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VOYAGEURS - Page 3

  • CIVISME EN TUNISIE

    Lampions et cailloux

    Ayant vécu des dizaines d’aventures, semblables à ces deux dernières, dans plus d’un pays de ce si vaste monde, je me suis dit un jour, qu’à cœur vaillant rien n’est impossible et que faute d’être prophète chez soi, on pouvait au moins jouer le Samaritain. Essayer…

    Sur la grande route qui mène de Monastir à Tunis, vers l’entrée de Sousse, je vis un jour des milliers de lampions noirs et taciturnes. Le vent aidant, ces milliers de sacs en plastique noir étaient accrochés, agglutinés et collés à des arbres chétifs et lugubres.

    Un second malheur: un hiver non pluvieux. Un paysage stérile, des arbres qui se meurent et des « milliers d’assassins » qui assaillent branches et bronchioles de ces arbres agonisants. Le malheur est grand car tout ce plastique mettra des milliers d’années à disparaître. Que faire ?

    J’ai toujours pensé, depuis ma tendre enfance, qu’une lettre ne coûte rien et j’avais toujours en mémoire cette anecdote de mon grand père, alors avocat à Sousse, qui me raconta un jour suite à un litige avec le gouverneur de la région et d’une fin de non recevoir, son astuce épistolaire. Mon grand père écrivit une lettre au Bon Dieu avec copie conforme (Cc.) au gouverneur de la région qui eut tellement peur de la supplique divine qu’il acquiesça finalement à la requête de l’avocat.

    J’écrivis une simple lettre à Madame la Ministre de l’environnement de Tunisie, nouvellement promue à ce poste.

    Une lettre badine, franche et alarmante que j’oubliais à l’instant même où elle fut postée. Une bouteille à la mer…

    Quelle ne fut ma surprise, trois jours plus tard, de recevoir un coup de téléphone de Monsieur le Gouverneur de Sousse qui demandait moult explications précises suite à ma lettre à Madame la Ministre de l’Environnement…

    Quelle ne fut ma surprise quelques mois plus tard d’apprendre, par les journaux du matin, qu’une loi venait d’interdire la fabrication, l’usage et l’emploi de sacs en plastique noir.  

     

    Les cailloux du petit Poucet

    Je venais d’acheter une belle nouvelle allemande. Rutilante et élégante, vrombissante et étonnante. Déjà 600 kilomètres au compteur ! Quand arriva ce qui n’aurait dû jamais arriver…

    Je doublais sagement, sur l’autoroute de Hammamet, un gros camion rouge. Une détonation assourdissante faillit me doter d’une surdité définitive et non réversible. Ce n’est ni une canonnade ni un tir de missile ni encore un pneu crevé mais un mystère absolu qui déstabilisa ma bonne humeur et m’habilla d’angoisse et de perplexité.

    Arrivé chez moi, à Hammamet, je fis le tour de ma voiture plus d’une fois, me demandant si ce bruit sordide, lugubre et assourdissant n’aurait pas éraflé la belle allemande… 

    Quand soudain se dévoila le crime crapuleux.

    L’impact. Un gros point noir qui en quelques jours deviendra fissure et me coûtera un pare brise de plus de mille dollars. Le camion était chargé de caillasse qui s’échappait gentiment à l’air libre. Un caillou, qui quitte ainsi son chargement, double sa vitesse en touchant l’ennemi de plein fouet et peut sur une tempe donner la mort sans hésitation… Une longue série de lettres et de téléphone accoucha d’une demi mesure. Une loi obligea les camionneurs à retenir leur caillasse ou cailloux par de simples toiles bâchées.

    Ceci n’est, hélas, qu’une demi solution car souvent cette bâche est illusoire et ne fait que masquer la caillasse en liberté. Armé de mon téléphone portable, je continue à jouer au Samaritain en photographiant, preuve à l’appui, le camion assassin que je croise. Plus d’une fois, j’arrive à le doubler et à l’obliger même à s’arrêter. Cela marche une fois sur quatre. J’ai l’impression de brasser du vent !

    Le contrevenant voyant l’image de son camion sur mon portable a peur d’une dénonciation ! Mais que fera un chauffeur smicard d’une cargaison appartenant à un millionnaire peu respectueux de civisme et de vies humaines ?

    (Suite, aux dramatiques feux rouges !)

  • Que veulent les USA?

    ADIOS MOLDAVIA

     

      Délicatement, Son Excellence, Ambassadeur des USA à Chisinau, me demande si je suis bien un Moldave. « Comment vous êtes de Tunis ? » s’exclame-t-il ! Il me prie fermement de le suivre en silence. Nous grimpons au premier étage, de sa résidence,  jusqu’à une large porte blanche bien verrouillée. Il me regarde dans les yeux et me redemande si je suis bien de Tunis !

