminution de la consommation des gros clients occidentaux (Europe et Amérique du Nord...) de près de 20% par mesures d’économie. Une économie d’énergie planifiée et acquise depuis les grands booms pétroliers et le plafond de 40 dollars le baril.

    En revenant sur la genèse du pétrole, à partir de Doha, on constate par rétrospective que l’histoire du pétrole se résume très simplement. Ici dans cette région, le pétrole ne coûte que 2 dollars le baril à l’extraction. A l’époque des cartels américains en Orient, le prix de cession était autour de cette somme. Cela était la seule recette du pays producteur... Ce n’est qu’avec la guerre de Ramadhan ou du Kippour en 1973 que le prix du pétrole grimpe de 3 à 12 dollars. C’est déjà le panique en Occident .En 1979, le second choc pétrolier, avec l’avènement de Khomeini en Iran, fait encore grimper le prix du brut à 40 dollars cette fois, soit une augmentation de près de 1000% en sept ans à peine.

    Tout cela a poussé les Occidentaux à apprendre à économiser et les treize de l’OPEP à réfléchir et à décider de fixer le prix moyen autour de 33 dollars le baril. En sautant les autres étapes, on arrive en avril 1986 à crever le plancher et à flirter avec le prix de 10 dollars le baril... Ceci est déjà ruineux pour les pays très endettés comme le Mexique et déficitaire pour la production en mer du Nord (coût plus élevé) et cela devient tragique pour ces pays du Golfe qui voient leurs revenus baisser de 50% en moyenne ...

    Seuls l’Arabie Saoudite et les USA peuvent endiguer cette crise. Mais hélas, il vaut mieux vendre à bas prix  et continuer ses projets que de trop freiner la vente et le développement.

    Aujourd’hui à l’aube de l’an 2000, Qatar, frappé de plein fouet par la crise économique et la dépression mondiale du marché des hydrocarbures, ne perd point le moral. Et pour cause. Le pays le plus riche du monde, le pays à la plus grande réserve de gaz du monde, reste le seul pays du Golfe à sérieusement envisager de grands projets à l’horizon de l’an 2000 et même prévoit la construction d’un géant gazoduc vers l’Europe, via l’Irak (en guerre !) et la Turquie d’un coût de 10 milliards de dollars.

    ADIEU QATAR!

    Sobre et digne, le Dr. Mohamed Khadhem nous fait visiter avec fierté sa nouvelle université de Doha. Un luxe excessif, dans les amphithéâtres de rêve et des laboratoires de l’an 2000 offerts à de studieux étudiants sexistes. Cette université est divisée en deux. Les filles et les garçons ne cohabitent point sous la chapelle de la culture et de la science.

    Ce soir nous sommes invités chez le représentant de l’UNESCO à Qatar. Ce quartier de Doha est une petite Suisse. Des maisons en forme de chalets, enveloppés dans une fraîche verdure, semblent être un rêve dans ce désert. De partout, de longues Cadillac noires attendent devant ces belles demeures de riches diplomates ou hommes d’affaires... A la terrasse de cette demeure onusienne, la brise du soir est fraîche et caressante. Nos amis qataris, à l’aise dans leur longue blouse blanche « dachdacha » semblent déguster le passage du temps, sans peut-être se rendre compte qu’ils sont les plus nantis de cette terre. La manne pétrolière, doublée d’un gaz prolifère, assurera aux descendants de ces Qataris encore de longues et heureuses années, si le conflit irako-iranien  s’estompe rapidement, si la crise économique de notre planète se freine et si ces Qataris apprennent rapidement, à l’instar du Koweït par exemple, à diversifier leurs investissements et à moins se laisser aller vers le « maktoub »...

    Adieu riche et insolite pays de pêcheurs de perles.   

     20 ANS PLUS TARD : 2006

             
    Avec un PNB de 24 000 US$ (8 fois la Roumanie) le Qatari est classé 27e du monde  en 2005! Mais, avec les 3e réserves  de gaz et 14e de pétrole la monarchie se porte bien, certes !    Le Quatar laisse ainsi sa "première place" au Grand Duché du Luxembourg avec plus de 56 200 US$ de PNB par tête et par an, soit 624 fois celui du Burundi par exemple...ainsi va le monde!


