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aventures - Page 4

  • Il est minuit. Un homme s’avance… (5)

    BISSAU BY NIGHT

     

    Il est minuit. L’heure du crime. Un homme s’avance un couteau à la main… pour… étendre du beurre sur un morceau de pain.

    Mais en Guinée Bissau, parler de beurre et de pain est déjà un luxe. A minuit, on parle plutôt de sécurité. A minuit, Alex et moi-même décidâmes d’un commun accord de regagner nos pénates !

    Une heure du matin. Un léger bruit suivi du choc d’une chaise qui tombe et me voilà attrapant sous le faisceau de lumière qui jaillit de ma torche, le fauteur de troubles. L’intrus. Celui qui osa pénétrer dans notre chambre. Sortant d’un sommeil profond et d’une fatigue certaine après une première tumultueuse journée à Bissau, mes paupières se font lourdes et ma cornée peu transparente.

    Le fantôme qui vacille sous ma torche électrique est très curieux. Il ne sort pas des châteaux hantés de l’Ecosse profonde, ni du désert du Néguev, ni de la tumultueuse Amazonie. Chemise blanche impeccable, pantalon crème fraîchement repassé et chaussures vernies, le gentleman cambrioleur a en plus un sourire narquois.

    Il eusse fallusse que je le susse (du verbe savoir) que ce jeune homme n’était autre qu’Alex mon compagnon de route.

    Narguant le couvre feu, les centaines de kalachnikov qui se baladent dans la ville, les milliers de pistolets vendus sous le bras, les guet-apens pour cinq maudits dollars, Alex décide de vivre son Bissau by night. J’ai dû dire et répéter qu’il fallait faire attention et éviter les rues sombres. J’ai passé les deux plus longues heures de ma vie qui me rappelèrent un autre calvaire de cent minutes avec un autre compagnon de voyage.

     C’était il y a quatre ans à Séoul. Nous rentrions de Chengdu, la capitale de la province du Sichuan en Chine. Dans cette mégalopole de près de 12 millions d’habitants à plus de 12 heures de train de Pékin, nous avons assistés pendant une semaine à une longue et incroyable procession bouddhiste ! Un régal de l’âme et du cœur !

    Une escale coréenne pour oublier la fatigue et découvrir plus tard la jeune héritière de la maison Samsung, dont la maman voudra…embarquer Nan ! Tout un poème !

    Notre nouvel hôtel de Séoul tombe à pic pour réparer les affres et fatigues de notre pèlerinage, dans des conditions rudimentaires et ecclésiastiquement bouddhistes !

    On avait par le pur hasard des voyages la plus belle suite de l’executive floor du Hilton Séoul à un prix défiant toute concurrence. Nan, mon fils et mon Body guard, perché sur son mètre quatre vingt quatorze, une casquette vissée sur la tête, décida à une heure du matin de rejoindre le quartier des GI américains dans les chaudes rues de Séoul.

    Rien n’y fit. Aussi obstiné que son aîné, il me quitta pour aller vivre deux heures de folie et d’aventure qu’il gardera dans ses souvenirs profonds…

    A demain au sein d’un gouffre humain…

                                                                (@ suivre)

  • 500 ans de colonisation portugaise (3)

    RÉSERVOIR DE BOIS

    et D’ESCLAVES

     

    Si la Guinée Bissau ne fait pas beaucoup parler d’elle, elle reste pour certains le pays de tous les superlatifs : l’insolite archipel des Bijagos ou le plus bel ensemble d’îles en Afrique et la plus charmante capitale d’Afrique de l’Ouest à l’architecture coloniale, mais celle dont les grands bâtiments sont encore les plus perforés, à l’instar de Beyrouth en guerre, par des milliers de salves d’obus. Mais également le pays le plus pauvre d’Afrique qui sort à peine d’une guerre civile de 40 longues années !

     

    En bord de l’océan atlantique nord, entre la Guinée et le Sénégal, la Guinée Bissau compte aujourd’hui 1,6 million d’habitants sur un territoire de 36 000 km², soit un peu moins de la superficie de la Suisse.

    Les Bissaliens ou habitants de Bissau parlent entre eux le créole et gardent le portugais comme langue administrative. Les Balantas sont l’ethnie majeure du pays, suivis de 20 % de Fulas et de 14 % de Manjacas. La majorité de la population s’attache principalement aux croyances traditionnelles tandis que les chrétiens représentent 5 % de la population et les musulmans 45 %.