    9e et dernière escale moldave !

    Mon sourire habituel mue en une légère angoisse et la lourde porte blanche glisse délicatement sur ses gonds. L’obscurité est encore plus inquiétante. Le chant de mes amis moldave m’arrive assourdi, comme d’une autre planète. Son Excellence me plonge dans une tornade de questions et prolonge le suspens.

    Soudain, plus de vingt spots lumineux brillent de tous leurs feux. Près de dix cartes de Tunisie apparaissent au grand jour. Mais que font en Moldavie, à la résidence de l’ambassadeur des USA, les cartes d’état-major de la Tunisie ?

    -         Vous voyez mon ami, votre pays va bientôt être attaqué par l’Algérie et la Libye et voici notre plan de défense américain : ces marques en jaune !

    Devant mon ébahissement, le lieutenant-colonel esquisse un sourire et me précise : « l’attaque aura lieu le 6 avril 2004 ! » Chez les Américains il n’y a pas de temps mort, on feint une attaque militaire sur un pays et on prépare la défense sur cartes d’état-major ! C’est un peu mon dada cette carte…

    Les maisons se suivent et ne se ressemblent pas. Tout le groupe sent qu’il vit un moment hors du commun, un instant béni des dieux et des hommes. Une soirée volée à la vie au sein d’une amitié dépourvue de tout intérêt. Soudain, c’est la pagaille totale. Artur, en bon chef grec, somme le chauffeur du bus de mettre le cap sur la place centrale de Chisinau. Des milliers, peut-être des dizaines de milliers de Moldaves sont rassemblés sur la gigantesque place. Couverts de zibelines et autres manteaux de fourrure, parés de grosses chapskas et de bonnets divers, ils tiennent, d’une main une bonne bouteille de champagne étiquette noire « Bessarabia », de l’autre une petite fusée qui attend les douze coups de minuit pour éclater et colorer ce beau ciel noir et bas. Toutes les églises sonnent l’angélus urbi et orbi.

    La pauvreté du pays, son enclavement et le froid n’altèrent point le moral de la foule. Une seule phrase est reprise par le peuple : « La multi ani cun tate » ou Bonne année ! Cette foule en liesse, cette ville du bout du monde et notre groupe insolite resteront à jamais gravés dans ma mémoire de voyageur !

    Plus de dix autres familles nous recevrons avec la même gentillesse et la bonne humeur. Moi qui rêvais de fêter le passage du Millénium dans une famille moldave, je suis réellement comblé. Dieu merci !

    Chaud puis froid, le jet d’eau de ma douche arrive difficilement à me réveiller.

    Il ne me reste plus que 30 minutes pour partir à l’aéroport et les effets et méfaits de cette nuit moldave résistent au puissant jet de ma douche. Ils sont venus, ils sont tous là. Certains dorment à poings fermés et d’autres refont le monde dans de profondes discussions savantes.

    Le bus est plein et je repars avec le groupe d’Artur, d’Oxana et de Marina. Puissent les dieux protéger ce pays, le soustraire aux mains d’une tentaculaire administration, lui éviter d’être phagocyté par la Roumanie, de fuir les hégémonies ukrainienne et russe et de libérer sa « tête et ses pieds », le Nord et le Sud, d’une guérilla persistante.

    Assis face à la fenêtre de notre bus, je sens un nouveau vertige. Ce n’est ni un roulis, ni un tangage, ni le langage, ni le rire. C’est déjà le mal du pays ! Adios Moldavia ! je reviendrai chers amis !

    R.T.

    http://rachedtrimeche.cigv.de/

     

  • PASSAGE DE SIECLE EN BUS

    Am venit, colind, Domn, Domn 

    Je persévère dans mes recherches d’une Saint Sylvestre en famille moldave…

    Les hôtesses de l’hôtel n’osent pas inviter l’unique client encore « inconnu » et les amis de fortune ne sont guère confiants. Je m’apprête à dîner en suisse dans un beau restaurant de la ville « La Taifas »... et cherche à faire une réservation par téléphone.

    Le périple moldave continu : 7e escale !

    Soudain, le hall de l’hôtel retentit d’un vacarme assourdissant. Une quinzaine de jeunes femmes et d’hommes parés de costumes de bal, chapeaux rouges et guirlandes, tenant une page de journal à la main gauche et un verre d’un délicieux champagne moldave à la main droite, m’encerclent rapidement en chantant « Am venit, colind, Domn, Domn ».

    J’en perds mon grec et mon latin ! L’histoire est pourtant fort simple : un écho de presse parle de ce curieux personnage, venu du bout du monde, qui vient visiter son 53e pays d’Europe.

