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Voyage - Page 14

  • Il est minuit. Un homme s’avance… (5)

    BISSAU BY NIGHT

     

    Il est minuit. L’heure du crime. Un homme s’avance un couteau à la main… pour… étendre du beurre sur un morceau de pain.

    Mais en Guinée Bissau, parler de beurre et de pain est déjà un luxe. A minuit, on parle plutôt de sécurité. A minuit, Alex et moi-même décidâmes d’un commun accord de regagner nos pénates !

    Une heure du matin. Un léger bruit suivi du choc d’une chaise qui tombe et me voilà attrapant sous le faisceau de lumière qui jaillit de ma torche, le fauteur de troubles. L’intrus. Celui qui osa pénétrer dans notre chambre. Sortant d’un sommeil profond et d’une fatigue certaine après une première tumultueuse journée à Bissau, mes paupières se font lourdes et ma cornée peu transparente.

    Le fantôme qui vacille sous ma torche électrique est très curieux. Il ne sort pas des châteaux hantés de l’Ecosse profonde, ni du désert du Néguev, ni de la tumultueuse Amazonie. Chemise blanche impeccable, pantalon crème fraîchement repassé et chaussures vernies, le gentleman cambrioleur a en plus un sourire narquois.

    Il eusse fallusse que je le susse (du verbe savoir) que ce jeune homme n’était autre qu’Alex mon compagnon de route.

    Narguant le couvre feu, les centaines de kalachnikov qui se baladent dans la ville, les milliers de pistolets vendus sous le bras, les guet-apens pour cinq maudits dollars, Alex décide de vivre son Bissau by night. J’ai dû dire et répéter qu’il fallait faire attention et éviter les rues sombres. J’ai passé les deux plus longues heures de ma vie qui me rappelèrent un autre calvaire de cent minutes avec un autre compagnon de voyage.

     C’était il y a quatre ans à Séoul. Nous rentrions de Chengdu, la capitale de la province du Sichuan en Chine. Dans cette mégalopole de près de 12 millions d’habitants à plus de 12 heures de train de Pékin, nous avons assistés pendant une semaine à une longue et incroyable procession bouddhiste ! Un régal de l’âme et du cœur !

    Une escale coréenne pour oublier la fatigue et découvrir plus tard la jeune héritière de la maison Samsung, dont la maman voudra…embarquer Nan ! Tout un poème !

    Notre nouvel hôtel de Séoul tombe à pic pour réparer les affres et fatigues de notre pèlerinage, dans des conditions rudimentaires et ecclésiastiquement bouddhistes !

    On avait par le pur hasard des voyages la plus belle suite de l’executive floor du Hilton Séoul à un prix défiant toute concurrence. Nan, mon fils et mon Body guard, perché sur son mètre quatre vingt quatorze, une casquette vissée sur la tête, décida à une heure du matin de rejoindre le quartier des GI américains dans les chaudes rues de Séoul.

    Rien n’y fit. Aussi obstiné que son aîné, il me quitta pour aller vivre deux heures de folie et d’aventure qu’il gardera dans ses souvenirs profonds…

    A demain au sein d’un gouffre humain…

                                                                (@ suivre)

  • 180 US $ de PNB par tête et par an (4)

    Cajou, pétrole

    et ... termitières

    A plus de deux heures de voiture de Bissau, nous voici dans un hôtel, en bord de fleuve, qui sert de refuge aux chasseurs-pêcheurs de la région. D’un âge avancé mais toujours bon pied bon œil, Pedro le Portugais, propriétaire de l’hôtel, au nombre de clients égal à zéro, a décidé de couler ses vieux jours dans son pays natal et de retourner à Lisbonne après les fêtes de fin d’année.