    Histoire

    Cinq siècles d’occupation portugaise, une des plus longues colonisations de l’histoire de l’humanité, de 1446 (veille de la découverte de l’Amérique) à 1974.

    Les Portugais découvrirent une forêt au bois intarissable. Leur flotte sillonnait le monde, leurs grands voyageurs exploraient la planète, leurs colonies s’étendaient et de nouvelles embarcations avaient besoin du bois de la Guinée Bissau. Une réserve gratuite et inépuisable est ainsi sauvegardée.

    Les fleuves de Guinée et les îles du Cap-Vert furent les premières terres africaines explorées par les Portugais, en particulier par l’intrépide Nuno Tristao au XVe siècle. Par un savant commerce triangulaire, le Portugal exporta, jusqu’au XIXe siècle, de nombreux esclaves vers les Amériques en passant par le Cap-Vert. C’est ainsi que le centre négrier de Bissau se transforma en ville commerciale en 1765.

    Un siècle plus tard, la France arriva dare-dare et prit au Portugal une partie de la Guinée , y compris la Casamance sénégalaise.

    Les forces portugaises tentèrent, avant la première guerre mondiale, de soumettre les tribus animistes, avec le soutien de la population musulmane, pour fixer les frontières de la Guinée Bissau. Trente ans de combat pour arriver en 1936 à la reddition des Bijagos. La capitale passa ainsi en 1941 de Bolama à Bissau qui deviendra dix ans plus tard, à l’instar des TOM français, une province d’Outre-Mer du Portugal.

    Le destin de la Guinée Bissau , ancien royaume de Gabu, est pris en main par un valeureux chevalier, l’Amiral Cabran, qui prend la tête du mouvement nationaliste pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert.

    Ces deux voisins jumeaux, la Guinée française (Conakry) et la Guinée espagnole dite équatoriale (Malabo) formeront une zone hospitalière de repli, à telle enseigne que l’Amiral choisit d’implanter ses quartiers militaires à Conakry en 1956.

    En 1962, la guérilla anti-portugaise prend forme. Onze ans plus tard, Amilcar Cabran fut assassiné à Conakry. Son frère d’arme, Aristides Pereira, reprit le flambeau et déclara en septembre de la même année l’indépendance de la Guinée Bissau. Un an plus tard, soit douze longs mois après, le Portugal reconnut enfin, suite à la révolution des œillets et la chute du dictateur Antonio Salazar, l’indépendance de son ancienne colonie.

     

     En Guinée Bissau, la guerre se poursuit avec luis Cabran, le demi-frère de notre feu chevalier Amilcar Cabran, qui devint alors président de la République. La Guinée est enfin dotée de stabilité et l’espoir revient ! La pêche et la noix de cajou reprennent le haut du pavé et tout semble redevenir normal !

     

    Six ans plus tard, luis Cabran est renversé et la guerre civile reprend. J.B. Vieira, auteur du nouveau coup d’Etat, abandonne sa robe de premier ministre pour celle de président. Vingt ans après l’indépendance, la Guinée eut droit à ses premières élections et à un soulèvement militaire. Il faudra attendre l'an 2004 pour subir un énième coup d'Etat et asseoir enfin un gouvernement. Près de quarante ans de guerre civile ont dévasté et dépecé un charmant petit pays d'Afrique. 

    Quel est donc le potentiel économique de ce pays miraculé ?

  • Arrivée en Guinée(2)

    Bissau du bout du monde

    L’arrivée guinéenne commence par un problème de taille. Le logement. Comment trouver toit et fourchette dans un pays qui ne connaît qu’un seul et unique hôtel pour hommes d’affaires et diplomates de tous poils où la plus petite chambre coûte autant que le salaire annuel d’un autochtone ?  

    Refusant de nous faire plumer à l’arrivée, nous demandons à notre charmant hôte de nous faire visiter le centre ville pour y dénicher un éventuel logement. Aussitôt dit aussitôt fait, nous voilà reçus par un quinquagénaire de 120 Kg, ancré dans un bureau de 3 m². Les livres, factures, cahiers et carnets se chevauchent, s’imbriquent et arrivent même à garder un certain équilibre malgré une hauteur de 60 centimètres. Le clou de ce bureau est un ordinateur portable qui doit être le dernier gadget du pays. La page bleue de Microsoft ignore les frontières de la Guinée Bissau et s’implante derechef chez notre libanais propriétaire du grand hôtel de Bissau riche de cinq chambres.

