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Rached El Greco - Page 105

  • MACEDOINE(2)


    SACRE VISA au PAYS de MERE THERESA


    Zi, mon fils voyageur, aura donc gagné son pari, et c'est son voyage à Santa-Lucia et Saint-Vincent aux Caraïbes qui se concrétisera, faute de pouvoir aller en Macédoine. Ma nuit de décision fut presque blanche et je repensais alors à cet internat de jeunes filles à Lausanne, en Suisse. J'avais 22 ans.

     

    Le Mexique fermait ses portes au nez du jeune étudiant que j'étais. Trois mois de tractations vaines pour l'obtention d'un simple visa d'entrée au Mexique. C'est sur le conseil amical de mon professeur de chimie galénique à l'Université de Lausanne que je suis allé rendre visite au directeur d'une école privée suisse dont certains élèves étaient citoyens mexicains.


    Le hasard est une fois de plus généreux, et le directeur de l'école très coopératif. La charmante Rosita est aussitôt convoquée au bureau du directeur et, toute souriante, propose de téléphoner à son père qui n'était autre que le Ministre des Affaires Étrangères du Mexique. Mon problème de visa se volatilisa.


    Ces réminiscences de Lausanne m'encouragent à aller encore de l'avant pour tenter l'impossible et décrocher ce sacré visa pour la Macédoine. La solution arriva toute seule, par la grâce des Dieux, ou par la volonté du hasard, ou par la bénédiction de cette main occulte qui semble protéger tous les Voyageurs du monde.

    En retéléphonant à Son Excellence M. B. Krstic, je retiens difficilement mon émotion en apprenant que son collègue Luan Starova, ambassadeur de Macédoine à Paris, est en vacances familiales à l'hôtel "Les Colombes" à Hammamet... en Tunisie! A 50 m de ma propre maison de vacances. Et le problème de visa s'envola tout comme pour le Mexique d'antan.

    ARRIVÉE

    Nous embarquons à Rome à bord d'un vieil avion de 50 places: un BAC-I-II de la compagnie macédonienne PALAIR. Un chaleureux "dobravetcher" est lancé en guise de bonjour par une grande hôtesse blonde mais non souriante. La moitié de l'avion est vide et tous les passagers semblent être des autochtones de retour au pays, lourdement chargés de bagages à main "made in Italy".

    Pour tout déjeuner nous avons droit à un "banitchka", une sorte de beignet au fromage blanc, nageant dans une assiette en plastique. La gentillesse des hôtesses nous fait oublier la frugalité du repas et fait de ces agapes aériennes un festin royal.


    A l'arrivée, la police qui était pourtant avertie de notre présence par l'ambassade de Macédoine à Paris s'empare de nos trois passeports et s'éclipse. Au bout de trente minutes, une charmante dame du Ministère de l'Information, envoyée par la même ambassade, vient à notre secours pour essayer de nous faciliter l'accès en Macédoine. C'est finalement au bout d'une longue heure que nos passeports nous sont restitués avec un nouveau problème, de courtoisie cette fois.

    La dame du Ministère n'était pas au courant de l'existence de la jeune française qui nous attendait en voiture, à la sortie de l'aéroport, pour nous accompagner à son hôtel, l'Intercontinental de Skopje. Pour satisfaire ces dames, il suffisait de partager le groupe et nous voilà partant en deux voitures, en direction de l'hôtel .


    Ce soir, nous sommes les hôtes du patron de l'hôtel. Après avoir fait carrière et fortune dans l'hôtellerie parisienne, notre jeune Libanais dynamique est venu reprendre cet hôtel qui quitte ses poussières et son fonctionnement ancestral bardé de marxisme de tout poil. Les révolutions se suivent et ne se ressemblent pas. Une montagne de cristal de Bohème fut découverte dans les caves en souvenir du passage présidentiel de Tito pour une seule nuit. L'informatique prend le pas et les assistantes sont aussi efficaces que charmantes.



    La nuit se prolonge et le programme continue. C'est au tour de notre amie Française de l'hôtel, de nous faire en voiture la tournée des Grands Ducs de Skopje. La capitale est bien sombre et les collines sont attirantes. Du haut de la première, Skopje laisse échapper quelques petites lumières pareilles à des bougies de Noèl. L'air est vivifiant et vous prend de plein fouet. La végétation dense cache de nuit ses fleurs multicolores. Les conifères altiers côtoient les lauriers rouges et blancs en feu et les hibiscus en fête.