              Quid Demain?
    Une 3e zone franche de 10 Km2 près de l’aéroport de Doha vient au secours du roi pétrole qui n’est pas éternel ! Demain c'est déjà  aujourd'hui!


  • Pays de perles magiques

    Terre aux 1000 mystères

    Poursuivons notre découverte du Quatar en 1986! Ce matin, du haut du balcon de mon hôtel, je m’étonne encore une fois de la présence envahissante du désert environnant. A ma gauche s’étend la splendide corniche bordant la baie de Doha. Une corniche construite ces dernières années à coups de pétrodollars, d’un faste et d’une richesse incroyable. Ça et là des barques de pêche et de plaisance mouillent dans cette rade. A ma droite émerge d’un sable rocailleux un énorme building de verre et d’acier, le Salam Plazza.

    Plus tard, je trouverai dans ce centre commercial du 21e siècle toutes les friandises de Londres, Paris et Berlin, tous les gadgets électroniques de Tokyo, New York et Séoul, sans parler des sacs en croco, des montres en or fin et des bagues de toute beauté... Ici, le Qatari flegmatique fera ses emplettes quotidiennes dans une atmosphère climatisée et aseptisée.

    A TRAVERS DOHA

    Nous voici roulant en cette fin de matinée vers le cercle privé « Nadi Dawha ». Dès l’entrée de cet établissement, nous sommes plongés dans une atmosphère profondément anglaise. A Qatar, l’Angleterre est encore présente par ses conseillers de tout ordre, « son engineering » et ses us et coutumes. Imaginez par exemple, que c’est l’ambassade d’Angleterre à Doha qui a le monopole de l’alcool du pays. Cette ambassade est la seule distributrice d’alcool aux missions diplomatiques et à certains cercles privés. Ici, contrairement à Oman que l’on visitait dans notre précédent reportage, l’alcool n’a pas pignon sur rue.
    Au premier étage de ce cercle « Nadi Dawha », réservé au corps diplomatique et aux notables du pays, je suis surpris par un groupe d’enfants de six ans, sagement attablés chacun devant un petit écran... Ces enfants de diplomates occidentaux s’initient à l’informatique en compulsant adroitement des mini-ordinateurs...Dans une autre salle de ce Cercle, nous sommes attendus par le Ministre de l’Information, Issa Ghanem Kaouari et le Directeur des Affaires Culturelles, Moussa Zinel, pour un somptueux déjeuner.

     PAYS DE PERLES RARES  ET MYSTERIEUSES

    En rentrant par le chemin des écoliers, nous passons devant la future cité diplomatique « Ed Dafna » en bord de mer. Un désert aride se laisse caresser par les vagues d’une mer bien tranquille. En bout de plages certaines résidences diplomatiques commencent à pousser. Une grosse Mercedes 500SEL, blanche immaculée, est garée en plein désert en bordure de mer, sans crainte d’aucune érosion... C’est le grand changement social à Qatar !
    Avant l’avènement du pétrole, le peuple qatari vivait du commerce des perles, de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture. Aujourd’hui, il n’est plus question d’aller chercher des perles au fond du Golfe Arabique... Tout le monde vit par et pour les ressources énergétiques de pétrole et de gaz.
    Comment se fait cette mutation d’un peuple pêcheur de perles à un peuple gros consommateur de tout genre ?

    Découvert en 1939, le pétrole de Qatar sera commercialisé dix ans plus tard et ne sera vraiment lucratif qu’en 1972 avec la création de la Qatar National Petroleum chargé d’extraire, de raffiner et de commercialiser le pétrole de l’Emirat. La compagnie Shell qui était souveraine à Qatar devint fortement minoritaire. A Um Saïd se monte rapidement une énorme usine de liquéfaction de gaz. Nous y reviendrons dans un prochain article. Cette manne pétrolière que d’aucuns disent divisée en trois parts égales (l’Emir, la famille royale et l’Etat) est d’une grandeur incommensurable. Ici, la notion de richesse ne répond plus à nos simples paramètres. Ici posséder un quartier de cent villas, un avion, quelques grosses limousines et passer de temps à autre un week-end à Londres ne sont des choses ni étonnantes ni encore moins choquantes.

