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misère - Page 2

  • DES FLEURS ET DES COURONNES MOLDAVES

    450 US$ de PNB par tête et par an

    4e escale moldave! Imaginez une charrette tirée par un bœuf noir et suivie d’une foule toute de noir vêtue. Imaginez dans un cercueil le visage dévoilé de la vieille défunte et vous ferez partie du cortège funèbre. Des fleurs et des couronnes ornent la charrue.

    Le cimetière est sobre et sordide et me rappelle ma guerre de Bosnie-Herzégovine et ses tombes de Sarajevo où gisent des dizaines de jeunes soldats ravis à la fleur de l’âge. Notre retour sera plus long et le chemin des écoliers nous offre d’autres magnifiques paysages à travers une forêt de pins  gigantesques où se lovent, ça et là, de beaux petits chalets tout de rouge vêtus !

    La soirée se termine sur les boulevards de Chisinau. Dans un vieux troquet, la préposée au bar, plantureuse et joviale, nous tend une bière, un canapé de jambon et une salière.

    À chacun sa coutume. Affalés sur leurs tables, les clients semblent causer avec leurs bières, perdus dans de légères vapeurs éthyliques. La nuit ne freine pas le commerce. Pour ce chapelier ayant pignon sur rue, le premier client risque d’être pour demain. Les passants sont calmes et discrets. C’est par contre cette dame qui m’intrigue. Avec un petit balai de 15 cm de haut, elle nettoie le pourtour de son tabouret posé sur le trottoir. C’est son territoire, son échoppe. Elle vend religieusement et stoïquement des graines de tournesol à minuit. Son âge canonique, sa distinction et sa grâce dévoilent son aristocratie perdue. Est-elle Russe Blanche ou veuve de Général ? Je m’attarde à contempler son manège que ne dérange ni le froid ni la misère. Soudain jaillit une belle jeune dame qui s’assoit en tailleur auprès d’elle. C’est sa fille aux lettres savantes. Elle m’explique que par la vente de ces graines noires sa maman triple le produit de sa pension alimentaire. Les 8 dollars deviennent 24 !

    Un peu plus loin, le spectacle est encore plus poignant. À la force de l’âge, cette jeune maman sur le trottoir depuis des heures semble changée en statue de sel.

    Elle porte à bout de bras un beau gilet de laine blanche qu’elle a soigneusement tricoté durant de longues nuits. Pour  5 petits dollars, j’ai le plaisir de la rendre heureuse et de rentrer avec ce beau gilet. La crise économique est réelle !

    Allons voir cela de plus près

    ECONOMIE MOLDAVE en 2001

    La Moldavie est une des premières victimes de la crise russe. Elle est également sous la dépendance économique du grand voisin roumain qui accentue ainsi les faiblesses internes du pays.

    Avec un PNB (Produit National Brut) de 450 US$ (le 1/7 de la Tunisie et le 1/10 de la Malaisie), la Moldavie est classée 149e sur 244 pays. Le salaire moyen est encore de 20 US$ et de 100$ pour ceux qui arrivent à trouver un job dans une compagnie étrangère. La planche de salut reste l’exode vers le voisin roumain où les salaires peuvent alors décupler selon la spécialité. Si les formalités de sortie n’étaient pas aussi draconiennes, près de la moitié de la population quitterait le pays en un jour. Mitoyenne à notre hôtel, l’ambassade d’Allemagne, la seule chancellerie qui délivre des visas Schengen, voit dès 22h une queue se former pour attendre l’ouverture des guichets consulaires le lendemain à 8h ! Sur dix candidats un seul Moldave aura la chance d’obtenir un visa pour l’oxygène et pour la liberté !

    Une terre noire très riche et un climat plus chaud qu’en Ukraine voisine permettent à la Moldavie des rendements céréaliers élevés.