    Sur le chemin du retour, une brasserie à l'enseigne orange sera notre dernière escale. Quelques bancs épars rassemblent une dizaine de couples taciturnes au regard évanescent, buvant une silencieuse bière brune et tiède.

    L'intérieur est plus gai, animé par un jeune serveur de 20 ans aux jeans délavés et à la chemise bariolée. Avenant et souriant, il propose à Zied, le benjamin du groupe, une saucisse chaude accompagnée d'un petit pain et d'un pot de moutarde, tout cela pour un seul et unique D.M. (Deutsche Mark), qui s'avère être la pseudo-monnaie nationale de la Macédoine.

    Devant notre étonnement, Joan nous tend le menu avec des prix exclusivement en D.M.. Helmut Köhl ne fait que commencer son avancée européenne!

    Après avoir agrandi l'Allemagne de 18 millions de citoyens (RDA oblige), le voilà qui étend son pouvoir financier sur tout le bloc de l'Est, sans oublier la voisine du Sud, l'Autriche où les stations de ski, par exemple, arborent leur prix en D.M.. La Macédoine du bout du monde se plie sans vergogne aux nouvelles lois financières et espère surtout recevoir de précieux D.M.

     

    SUITE demain (Au pays d'Alexandre le Grand et de Mère Thérésa)





  • LA MACEDOINE(1)

     IMPOSSIBLE MACEDOINE...

     

    Skopje.(Août 1996). Face à tant de difficultés d'accès et de guerre lasse, on renoncerait facilement à visiter la Macédoine qui, selon certains, n'existerait même pas. Remontons le fil du temps.

    L'aventure est a posteriori fort délicieuse, et le visa d'entrée en Macédoine peut être obtenu malgré tous les "niet" de la planète. La Macédoine existe bel et bien, enclavée entre la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et l'Albanie.


    La saga de notre visa d'entrée en Macédoine est très compliquée et découragerait plus d'un. Mais le voyageur averti apprend à porter sereinement sa croix.
    La JAL, compagnie aérienne yougoslave, nous ferme simultanément deux portes d'accès. Aucun avion pour aller à Skopje et aucune possibilité d'obtention de visa en Tunisie.

    Une deuxième tentative vaine auprès du Ministère des Affaires Étrangères de Tunis nous dissuade d'aller vers cette contrée lointaine avec laquelle nous n'avons aucun lien diplomatique.

    Une troisième tentative auprès de notre Chargé d'Affaires à Belgrade, en Serbie voisine, nous apprend que la Serbie n'est pas la Serbie mais la Yougoslavie (appellation reconnue par un seul pays sur 244), qu'il n'y avait aucune liaison entre Belgrade et Skopje et qu'il fallait prendre au sérieux cette fièvre aphteuse aoûtienne qui décimerait à vive allure le cheptel de Serbie, ramenant ainsi la vache folle à une simple plaisanterie. L'air qu'on respire en est, hélas, le transporteur idéal!

    Face à ces trois écueils, tombant de Charybde en Scylla, je tentais une approche par la Grèce voisine. Horreur et damnation. Quelle lèse-majesté!

    Comment oser dire à un ambassadeur de Grèce que je souhaitais aller en Macédoine?

    On corrige mon vocabulaire voyageur en remplaçant Macédoine par Fyrom. L'appellation de "Macédoine" est l'exclusivité d'une région hellénique, donc propriété de la Grèce, donc interdite à toute usurpation! Nous voilà au cœur du problème, face à un petit État souverain, la Macédoine, pays voisin d'un grand État, la Grèce, qui lui interdit de porter son propre nom.

    A cette quatrième tentative de visa succède logiquement une cinquième auprès, cette fois, de notre ambassadeur à Athènes. Dynamique et pragmatique, Son Excellence me résoud le problème en trois coups de téléphone. La solution existe mais les démarches sont compliquées.


    SACRÉ VISA

    Il fallait se rendre à Athènes, y passer 48 heures, prendre rendez-vous avec le Chargé d'Affaires de "Fyrom" en Grèce, monter ensuite en bus ou en avion à Salonique, au nord-ouest de la Grèce, pour rejoindre en voiture la proche frontière de "Fyrom" et accéder ainsi à la tant désirée-attendue-Macédoine.