    La fin de l’année est pour Pedro l’aubaine attendue. Sa seule réelle quinzaine de travail pendant toute l’année. Dès le quinze décembre, les Portugais fuient la neige de leur pays et viennent se nourrir d’exotisme en Guinée Bissau. Pedro fera encore plus. A l’aide d’un yacht, il emmène ses troupes dans les méandres de l’archipel Bijagos pour de fabuleuses et inoubliables pêches au gros. En témoignent ces dizaines de photos noir et blanc agrafées à l’entrée de l’hôtel où chaque touriste pêcheur arbore le poids de sa prise.

    Notre chemin se perd dans la forêt et notre 4x4 est envahi par d’insolites et gigantesques cônes de deux mètres de haut.

    Non ce n’était pas de la terre cuite ni une statut de Gaudi, ni un tableau de Picasso. Ces édifices innombrables et particuliers sont des termitières. Les galeries souterraines de ces termitières doivent communiquer entre elles. Le termite, cet insecte xylophage aux pièces buccales broyeuses, envahit ainsi le paysage par d’imposantes termitières. La chaire de poule est assurée pour tout passant perdu entre ces termitières de la Guinée.

    Économie

    Suivons les sinueuses galeries des termites pour essayer de comprendre l’économie de Guinée Bissau qui se cache dans une autre profonde termitière que nous allons découvrir ensemble.

    Le pays est à 90 % d’économie rurale et la noix de cajou représente 90 % des recettes d’exportation et en fait le principal producteur mondial. En 2007, l’Inde se veut le premier acheteur de cette noix en Guinée pour la distribuer sous une forme élégante et attractive à l’ensemble de la planète. Mais hélas, après trente ans d’indépendance, le pays demeure au Top 5 des pays les plus pauvres au monde.

    Il faut dire que le monde est bien injuste. A eux seuls les États-Unis, qui représentent 5 % de la population mondiale, produisent 22 % de la richesse du monde.

    La moitié de cette richesse est produite par des pays qui représentent 13 % de la population mondiale, tandis que les pays les plus pauvres, dont la Guinée Bissau fait hélas partie et qui forment 20 % de la population mondiale, ne se partagent que 3 % de la richesse de la planète.

    Le PNB (Produit National Brut) par tête et par an de la Guinée Bissau n’est que de 180 dollars US, soit 133 euros où le salaire quotidien d’un simple technicien en Allemagne. Le Top 5 des pays les plus pauvres au monde élargit le voisinage de notre Guinée à l’Ethiopie, le Burandi, le Congo RDC (aux fabuleuses richesses minières spoliées), le Libéria et la Somalie. Dans ce même continent, le Top 5 des pays les plus riches est répartie entre la Réunion (15 000 dollars US), les Seychelles, la Libye , le Gabon et l’Afrique du Sud.

    Pour garder la même mesure, le même refrain et le même espoir, évoquons le Top 5 planétaire qui, en 2005 toujours, fut restreint au Luxembourg (55 380 dollars US), à la Norvège , à la Suisse , aux USA et au Danemark.

    L’Union européenne semble être dans une autre galaxie économique comparée à notre Guinée. Si le Luxembourgeois est assuré d’un Smic ou d’un Salaire mensuel minimum garanti de 1570 €, le Français de 1250 € et le pauvre Bulgare de 92 € à peine, le Guinéen de Bissau n’aura malheureusement qu’un salaire mensuel minimum non garanti de 10 à 15 € seulement !

    La pêche, l’arachide et le bois restent les principales ressources économiques de la Guinée Bissau qui se targue d’une dette extérieure qui représente 370 % du PNB et en fait un nouveau triste record mondial.

    Aujourd’hui, 33 ans après l’indépendance, deux tiers de la population vivent sous le seuil de la pauvreté et n’affichent que 45 ans d’espérance de vie, soit près de la moitié de celle du Japon.

    Aujourd’hui, le Portugal, l’ONU, la Banque Mondiale et la BAD sont les principaux soutiens financiers du pays. Le FMI, quant à lui, découvrant un trou de 16 milliards de dollars dans les caisses de l’État, s’est retiré de la Guinée Bissau.

    Le président Vieira a un rêve. Un souhait.