    Le blé, l’orge, la pomme de terre, le maïs, le raisin et le tabac sont les principales productions du pays. Près d’un million de bovins, de porcs et de moutons forment avec 15 millions de poulets le plus gros du cheptel moldave. La désindustrialisation augmente le chômage et les seuls secteurs rentables situés en Transnistrie voisine ferment leurs portes ! Pour comble de malchance la Russie qui absorbe 60% des exportations moldaves est en crise économique et diminue ses importations. Le déficit commercial atteint 20% du PIB et la récession continue !

    Curieux destin pour un pays qui a commencé son existence sous l’eau il y a des millions d’années, comme vient de le révéler la découverte de récifs de corail au nord du pays !

    Violetta, mon guide aux longues tresses blondes, nous attend pour une toute autre découverte…

                                                                  (à suivre)

  • MOLDAVIA (2)

    Ni Rom ni Gitans

    Une voiture privée des années cinquante, d’origine russe, noire comme du vieux charbon, se faufile dans les ruelles sombres qui séparent la ville de l’aéroport. Puis les avenues  se font plus larges, les arbres majestueux, les façades plus « époque de Tsars » et un rai de lumière diffuse sous certains porches.

    À l’orée d’une forêt, deux jeunes soldats arrêtent notre véhicule et nous ouvrent bien vite la barrière de bois rouge. C’est enfin le Jolly-Alon. Le sourire de Marianne qui se frotte les yeux de sommeil et d’incrédulité me remet de bonne humeur. Mon baluchon rapidement jeté sur mon lit et ma veste chaude enfilée, je dévale l’escalier pour rejoindre la sortie. Deux jeunes gardes taciturnes me barrent l’entrée et me ramènent vers Marianne. Douce et quelque peu intimidée, elle fait tout pour me dissuader. La raison du Voyageur ignore souvent la raison et le discours de ma nouvelle amie n’aura pas d’effet. Pour préserver ma vie, il est impérativement recommandé de ne pas sortir seul après 22 heures et surtout de ne pas traverser le parc  d’en face. Traversant à pas rapides ce parc majestueux et chantant à tue-tête, je me retrouve rapidement sur un grand boulevard où je retrouve  un zeste de Minsk en Biélorussie et un parfum sordide de Kiev en Ukraine, by night. Ce que l’URSS a pu construire d’augustes bâtisses, de grands boulevards et d’arcs de triomphe dans ce pays !

    La ville n’est pas déserte. Elle est drapée d’une lumière voilée et d’un froid glacial. Soudain, un rire nerveux et enfantin me surprend. Ils sont dix ou même quinze. Ils ont moins de 12 ans et sont assis à même le sol.  

    Les pupilles en mydriase et le nez rouge leur donnent un air de jeunes ivrognes. Ce n’est ni le gin ni la vodka qui les émèchent mais une sordide et curieuse bouteille de plastique blanche. Ce ne sont ni Rom ni des Gitans mais de jeunes Moldaves pauvres et abandonnés. En « sniffant » la colle, ils oublient la misère de leurs douze ans ! Les histoires de la télévision sont bien des réalités. Hélas.

    Plus loin, une baraque de 2 m2 vend de froides saucisses et des graines de tournesol éclairées par une lampe à huile. Plus loin encore, je suis hélé par un jeune soldat de 20 ans. Sa chaude « chapska » et son manteau de laine épaisse ne cachent ni son gros furoncle au cou, ni la misère qui hante son regard, ni encore sa solde de 20 US$ par mois, à l’instar des ouvriers du pays. Il quémande une cigarette à un non-fumeur. Quand la chance fait défaut... Deux autres soldats chétifs et hirsutes montent la garde devant une façade baroque par ce froid de canard. Une grande plaque de bronze indique l’ambassade de Hongrie.

    Près d’une heure de marche à vive allure et je retraverse mon parc en évitant les drogués et leurs lames alertes !

    HISTOIRE MOLDAVE

    La dynastie moldave ou le Bessarab s’étend sur la rive ouest du Dniestr (Nistru) qui le sépare de l’Ukraine et portait, au gré du temps, entre 1367 et 1944, le nom de Bessarabie.  