    Vu toutes ces complications, une sixième tentative de visa s'impose. Nous sommes pourtant en plein mois d'août tunisien avec des plages attrayantes à perte de vue et des soirées allant entre Sidi Bou-Saïd et Hammamet, diaprées de jasmin et rythmées de tant de joie de vivre. Pourquoi faut-il que j'abandonne tout cela pour aller en Macédoine avec mon épouse et mon fils de 9 ans? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Que recherche donc le voyageur?

    Le coeur du voyageur a ses raisons que la raison ignore, et la mythologie des dromomanes affronte le difficile, nargue l'impossible et se noie volontiers dans le compliqué. Allons donc en Macédoine, guidés par l'étoile des voyageurs invétérés!


    A bien réfléchir, il me restait encore à contacter l'ambassadeur de Yougoslavie en Tunisie, M. Bratislav Krstic .

    La première tentative est vaine. Son Excellence me garantit une arrivée certaine en Serbie mais aucune possibilité d'obtention de visa à Belgrade pour la Macédoine, encore moins un moyen de transport pour Skopje, capitale de la Macédoine. Une nouvelle et dernière tentative est faite par un ami Cigéviste de Nice qui ne trouva dans son Minitel aucune trace d'ambassade, ni de consulat de Macédoine à travers l'Hexagone .

    LE VOYAGE N'A TOUJOURS PAS COMMENCE...

     

    A suivre (Enfin une lueur d'entrée en Macédoine!)

  • VOYAGE à TUNIS (suite et fin)

    Cérémonie de Fark à El Manar

     

    Dans le monde du voyage on a beau préparer les choses, on tombe souvent à côté et c’est ce changement non voulu, non programmé, ni même souhaité, qui corse et qui pimente la vie du voyageur. Cela se passe ainsi en voyage. Mais pas lors d’une cérémonie de recueillement, de souvenir, et de méditation, d'un Fark. Pour un être cher. Un être disparu.


     

    Il est déjà plus de 19 heures, ce samedi 20 mai. Je m’arrache péniblement à mon bureau, à mon PC et à mon écran…L’heure, c’est l’heure, il faut quitter Ben Arous pour El Manar.

    En fin de parcours, je repère facilement le café « Bella vista » et compte soigneusement : 4e rue à droite et 2e à gauche, pour retrouver la famille de mon ami Cigéviste disparu, Mustapha Belkhiria !

    La surprise est de taille et me rappelle son enterrement trois jours plus tôt, avec plus de 1 000 personnes présentes au cimetière Jellaz de Tunis, sous un soleil de plomb, et même la présence  stoïque de l’ambassadeur du japon, qui affrontait l’incroyable et insolite canicule, en cravate noire…

    Ici, la surprise est autre. C’est l’affolant nombre de voitures parquées de partout embouteillant rues et ruelles. Presque toutes sont allemandes, et souvent sous forme de belles 4*4, Porsche, Jeep, BMW, Mercedes ou Touareg ! Plus elles sont grosses, plus elles encombrent ces rues d’El Manar. Je suis à mon 3e cercle infernal de pâté de maison. De partout hélas ces 4*4 encombrent chaussées et trottoirs.

    La providence aidant, c’est pile devant cette belle maison blanche à la porte du jardin grande ouverte que je trouve de la place pour parquer. Les lumières sont allumées et plusieurs chaises sont installées dans le jardin ! Je rentre, en voulant rapidement saluer ce premier groupe, pour monter ensuite rejoindre la famille à l’habituelle terrasse du haut…quand soudain, un gentleman se lève me regarde dans les yeux, sourit, m’ouvre les bras et lance mon prénom !

    Je l’ai de suite reconnu avec son air altier et son sourire courtois. Cela fait 20 ans que je n’ai plus revu l’homme, qui un jour m’appela en catastrophe à Ben Arous, pour me dire (en 1983 ?) :

     « Viens vite on a besoin de toi !  Panne technique, notre interprète a disparu…viens traduire STP. De suite. »

    Ce n’était plus une demande. Mais un ordre ! Oui mon Général pensais-je tout bas….