    La suite royale numéro 1 nous est allouée pour la modique somme de 40 dollars la nuit, soit à peine deux mois de salaire d’un ouvrier... Deux petits lits avec un matelas en mousse trônent dans une chambre bien vide. Le plafond est bas et les murs, délabrés. L’humidité tropicale dotera ces mêmes murs de précieuses sources thermales. Champignons et moisissures se bousculent au portillon. L’insolite est certes la salle de bain. Une énorme pièce de dix m², toute de faïence blanche vêtue. Au fond, un pommeau de douche se lamente tristement pendu à un vieux caoutchouc qui du gruyère a toute l’apparenté. A l’autre bout de cette pièce, un évier aussi blanc que neige (oh miracle !) attendra vos ablutions matinales et vous évitera faute de glace ou de miroir de voir votre mine fatiguée. Luxe suprême, un petit paillasson d’osier se veut la seule et unique décoration de notre chambre d’hôtel dite suite royale n°01 !  

    Qu’est ce qui rend la Guinée Bissau aussi pauvre et si délabrée ?

    (@ suivre)

  • Une nuit au Caucase

    Les Zoroastriens

     

     

    Bakou. (suite et fin). Nous assistons ce soir à un véritable concert de Mongham dans le cadre étrange de la montagne de Feu ! Nous sommes très loin de cet Azerbaïdjan qui se recherche à la sortie de la défunte URSS. Ce soir c’est table ouverte à la culture !

    Les poèmes sont du XVIe siècle, du temps du grand poète Mohamed Fizuli (1498-1558). Réfugié à Bagdad au sein d’une communauté azérie, il est le seul poète aux trois diwans : en perse, en arabe et en azéri. D’autres poèmes lyriques sont d’Elias Nezami (1120-1181). Son épopée romanesque  «Leyla et Madjnun» l’a fait passer à la postérité. La voix de ces magiciens emportée par la flamme millénaire caresse la lune qui nous semble soudain plus proche. Ce concert de musique classique fera de cette nuit un moment unique de la vie. LA nuit !

    Mais d’où vient ce feu sacré?

    L’explication est fort simple : dans cette région du Caucase, au bord de la mer Caspienne, le pétrole est à bout de champ et le pays en produit 50 millions de tonnes par an. Morts il y a des dizaines de milliers d’années, ils ont formé d’importances couches sédimentaires. La longue dégradation bactériologique des organismes aquatiques, animaux et végétaux, a engendré ce pétrole. La roche mère a englobé ces précieux hydrocarbures et c’est dans ses profondeurs que l’on ira extraire le pétrole et le gaz naturel. Mais ici, nul besoin d’exploitation car le gaz s’est imprégné dans un schiste bitumeux enfoui dans de larges couches d’argile. Cette roche étant à fleur de sol, la libération du gaz est pour ainsi dire automatique.

    Quant à la provenance du feu, elle est accidentelle : par une nuit d’hiver noire et sordide, Zeus et Jupiter se disputaient leurs empires grec et latin. Vulcain en arbitre des Cieux fit soudain éclater la foudre. Un million de volts suffirent largement à embraser ce gaz naissant. Il y a 6 000 ans, d’une étincelle de foudre est né ce feu éternel.

    Tout ce que je savais des Zoroastriens, je l’ai appris avec mon fils Zied, âgé de 12 ans, lors de notre voyage en Iran, en 1998.

    Le zoroastrisme s’y est implanté entre 224 et 642, époque sassanide durant laquelle Ardeshir, un anti-grec notoire, rétablit la langue des Achéménides ou Zoroastriens.

    Zoroastre (630-550 av. J.-C.), connu dans la Perse antique sous le nom de Zarathoustra, est issu d’une famille de chevaliers, les Spitama, à une époque précédant celle des rois achéménides.

    Il eut, jeune, des révélations d’Ahura Mazda, le « Seigneur Sage » et lutta durant des années contre les prêtres des cultes établis. Il condamna les rites orgiaques associés aux sacrifices traditionnels offerts aux Dieux mais voulut perpétuer la tradition du culte du feu.

    La profondeur intellectuelle de son système a eu une influence notable sur la pensée occidentale.

    Platon, Aristote et d’autres penseurs grecs ont manifesté un grand intérêt à l’égard de ses doctrines. Dans le Manuel de discipline trouvé parmi les rouleaux de la mer Morte, l’évolution de la démonologie (étude des démons), de l’angélologie (étude des anges) et de l’eschatologie (étude des fins dernières de l’home et du monde) judéo-chrétiennes porte l’empreinte de ses idées. Pour lui, sans réfuter l’existence des divinités traditionnelles du panthéon pers, seul Ahura Mazda est digne de vénération.