    Ce pays s‘étend jusqu’à la rive de l’autre fleuve de la région, le Prout, qui la sépare de la Roumanie. Au XIVe siècle les Turcs s’emparent de la Bessarabie et l’occupent jusqu’en 1812, date de son premier rattachement à la Russie par le traité de Bucarest. Potemkine le célèbre ami de Catherine La Grande, redonne à la Moldavie son ancien nom de Bessarabie.

    Quarante ans plus tard la Roumanie voisine occupe le pays. En 1878 la guerre russo-turque donnera le jour à une très brève indépendance puis à une fusion de la Bessarabie avec la Roumanie. C’est l’époque d’Eminescu, le Goethe moldave (1840-1879) dont la statue est aujourd’hui à l’entrée du parc principal de la capitale et qui rassemble les amoureux de Chisinau sous son regard amusé.

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le pays fera partie de la République fédérée d’Ukraine, qui perdra le Nord de la Bessarabie en 1940. C’est ce qu’attendait la Roumanie pour reprendre ce petit pays et la Transnistrie pendant quatorze autres années et le céder enfin à l’URSS. Ce ballottage historique d’un pays enclavé se termine par une indépendance étriquée en 1991. Pour le malheur de ce petit pays de 33 700 Km2 et de 4,3 millions d’habitants, les russophones déclarent la région de Transnistrie autonome, tout comme la Gagaouzie qui se sépare de la République de Moldavie qui perd ainsi son nom de Bessarabie. 200 000 habitants peuplent les 1 800 Km2 de la Gagaouzie et parlent turc tout en étant chrétiens. A Komrat la capitale, un gouvernement déclare en 1990 une république autonome au grand dam de la République de Moldavie ainsi amputée. Le même scénario se répète au sud-est avec la Transnistrie et ses 750 000 habitants vivant sur 5 000 Km2 qui s’autoproclame république de la rive gauche du Dniestr. Un pays créé de toutes pièces par les Russes, comme de partout sur l’ancien territoire de l’URSS : les guerres de Tchétchénie, du Nagorny-Karabach, le Nakhitchevan, etc.

    Nous voilà donc avec une Moldavie sans tête ni pieds et trois gros problèmes: plus de passage au Sud vers la mer Noire, au nord la Gagaouzie dans la région des Carpates et au sud-est cette turbulente Transnistrie, le tristement célèbre bastion du 14e régiment russe, qui se proclame indépendante et tue l’industrie moldave.

    Ainsi dépecée, la Moldavie vit par la grâce de Dieu, la force de ses chefs et par la présence certaine d’une forte maffia (dite russe) qui détient plus d’un pouvoir dans un pays habitué à près de 70 ans de soumission et d’obéissance!

    Tout cela explique l’usage du roumain et du russe comme langues véhiculaires du pays. Le dit moldave n’est autre que le roumain et le gagaouze est une langue turque avec des caractères grecs. Le flux et le reflux de l’histoire ne sont pas étrangers à ce mélange linguistique. Ce même mélange donne, du point de vue physionomique, une beauté féminine qui a peu de concurrents dans cette partie du monde. Imaginez un pays un peuple à 65% d’origine roumaine, 25% russe, 3% gagaouze et 2% bulgare et vous comprendrez que les dames Moldaves sont ont le port fier et altier, le sourire permanent et une simplicité qui confine à l’élégance et à l’amabilité !

    Allons maintenant à la découverte de l’Autre, de l’aborigène, de l’autochtone, ses us et ses coutumes si lointaines….en passant par les caves de Cricova !

    (A suivre)

  • LA BESSARABIE (1)

    CURIEUSE MOLDAVIE

     

    Chisinau. (Janvier 2001). Au départ, le problème est double : comment visiter le seul des 53 pays d’Europe que je ne connais pas encore, et où fêter le 31 décembre 2000, le passage du Millénium ?