    LA surprise était de taille. Elle est inoubliable : Deux policiers m’attendaient à la porte de l’Institut des malvoyants de Ben Arous qui recevait l’honorable visite de sa très gracieuse Majesté, la Reine Elisabeth II d’Angleterre ! Tout simplement…

    Là, dans cette véranda d’El Manar, je revois ce flash et nos belles années du club Kiwanis où ce même monsieur est venu un jour avec le Président Habib Bourguiba, inaugurer une de nos œuvres sociales de l’époque et planter un bel araucaria ….  « J’avais volé au béton » de la chic cité d’El Menzah VI , près de 40 000 m2 de terrain que nous avons transformé en « Kiwanis Garden… ». Un parc sportif, et où je cours encore un matin sur deux, à l’aube naissante !

    Tout ce film ne dura que 2 ou 3 secondes. Je m’attendais à tout sauf à retrouver Si Abdelmajid Karoui, Directeur du Protocole du Président Habib Bourguiba, à cette cérémonie de Fark…

    Pendant une heure et demi, Si Abdelmajid m’a fait rougir cent fois en parlant de mes innombrables œuvres humanitaires au Kiwanis, dont il était membre : des deux ambulances canadiennes à la bombe au cobalt en passant par une série d’écoles, de dispensaires et de la greffe de foi (en première mondiale) à trois bébés tunisiens (Cyrine, Meyssoun et Imèn)  de moins de 24 mois….

    Il parlait, il parlait !  J’étais gêné, gêné, mais je voyais que tout cela lui faisait plaisir. Les huit messieurs qui nous entourent (Grands commis de l’Etat, magistrats, avocats et importants hommes d’affaires) posent moult questions…ils ne connaissaient la bestiole que de nom…. s’intéressent depuis longtemps aux œuvres humanitaires et philanthropiques de notre club Kiwanis et à son fondateur en Tunisie, depuis 1979…

    Arrivent deux élégantes dames qui de suite viennent également me saluer et m’embrasser…bref une véritable réunion de famille ! J’ai même poussé le luxe à demander à mon voisin de gauche, un grand avocat de la place de Tunis, de bien vouloir ne pas, nous imposer la fumée de sa cigarette, de grâce…il fumait comme un pompier ou une locomotive…Légèrement vexé, mais toujours courtois, il déplaça sa chaise et continua à griller sa nième malheureuse et cancérigène cigarette !

    Arrive un garçon en veste blanche avec du thé vert aux pignons flottants  et des petits gâteaux aux pistaches…Je trouvais cela étrange. Lors d’un Fark, cela se termine en principe par un couscous amical et familial et rarement tant de gâteaux avant…

    Si Abdelmajid décide de parler maintenant voyages et CIGV. Je voulais éviter une nouvelle avalanche de termes élogieux et de questions et change moi-même de sujet en parlant de l’Iran qui tient à son énergie atomique etc.

    Soudain, voilà que le monsieur d’en face, la soixantaine bien assise, les moustaches bien taillées et poivrées, saisit un petit paquet rose et commence à en défaire le fin ruban !

    Après ce bain d’amitié un peu saoulé par ces retrouvailles j’ai mis quelques secondes pour réaliser la chose ! Le monsieur était en train de savourer la première dragée rose de ce petit paquet de trois….

    Mmmmmmince ! Tout cela n’est pas catholique ! Aucune orthodoxie ! Les délicieux et nombreux gâteaux aux amendes et aux pistaches cela  passe encore à cette cérémonie funèbre à Tunis, mais des dragées, ce n’est pas possible !

    J’ai la gorge sèche. Je devais sûrement rougir jusqu’à la moelle des os et blêmir de honte et d’inquiétude. Etant encore et toujours très « vieille France » je crois toujours et encore à ce qui se fait et ne se fait pas ! En Tunisie et ailleurs, les dragées (dans de beaux sachets enrubannés) cela est fait pour les mariages et non pour les cérémonies mortuaires!

    Les choses deviennent hélas plus claires ! Les secondes qui passent deviennent pour moi des années ! L’assemblée est toujours courtoise. Aimable et avenante.

     

    Derechef, je pose soudain la question à Si Abdelmajid :

    -         Tu connaissais depuis longtemps, feu notre ami Mustapha Belkhiria ?

     Son silence subit et son sourire figé seront l’impact d’une dague effilée, dans mon cœur !