    Sur le plan social, le Qatari est protégé par l’Etat. La construction de sa maison sera gratuite,  tout comme sa consommation d’eau et d’électricité. Ses climatiseurs pourront fonctionner 24 heures sur 24 pour veiller à son confort personnel. Les soins hospitaliers et les écoles sont également gratuits. L’utilisateur de téléphone ne paiera que 200 ryals tous les six mois (10 ryals = 3 dollars) pour couvrir toutes les communications locales. Au mariage, le jeune Qatari recevra une prime de l’Emir pour l’encourager à payer sa dot et à mieux se préparer. Le ryal devient le centre nerveux du pays.

     Une prochaine et dernière escale pour découvrir le coeur de ce royaume insolite! 

    (à suivre)

     

  • Insolite Royaume

    LE PLUS RICHE

    Pays du monde

      Doha. (Avril 1986). Après deux heures d’escale, nous quittons ce fabuleux aéroport de Bahrein. Un free-shop des mille et une nuits offre à tout détenteur de paquets de dollars les plus beaux bijoux actuels et les gadgets électroniques les plus sophistiqués de cette fin de siècle. Bahrein qui tient son nom de « deux mers », ou encore d’une mer douce, profonde et fertile, sous une autre mer (supérieure) salée... deux mers superposées et exceptionnelles qui enfantent ce nom de Bahrein donné à cette île ou mini-Etat du Golfe.

    Un aéroport minuscule nous accueille à Doha. Six silencieux « Mirages » sont exposés à l’aride soleil de ce hangar à ciel ouvert de l’aéroport. Marcel Dassault, le père de ces mirages, vient de s’éteindre et la petite « guéguerre » entre Qatar et Bahrein vient d’éclater  pour un îlot voisin aux deux pays, l’îlot de Facht El Dibel...
    Allons à la découverte de Doha, capitale qatari!

    Rares sont les hôtels aussi somptueux et gigantesques dans le monde. Ce Sheraton Doha qui émerge en plein désert, au bout de la Baie de Doha semble entre un mirage architectural. Une énorme pyramide à trois facettes colossales bouche l’horizon de notre autoroute. De l’intérieur, c’est sous une tente gigantesque que l’on se retrouve, dans le pilier central, haut de 22 étages, enveloppé et drapé de six vertigineux ascenseurs aériens, aux vitres fumées... tout comme en Californie.  Cette architecture animée d’hommes blancs déambulants, prononce l’insolite pays qatari.
                                                                                                                         
       Contrairement au Sultanat d’Oman, l’habit est ici plus simple. Nous retrouvons cette longue blouse blanche d’Oman « dachdacha », souvent recouverte, en cérémonie officielle, par une fine et soyeuse cape dorée « Ibâa ». La tête est recouverte ici d’un large foulard blanc flottant maintenu par un cordon tissé et souvent noir appelé « Aguél ». Ce même habit se trouve du reste dans les autres pays du Golfe, à quelques exceptions près.

    LA  CELEBRE FAMILLE AL THANI

    Où sommes-nous donc sur cette presqu’île du bout du monde ? Au large de la mer, dite Golfe Arabique, émerge la péninsule de Qatar, avec à sa racine une frontière avec les Emirats Arabes Unis au sud-est et avec l’Arabie Saoudite au sud-ouest et ayant comme voisin marin... l’île de Bahrein à vingt minutes de vol.

    Sur une superficie de 11 437 km², soit moins du dixième de la  superficie de la Tunisie, vivent quelque 250.000 heureux habitants.

    La collection de silex exposée au Musée National du Qatar et ces beaux spécimens de têtes de lance découvertes dans la région prouvent que la période néolithique existait dans ce minuscule pays.

    Hérodote, le Grec, dira plus tard que Qatar était peuplé de Cananéens, peuplade arabe.

    Au VIe siècle, une alliance avec les Turcs chassa les Portugais pour tomber sous la tutelle de l’empire Ottoman avec des flirts... anglais, le Royaume-Uni s’implanta définitivement à Qatar lors de la Première Guerre Mondiale, jusqu’au 3 septembre 1971, date de l’indépendance du pays.