    À l’arrivée la solution est une et une seule : un réveillon en Moldavie (et non au Pacifique Sud, pour grignoter quelques heures), le pays le plus fermé, le plus excentré et le seul qui vit encore à l’ombre de Staline, ce 53e pays d’Europe enfin !

     

    Ce choix logiquement simple me coûtera trois mois de tracas de tous ordres. Les voies d’accès à la Moldavie, le meilleur prix d’avion, l’hôtel adéquat et, enfin et surtout, l’obtention du visa !

    Comment obtenir un visa moldave ? La loi est formelle : faute d’ambassade moldave dans son pays de résidence, le voyageur peut obtenir un visa d’une semaine à l’aéroport de Chisinau s’il présente une invitation officielle ou une réservation d’hôtel. Mais comment trouver un hôtel dans ce pays du bout du monde ? Par Internet pardi ! Sur le site Web de l’hôtel Jolly Alon je relève le numéro de téléphone et un email.

     

    Faute de réponse par courrier électronique, c’est sur le téléphone que je me rabats. Durant cinq jours, c’est la même voix gutturale et froide qui me répond : « Ni pravia no nabra numer... ».

     

    Vingt, trente, quarante fois de suite et enfin une belle voix cristalline m’explique dans un français châtié que je dois envoyer par fax une copie de mon passeport et plusieurs autres indications. La télécopie empruntant également la voie téléphonique, elle se heurtera à cette même voix répétant inlassablement en russe : « Vous vous êtes trompé de numéro, recomposez votre appel » ou encore « Ni pravia no nabra numer ».

    Il faudra deux jours pour passer le fax et trois autres pour retrouver la belle voix cristalline qui, prise de sympathie pour ce curieux personnage qui a choisi la Moldavie pour célébrer le passage du Millénium, lui explique que « depuis 15 jours, une panne de courant plonge le pays dans le noir, la température est sibérienne, l’hôtel n’a qu’une seule et unique réservation pour le 31 décembre, etc. » Cela se corse et aiguise mon appétit de voyageur et ma curiosité boulimique de vadrouilleur ! L’amabilité de Mariana, de Daniela et de Diana fera le reste.

     

    Etablir depuis Tunis un avantageux trajet aérien pour la Moldavie est une gageure et vouloir obtenir un visa pour ce pays frise la folie ou l’impossible.

    C’est la fameuse histoire du « 22 à Asnières » de Fernand Reynaud qui revient en charge tous les matins. Le comédien qui ne peut obtenir de Paris un simple numéro de téléphone à Asnières, en banlieue parisienne, appelle New York qui lui passe la communication. Faut-il donc transiter par Moscou ou par Pékin pour aller à Chisinau ? Peu à peu le puzzle se met en place et c’est par Rome et Budapest que j’irai et je reviendrai par Istanbul. Au meilleur prix.

     

    Il est minuit passé. Notre avion d’air Carpates atterrit enfin à Chisinau ! Vingt passagers harassés et taciturnes envahissent le microscopique aéroport.

     

    Soudain, c’est le vertige. La honte. La déception. Bien en chair et dépourvue de tout sourire, la jeune et blonde officier de police me refuse un visa d’entrée. J’ai beau rappeler que l’hôtel Jolly Alon a envoyé un émissaire avec copie de mon passeport en plus de ma réservation et que j’ai un fax confirmant l’Ok de la police, en vain. L’aéroport se vide et on me prie de reprendre le même avion. Ma dernière arme est de faire rire la belle dame. La glace fond, les nuages passent et l’explication arrive : « vous étiez attendu par les autorités de l’aéroport à 15 h 15 venant e Budapest, il est maintenant minuit passé... »

     

    Est-ce une réponse normande? Un refus? Une acceptation?

    Dur dur la vie d'un voyageur qui n'a ni passeport américain, ni suisse, ni européen avec espace Schengen priviligié...

    Demain il fera jour! Le voyage continu!

     (à suivre)