     

    L’avocat « fume-non-stop » qui a déplacé sa chaise pour m’épargner sa cigarette, saute sur l’occasion :

    -         Il me semble tout simplement, que vous vous êtes trompé de maison docteur…

    Je n’ai plus de voix mais des yeux, ronds comme une bille, qui marquent mon désarroi.

     

    Vingt secondes de silence de plomb ! Une éternité. J’aurai aimé être à trente pieds sous terre !

    L’ancien Directeur du Protocole (retrouve son métier de toujours) reprend rapidement les choses en main. Il se lève me saute amicalement au coup, m’offre encore un gâteau aux pistaches et me dit :

     

    -         Ici, mon ami, c’est une « Dar Farh », (une maison en fête) et non « une maison de deuil ». Se sont les fiançailles de mon neveu Karim.

    Ils tiennent tous à sortir avec moi et m’accompagnent jusqu’à ma voiture….et au Fumeur invétéré de m’expliquer :

     

    Cette maison juste derrière, à la porte également grande ouverte, c’est celle de feu votre ami Mustapha Belkhiria. Ravi de vous avoir connu et merci de votre visite !


     

    Caramba ! Quel quiproquo ! Quel voyage !

    Vers minuit, je quitte la famille Belkhiria en jurant d’écrire cette petite nouvelle qui amuserait  mon ami Mustapha, lui qui aimait tant la vie et les plaisirs et qui nous a quitté sans un Adieu, sans un Aurevoir. La grande faucheuse l’a pris au dépourvu…Paix à ton âme mon ami !

    Ainsi va la vie. De rue en ruelle en passant par ponts et tunnels.

    Les choses de la vie !

     

    Rached Trimèche

    (Tunis, le 20 mai 2006)

  • VOYAGE à TUNIS (suite 2)

    Le Noël de Zi à Malte


     

    En attendant "Le voyage à Tunis" dernier papier de cette série, voici une autre escale!

    Nous sommes dans un pays gigantesque par son histoire et par sa beauté. Je suis à mon quatrième voyage à Malte et j’ai encore des dizaines de merveilles à découvrir. Dire que cette île de Malte n’a pourtant que 50% de la superficie de l’île de Djerba...


    La soirée précédente fut chaude, dure et vibrante. Zi, notre jeune héros de la semaine,  qui se veut Zeus (depuis son voyage au Péloponèse grec) , du haut de ses quatre  ans, pousse et malmène notre taux d'adrénaline.

     

    La veille donc, le soir tombé, mon fils Zi disparaît ! Il devait rester sagement, seul pendant une heure, dans notre vaste chambre d'hôtel, armé de ses jeux électroniques et face à une émission télévisée !

    Une heure après. La découverte. Une chambre vide. En dix minutes, notre hôtel se transforme en champ de bataille ! Une dizaine d’employés le cherchent en criant. Sa maman et moi-même ne savons plus ni quoi faire, ni quoi dire devant cette disparition subite et complète.

    A la 20e longue minute qui pour fut une éternité on nous appelle au bord de la piscine interne de l’hôtel. La catastrophe. Son petit tee short jaune est jeté à côté de ses sandalettes blanches. Pas âme qui vive. L’eau a soudain pour nous une profondeur abyssinique et une couleur satanique. Qu’a fait Lucifer de Zi ? Deux autres minutes de calvaire. Deux années d’asphyxie et de mort lente que ces deux horribles minutes !

    Dans un hôtel de ce rang, on ne s’amuse pas et le Directeur en personne a déjà convoqué la police et les pompiers….

    A la 3e minute,autour de la piscine, voilà soudain, dans un petit coin bien sombre, Zi en train de s’escrimer avec les marches d’escaliers. Tout blême et angoissé ! Son jouet est tombé à l’eau, il voulait le rattraper et ne savait pas encore nager, à 4 ans…Honteux et frigorifié il ne sait plus où se cacher. Le miracle. Il est en vie !

    Il nous refit cela 4 ans plus tard au Sheraton Le Caire (il dormait dans sa chambre...on le retrouva lové à 4 heures du matin dans un large fauteuil de la récéption, avec son Nitendo chéri...après une véritable recherche policière, à l'égyptienne) et encore un an plus tard à Hammamet, quand sa maman ne retrouva de lui que son vélo jeté au milieu de la chaussée, une chaussure en sang…et des voisins qui hurlent…derrière une ambulance….qui démarre en trombe !