    Longtemps dirigé d’une façon patriarcale, Qatar subissait le diktat anglais sous la forme d’un protectorat rigide et intransigeant ! Tout cela commence à s’estomper et à s’améliorer avec l’avènement en 1960 du Cheikh Ahmed Ibn Abdallah auquel succéda son cousin plus averti, Cheikh Khalifa Bin Hamed Al Thani en 1972. Par ce simple coup d’état, sans effusion de sang, Qatar a trouvé sa voie royale pour un prestigieux développement, programmé par un ingénieux et grandiose Emir qui est le septième de sa noble lignée existant depuis 1850 à Qatar !

    Aujourd’hui, l’Emir est considéré avec vénération comme le véritable fondateur du Qatar moderne et comme son principale dirigeant, tout en étant assisté de son Altesse Cheikh Hamed Bin Kalifa Al Thani, prince héritier et Ministre de la Défense.

    Il est temps d'aller à la découverte de cet insolite pays, le voyage ne fait que commencer...!

     

  • Gibraltar (suite & fin)

    Les  Barbary Aprs

    Troisième  et dernière escale à Gibraltar! Il est midi. Un soleil de plomb pèse sur la ville. Le froid de Barcelone est déjà loin et Gibraltar bénéficie de la clémence méditerranéenne. Quinze minutes d’attente pour attraper enfin ce mini bus de 22 places qui rappelle étrangement les « Dolmuchs » d’Izmir en Turquie. Pour 40 pesetas espagnoles (une livre sterling = 200 pesetas), ce vieux bus d’après-guerre nous conduira au téléphérique de Gibraltar. De là, on atteindra le Rocher des Singes (Rock Apes). Ces derniers, arrivés à l’époque de Tarak Ibn Zied, représentent la plus grande curiosité du pays que nous irons découvrir.

    Une petite plaque de dix centimètres carrés, accrochée au mur du téléphérique de Gibraltar, nous apprend que ce dernier est en panne depuis deux semaines... Le prochain bus est dans une heure et le taxi coûte très cher. Vive la troisième solution. Amorçons, à pied, l’ascension de ce petit mont de trois cent mètres d’altitude. Le paysage rappelle aussi bien les Alpes que l’Atlas et les voitures qui passent n’ont aucune crainte de l’absence de garde-fou et frôlent ces ravins vertigineux. En fin de course, voilà une voiture de police noire et blanche qui s’arrête brusquement à dix mètres de moi. Un « bobby », on ne peut plus british, en descend, me toisant du regard. Il décide soudain de faire demi-tour, à pied. Quel est ce curieux manège au haut du sommet de Gibraltar ?

    Le policier ôte son képi et commence à siffler crescendo, tout en dirigeant son regard vers un épais feuillage de la forêt. Soudain jaillissent de ce feuillage quatre petits singes, hauts de soixante-dix centimètres, sans queue aucune et de race macaque. Très courtois, notre policier aux cheveux poivre et sel sort élégamment de sa poche une belle banane jaune qu’il coupe en fines rondelettes. Les singes se précipitent amicalement, à tour de rôle, sur les épaules de notre policier pour lui prendre ces rondelettes et leur ôter la peau...

    La distribution de banane se termine et c’est une séance de sport qui commence entre la voiture de police, le policier et les singes.

    Dans un savant jeu rapide, les singes, à la voix de leur maître, sautent de son épaule sur le véhicule et reviennent à tour de rôle.

    Main Street

    Il est seize heures dans le magasin de souvenirs et d’électronique de M. Krishna Khubchand, au n° 55 de la Main Street. Cet homme à la barbiche autoritaire et aux lunettes d’écaille supervise, d’un regard froid, les vendeurs. Très aimablement, M. Khubchand nous parle de la vie sociale et économique de cette enclave anglaise. Main Street est le poumon financier de la ville-pays de Gibraltar. Les magasins de cette rue sont tous des « free shops » et vous proposent les derniers-nés de l’électronique à des prix imbattables. D’autres magasins font fortune en vendant des statuettes représentant les singes de Gibraltar, des nappes brodées, ou encore des boiseries diverses. Les flots quotidiens de touristes ne lésinent devant rien et achètent tout ce qui est offert. Sur le trottoir d’en face, un peu plus haut que la Red House de notre ami William Serfaty, un autre commerce est tout aussi florissant : celui des timbres postaux. Ils sont vendus par centaines aux touristes qui veulent ainsi marquer leur passage sur ce rocher en envoyant des cartes postales à tous les collectionneurs du monde. Les services postaux contribuent ainsi, de façon non négligeable, aux recettes de l’Etat.