    Non ce n’est pas celui de John Kennedy face au mur de Berlin ni celui de Martin Luther King à Washington. Le dream de notre président est autre, c’est un rêve visqueux, lourd et surtout si bien caché que personne en Guinée Bissau ne vous dira ce qu’il pèse, ce qu’il vaut, ce qu’il pourrait être… Comment oublier ma rencontre avec le ministre de l’économie à qui je répétais inlassablement dans ses bureaux la même question et qui me donnait inlassablement une réponse badine et creuse :

    « Comment puis-je vous dire monsieur quel est le poids de cette nouvelle richesse dont vous me parlez, de ce dream de président, de cette manne céleste enfouie dans l’eau. Sachez monsieur que seul le président Bush pourrait vous donner aujourd’hui les données exactes de cette richesse enfouie. Nous, hélas, n’avons pas accès aux données des satellites américains. Il m’est donc impossible de vous donner la quantité de réserves de pétrole que l’on vient de découvrir. »

    Allons découvrir Bissau by night entre Kalachnikov en bandoulière et balles perdues…

    (@ suivre)

  • 500 ans de colonisation portugaise (3)

    RÉSERVOIR DE BOIS

    et D’ESCLAVES

     

    Si la Guinée Bissau ne fait pas beaucoup parler d’elle, elle reste pour certains le pays de tous les superlatifs : l’insolite archipel des Bijagos ou le plus bel ensemble d’îles en Afrique et la plus charmante capitale d’Afrique de l’Ouest à l’architecture coloniale, mais celle dont les grands bâtiments sont encore les plus perforés, à l’instar de Beyrouth en guerre, par des milliers de salves d’obus. Mais également le pays le plus pauvre d’Afrique qui sort à peine d’une guerre civile de 40 longues années !

     

    En bord de l’océan atlantique nord, entre la Guinée et le Sénégal, la Guinée Bissau compte aujourd’hui 1,6 million d’habitants sur un territoire de 36 000 km², soit un peu moins de la superficie de la Suisse.

    Les Bissaliens ou habitants de Bissau parlent entre eux le créole et gardent le portugais comme langue administrative. Les Balantas sont l’ethnie majeure du pays, suivis de 20 % de Fulas et de 14 % de Manjacas. La majorité de la population s’attache principalement aux croyances traditionnelles tandis que les chrétiens représentent 5 % de la population et les musulmans 45 %.

    Histoire

    Cinq siècles d’occupation portugaise, une des plus longues colonisations de l’histoire de l’humanité, de 1446 (veille de la découverte de l’Amérique) à 1974.

    Les Portugais découvrirent une forêt au bois intarissable. Leur flotte sillonnait le monde, leurs grands voyageurs exploraient la planète, leurs colonies s’étendaient et de nouvelles embarcations avaient besoin du bois de la Guinée Bissau. Une réserve gratuite et inépuisable est ainsi sauvegardée.

    Les fleuves de Guinée et les îles du Cap-Vert furent les premières terres africaines explorées par les Portugais, en particulier par l’intrépide Nuno Tristao au XVe siècle. Par un savant commerce triangulaire, le Portugal exporta, jusqu’au XIXe siècle, de nombreux esclaves vers les Amériques en passant par le Cap-Vert. C’est ainsi que le centre négrier de Bissau se transforma en ville commerciale en 1765.

    Un siècle plus tard, la France arriva dare-dare et prit au Portugal une partie de la Guinée , y compris la Casamance sénégalaise.

    Les forces portugaises tentèrent, avant la première guerre mondiale, de soumettre les tribus animistes, avec le soutien de la population musulmane, pour fixer les frontières de la Guinée Bissau. Trente ans de combat pour arriver en 1936 à la reddition des Bijagos. La capitale passa ainsi en 1941 de Bolama à Bissau qui deviendra dix ans plus tard, à l’instar des TOM français, une province d’Outre-Mer du Portugal.