    Bref. C’est veille  de Noël et pour conjurer le mauvais sort le Directeur de l’hôtel nous vend sa meilleure table du soir, pour le  dîner spécial, de demain.

    Tout heureux, on passera la journée du lendemain à flâner à travers Malte. Déjà 18h, le temps de récupérer notre petite voiture de location pour rentrer et nous préparer au grand dîner de Noël!

    Mais voilà que dans cette ruelle, Zi me pose une double question :

    -         Dis papa, comment dit-on 6475 en maltais ? (il avait rapidement compris que les chiffres maltais et tunisiens sont identiques !)

     

    -         Dis Papa, c’est quoi cette boite de fromage avec des géraniums rouges?

     

    C’est une grosse et vieille boite de fromage américain transformée en pot de fleur extérieur. Le fruit d'un don US à certains pays, en coopération technique ou humanitaire. Curieuse boite bradée du sigle USA et portant de si jolies fleurs à la fenêtre de cette petite maison jaune. C’est un jaune crétois qui vire sur la moutarde et la belle porte est du siècle passé. Une dizaine d’autres pots de fortune ornent cette grande fenêtre. Zi, curieux comme  une fouine, tient à connaître le nom de toutes ces fleurs…Ce que Zi veut, Dieu veut…

    La maîtresse de maison en tablier bleu et chignon bien ramassé est intriguée par ces trois voyageurs insolites qui regardent de trop près ses joyeuses fleurs…

    Prenant Zi par le bras, elle lui raconte l’histoire de ses fleurs dans un mélange de franco anglo-maltais et nous invite derechef à rentrer pour voir son arbre de Noël….

    L’apéro est royal, l’hôtesse est princière et l’ambiance bon enfant. Le « téléphone maltais » aidant ce sont trois autres membres de la famille qui nous rejoignent des rues voisines. Voilà qu'une porte fenêtre s'ouvre sur un immense et exotique jardin intérieur, où se cache sous un arbre centenaire une somptueuse Porsche rouge rutilante!

    Soudain, c’est le silence, toute la famille se regroupe au fond de la pièce pour un conciliabule mystique, sacré et bien sérieux !

    Le verdict tombe brutalement! Le chef de famille, descendant des Chevaliers de Malte et peut-être de certains Francs Maçons notoires à une requête :

    «  Sir! Notre famille a décidé, au nom du Seigneur Jésus, en ce jour sacré…. »

    Seul le bruit du silence dérange le vol d’une mouche qui se pose sur le nez de Zi…stoïque et maigrichon.

    «  Vous êtes nos hôtes à dîner ! »

    Rien n’y  fait ! Aucun argument ne sera de taille à changer ce verdict maltais. Ni notre dîner déjà payé à prix d’or à notre hôtel, ni le fait qu’on n’osait pas déranger. Rien, nada, nicht, nichts !

    A deux heures du matin nous sommes une quinzaine d’amis heureux à avoir fêté ainsi Noël en famille. Peut-être un de mes plus beaux Noëls….Les bouteilles de champagne se bousculent au portillon du caviar et de la truffe et la Reine dinde n'est plus qu'un vague souvenir... Un dernier bon vin rouge maltais pour la route et on repart comme en Quatorze!

    Sacré Zi, tout cela n’est qu’un début…quand je pense que c’est toi qui a découvert plus tard Radhouane  Charbib, un dimanche matin à Tozeur « The tollest man of the World » 2,36 mètres  et que c’est toi-même qui a écrit au Guiness Book pour finalement l’introduire, le sacraliser et l’immortaliser !

    j’oublies nos autres aventures pendant la guerre du Kosovo quand notre voiture est tombée dans un fossé ou encore notre dernière soirée sur les remparts de Shiraz, en Iran, en 1995, où une belle Iranienne fumant le narguilé t’a conté l’histoire du Roi Darius 1er…que tu aimais…

     

    A toi, cette petite nouvelle, mon très cher Zi, toi mon maître à penser et le sens même de ma vie ! De ta lointaine ville de Timisoara, tu liras cette petite histoire pour ne pas trop stresser avec ta semaine d’examens de ta première année en  pharmacie…

    Je t’aime Zi !

     

    A demain (Suite et fin: "Cérémonie de Fark à El Manar")