    Les principes fondamentaux du zoroastrisme reposent sur le culte de Ahura Mazda, le « Seigneur Sage » ou le « Maître du savoir » (credo monothéiste) et sur un dualisme éthique opposant Vérité (Asha) et Mensonge.

    Zoroastre attribue le bien aux émanations de Ahura Mazda - Spenta Mainyu (L’Esprit Saint, la force créatrice) et les six entités qui l’assistent : Bon Esprit, Vérité, Pouvoir, Dévotion, Santé et Vie – et le mal à Angra Mainyu ou l’Esprit diabolique et ses assistants.

    Les Gathas et le Haptanghaiti

    Zoroastre consacre les Gathas au culte de la Sagesse et ses émanations dont Asha.

    Le Haptanghaiti ou « Rituel des Sept Chapitres » se réserve au culte du dieu Ahura, protecteur de Asha et évoque des divinités de la nature (nuages, pluie et eaux) ou autres (dieu du Feu) que l’on peut rapprocher de celles des textes religieux indiens, les Rig-Veda, les ancêtres des Perses et les envahisseurs du Nord de l’Inde partageant la même origine.

    Le Yasna et le Videvdat

    Outre les Ghatas et les « Sept Chapitres », le grand texte de sacrifice rituel, le Yasna englobe un ensemble d’hymnes de facture plus tardive rendant hommage à diverses divinités dont Anahita la déesse des eaux et de la fertilité.

    Le Videvdat, la dernière partie de l’Avesta, rédigée après la conquête de la Perse par les Grecs, au Ive s. av. J.-C., réunit l’ensemble des prescriptions et des interdits de la loi relatifs à la vie quotidienne : celles, par exemple, concernant l’exposition des cadavres, la protection accordée aux chiens ou le massacre systématique des reptiles.

    C’est en Perse que s’est forgé l’âge d’or de cette doctrine.

    Darius 1er fut probablement le premier roi à adopter le zoroastrisme. Son règne et ceux de son fils Xerxès 1er et d’Artaxerxès 1er ensuite furent marqués par une synthèse des enseignements de Zoroastre et du polythéisme antique. La nouvelle dynastie des Sassanides (226-651 ap. J.-C.) l’institua religion d’Etat. La Perse s’islamisa à la suite de la conquête arabe au VIIe s., seules quelques communautés de Gabars ou guèbres (20 000 aujourd’hui) dans les régions montagneuses du Yezd et du Kem restent fidèles au zoroastrisme. De nombreux adeptes ont émigré vers l’Inde et vivent aujourd’hui dans la banlieue de Bombay, récitant la liturgie de l’Avista et conservant les feux sacrés.

    Adieu Bakou

    Les dernières notes de musique se meurent dans le crépitement du feu et les ondulations du silence imprègnent les hôtes encore hypnotisés par ces mélodies des siècles passés. Un verre de thé bien chaud et bien pers ranime les esprits et nous ramène à nouveau vers la civilisation de l’Azerbaïdjan.

    Ce grand peuple colonisé tantôt par les Perses, tantôt par les Russes, affronte aujourd’hui le conflit du Haut-Karabakh. C’est un autre Kosovo fabriqué de toutes pièces avec une enclave arménienne en territoire azéri. Tout comme en Tchétchénie, la Russie ne peut se passer des 50 millions de tonnes de pétrole produit annuellement par l’Azerbaïdjan. L’Arménie voisine est un peu le dindon de la farce en allant au feu pour récupérer le Haut-Karabakh.

    Et dire que cet Azerbaïdjan pourrait devenir un jour le « Koweït du Caucase » ! Mais que le chemin est long ! Et combien de mentalités sont à changer ! Quel serait le héros qui introduirait éthique, civisme et démocratie dans un pays où tout est prêt pour le décollage ? Avec un salaire moyen de 20 dollars américains par mois, il ne reste plus que les mille et une combines pour survivre.

    Las de ces réflexions, nous rejoignons notre gentleman ambassadeur pour reprendre nos véhicules et dire adieu aux Zoroastriens qui nous ont permis de vivre une nuit exceptionnelle.

    La route du retour nous semble différente. Du regard nous saluons ce paysage désertique sans trop savoir si nous sommes au XIIIe ou au XXIe siècle, si Zoroastre est encore là et si ce feu brûlera encore dans 6 000 ans. Dieu que la vie est étrange !

    Le voyage restera toujours le creuset de la magie, du rêve et de la réalité !

    R.T.

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