    Artur Pervii, étudiant à Athènes, et le directeur du théâtre de Chisinau sont les deux meneurs du groupe. Rendez-vous est pris à 22 heures. La nuit promet d’être bien blanche sans oublier hélas que je dois être à 6 heures du matin à l’aéroport !

    LAST NIGHT

    Marianne, notre belle hôtesse du Jolly-Alon Hotel, accepte de me conduire au marché des arts. Une centaine d’artistes y exposent leurs œuvres. Les tableaux de maître côtoient les statues de bronze, les colliers d’ambre de la Baltique et les œufs de jade. Un plaisir des yeux et de l’âme. Un moment inoubliable. Il est déjà 21h ! Dans une heure mes joyeux nouveaux amis m’attendent en bus, pour une nuit blanche à Chisinau ! Le temps de bien ranger mes précieux achats artistiques et de prendre une petite douche !

    Quel est donc le programme nocturne du 31 décembre qui changera le siècle?

    Comment passer toute une nuit de fête dans un bus ?

    Où se cachent champagnes et friandises de toutes sortes ?

    Quelles sont les familles qui nous attendent ?

    (à suivre)

  • RENDEZ-VOUS ou KIDNAPPING ?

    Une belle qui se cache !

     

    Je suis face à la statue de Stefan Cel Mare, quand, soudain, une femme d’un âge certain m’apostrophe et me somme de la suivre sur-le-champ…

    C’est la 6e escale du périple moldave !

    Sa fille Irena nous attend. L’occasion est trop belle pour rater une nouvelle aventure. Mon passeport est à l’hôtel et je n’ai sur moi que des petites coupures de lei. Son anglais se limite à deux mots : « I wait for you since 2 hours ! » Un premier tramway, puis un second et même un bus bondé pour arriver face à la faculté des lettres. Sa fille serait donc étudiante ? Que me veut-elle ? La dame rentre dans quatre bâtiments différents et en ressort chaque fois avec une piètre mine ! Point de fille à l’université. J’apostrophe un étudiant chimiste et demande son secours linguistique. Sa réponse est fort simple : « elle vous a attendu toute la journée et sa fille n’est pas au rendez-vous. Ne pouvant joindre sa maison par téléphone, elle vous propose de venir chez elle, à 18 kilomètres d’ici, mais elle vous prévient qu’il n’y a pas de courant électrique et que, dans cette région, les bus s’arrêtent à 19 heures ».

    J’ai beau demander la raison de ce sympathique kidnapping, je n’obtiens pour toute réponse qu’un « voyons faites un effort, venez avec moi !». Mon dernier effort est de prendre le premier bus pour retourner aux pieds du héros moldave Stefan Cel Mare et d’emporter ainsi dans mes valises le souvenir de cette dame, de sa fille, et de ce curieux rendez-vous manqué.

    Je suis vraiment tenté de découvrir cet appât promis et de marcher vers ce kidnapping touristique annoncé ! Mais est-ce une façon de boucler le siècle dans quelques heures à peine ?

    STEFAN CEL MARE

    Je retrouve avec bonheur le leader moldave, vainqueur de quarante batailles, qui trône ce matin sur un piédestal de marbre à l’entrée de ce parc municipal.

    Ils sont encore une dizaine de femmes et d’hommes à flâner autour de la statue du héros  Stefan Cel Mare ou Etienne le Grand qui demeure le principal héros du pays. Il régna quarante-sept ans, de 1456 à 1504, et repoussa les Hongrois, les Polonais, les Tatras et les Turcs. Il construisit des monastères, des écoles et des citadelles, équilibrant les rapports entre la noblesse, la bourgeoisie et la paysannerie. Il envoya sa flotte commercer avec Gênes, Trébizonde et le Caucase.

    D’autres illustres moldaves partagent aujourd’hui le nom des boulevards du pays tels que Alexandru Lapusneanu, Vasile Lupu, Petru Rares et le prince humaniste Constantin Mavrocordat qui libéra les paysans du servage en 1749, ou encore Démètre, le prince érudit qui régna au XIXe siècle. Il parlait sept langues, dressait des cartes et rédigeait même des ouvrages philosophiques et historiques. D’illustres Roumains sont de terre moldave : les poètes Eminescu et Alexandr, les écrivains Asachi et Hasdeu, les fondateurs même de la Roumanie nouvelle, Cuza et Kogälniceanu.

    Depuis trois jours, mon obsession est de passer le réveillon du 31 dans une famille de Chisinau. J’ai passé ma vie à visiter les autochtones et aborigènes de mes 184 pays découverts, et là, en Moldavie, je suis encore plus attiré par ce peuple, noble, pauvre et mystérieux !

    Quand soudain tout bascule ….à la réception de l’hôtel

    (A suivre)