     

    Les Gibraltariens

    Sur la terrasse d’un café, David, un jeune banquier de Gibraltar, évoque son pays avec une grande ferveur. C’est que, nous dit-il, le Gibraltarien est très renfermé sur lui-même et s’isole sur son rocher. Il s’éloigne de son voisin espagnol et ne s’apparente pas trop non plus à la « Mère Patrie » anglaise. Il n’investit pas du tout, mais profite au maximum des avantages que lui confère le passeport britannique. Le Gibraltarien déteste quitter son rocher et mène une vie un peu paresseuse, nonchalante et sans émotion aucune. Le Gouverneur et le Premier Ministre locaux se débrouillent très bien avec leurs collaborateurs pour diriger le pays.

    Ce pays, de 32 000 habitants à peine, n’a ni production agricole, ni production minière, ni production industrielle. L’élevage est également inexistant. Seul le secteur tertiaire permet au pays de vivre. Le casino, les timbres-poste, la loterie et le tourisme constituent la majorité des recettes du pays. Les dépenses des militaires anglais apportent également de l’eau au moulin économique, tout comme les commerces hors-taxes. Les activités portuaires, telles que la maintenance des bateaux, occupent la plus grande partie de la main d’œuvre du pays.

     

    Adieu Gibraltar

    Revendiqué par l’Espagne voisine, Gibraltar reste, au fil des siècles, purement britannique depuis 1704. Le PNB/hab./an, de 4000 dollars, dépasse celui de l’Espagne ou de Malte  par exemple. Le problème de ce pays au niveau de vie élevé réside dans le domaine de la stratégie politique. Les Gibraltariens veulent profiter de ce statut quo de colonie anglaise. La Grande Bretagne, quant à elle, n’est pas prête à quitter de rocher et a déjà démontré sa force, aux îles  Malouines par exemple, desquelles l’Argentine commençait à trop s’approcher. Franco, lui, a essayé, à l’époque, d’asphyxier ce rocher en l’isolant par la fermeture de ses frontières terrestres. Cet isolement a, au contraire, favorisé la solidarité des habitants de Gibraltar avec la Grande Bretagne.

    Le détroit de Gibraltar, commandé encore par ce rocher et en face, par le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila, restera une pierre d’achoppement. À qui échoira le contrôle absolu de ce détroit stratégique dans l’avenir ? Son sort reviendra-t-il aux trois pays riverains actuels, dont l’influence est neutralisée, ou bien à deux d’entre eux, dont l’influence se trouverait renforcée par le retrait de l’un d’eux... Pourquoi ne pas avoir plutôt recours à ce fameux pont fait de câbles en fibre de verre, qui relierait dans un lointain avenir, les quinze kilomètres séparant actuellement l’Afrique de l’Europe ?

    La légende, quant à elle, nous dit que la disparition  des singes de barbarie (Barbary Aprs), espèce unique venue du Maroc en 711, vivant en Europe, marquerait la fin de cette colonie anglaise...

     R.T.

    20 ans plus tard : 2006

     Le rocher a un autre aspect économique aujourd’hui: Les 6,5 Km2 de ce bout du monde reposent sur trois filières économiques ! Les services financiers, le tourisme et l’incontournable transport maritime !

    Le trafic de drogue et le blanchiment d’argent sont toujours de mise et 7 millions de touristes (tout autant que la Tunisie et la moitié des visiteurs de la fête de la bière à Munich, durant 15 jours) foulent chaque année le sol de cette enclave bénite !Sur les 242 pays du CIGV, Le PNB par tête et par an de Gibraltar est classé 46e avec 14 700 US dollars soit près de 5 fois celui de la Tunisie.