    Le destin de la Guinée Bissau , ancien royaume de Gabu, est pris en main par un valeureux chevalier, l’Amiral Cabran, qui prend la tête du mouvement nationaliste pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert.

    Ces deux voisins jumeaux, la Guinée française (Conakry) et la Guinée espagnole dite équatoriale (Malabo) formeront une zone hospitalière de repli, à telle enseigne que l’Amiral choisit d’implanter ses quartiers militaires à Conakry en 1956.

    En 1962, la guérilla anti-portugaise prend forme. Onze ans plus tard, Amilcar Cabran fut assassiné à Conakry. Son frère d’arme, Aristides Pereira, reprit le flambeau et déclara en septembre de la même année l’indépendance de la Guinée Bissau. Un an plus tard, soit douze longs mois après, le Portugal reconnut enfin, suite à la révolution des œillets et la chute du dictateur Antonio Salazar, l’indépendance de son ancienne colonie.

     

     En Guinée Bissau, la guerre se poursuit avec luis Cabran, le demi-frère de notre feu chevalier Amilcar Cabran, qui devint alors président de la République. La Guinée est enfin dotée de stabilité et l’espoir revient ! La pêche et la noix de cajou reprennent le haut du pavé et tout semble redevenir normal !

     

    Six ans plus tard, luis Cabran est renversé et la guerre civile reprend. J.B. Vieira, auteur du nouveau coup d’Etat, abandonne sa robe de premier ministre pour celle de président. Vingt ans après l’indépendance, la Guinée eut droit à ses premières élections et à un soulèvement militaire. Il faudra attendre l'an 2004 pour subir un énième coup d'Etat et asseoir enfin un gouvernement. Près de quarante ans de guerre civile ont dévasté et dépecé un charmant petit pays d'Afrique. 

    Quel est donc le potentiel économique de ce pays miraculé ?

  • Arrivée en Guinée(2)

    Bissau du bout du monde

    L’arrivée guinéenne commence par un problème de taille. Le logement. Comment trouver toit et fourchette dans un pays qui ne connaît qu’un seul et unique hôtel pour hommes d’affaires et diplomates de tous poils où la plus petite chambre coûte autant que le salaire annuel d’un autochtone ?  

    Refusant de nous faire plumer à l’arrivée, nous demandons à notre charmant hôte de nous faire visiter le centre ville pour y dénicher un éventuel logement. Aussitôt dit aussitôt fait, nous voilà reçus par un quinquagénaire de 120 Kg, ancré dans un bureau de 3 m². Les livres, factures, cahiers et carnets se chevauchent, s’imbriquent et arrivent même à garder un certain équilibre malgré une hauteur de 60 centimètres. Le clou de ce bureau est un ordinateur portable qui doit être le dernier gadget du pays. La page bleue de Microsoft ignore les frontières de la Guinée Bissau et s’implante derechef chez notre libanais propriétaire du grand hôtel de Bissau riche de cinq chambres.

    La suite royale numéro 1 nous est allouée pour la modique somme de 40 dollars la nuit, soit à peine deux mois de salaire d’un ouvrier... Deux petits lits avec un matelas en mousse trônent dans une chambre bien vide. Le plafond est bas et les murs, délabrés. L’humidité tropicale dotera ces mêmes murs de précieuses sources thermales. Champignons et moisissures se bousculent au portillon. L’insolite est certes la salle de bain. Une énorme pièce de dix m², toute de faïence blanche vêtue. Au fond, un pommeau de douche se lamente tristement pendu à un vieux caoutchouc qui du gruyère a toute l’apparenté. A l’autre bout de cette pièce, un évier aussi blanc que neige (oh miracle !) attendra vos ablutions matinales et vous évitera faute de glace ou de miroir de voir votre mine fatiguée. Luxe suprême, un petit paillasson d’osier se veut la seule et unique décoration de notre chambre d’hôtel dite suite royale n°01 !  

    Qu’est ce qui rend la Guinée Bissau aussi pauvre et si délabrée ?

    (@ suivre)